"Quel est pour vous l'écrivain le plus important du siècle ? ", voilà la question posée à
Christian Garcin. Il trouve la question trop générale, à laquelle manque la précision du sens. Donc à partir de ses divers interprétations, il donne ses propres réponses, citant Kafka,
Faulkner et.....
Borges, son "écrivain-référence", le sujet de ce livre.
Garcin approche
Borges pour la première fois par l'intermédiaire d'un commentaire de
Javier Marias sur une traduction d'un chapitre d'un livre de Sir Thomas Brown faites par le duo
Borges/
Bioy Casares, qui d'ailleurs pourrait être apocryphe....non vérifié (!). Une double mystification qui en lui ouvrant les portes de l'oeuvre de
Borges lui ouvrira aussi celle de la Littérature, et celle de la pratique d'une écriture qui le dirigera vers son destin d'écrivain, à l'époque inexistant.
Racontant l'évolution de "sa relation" avec
Borges, il déploie la même structure labyrinthique qui le fascine dans la prose de l'illustre écrivain ( " ...le labyrinthe dont la circularité n'exclut pas la progression en vue d'une chambre centrale qui abrite l'objet voilé de la quête" ). Labyrinthes, où
Borges dissémine n'innombrables indices, des correspondances et des effets de symétrie qui abondent à n'en plus finir, dont Garcin nous en décortique quelque uns, comme les vieilles légendes, dont celle du Simurgh ( magnifique,que je connaissais déjà) .
En se référant à des citations de ses écrits qui l'ont marqué, il nous approche concrètement, même si c'est très partiellement de son oeuvre, que je trouve personnellement déroutante ( "A chacun son mur rose, j'imagine: nous avons tous expérimenté ces brèves épiphanies, aussi nombreuses que diverses, qui s'appuient sur une odeur, un bruit, une vision furtive, et nous font basculer ailleurs....ces brefs instants d'extase au cours desquels semble se dévoiler quelque chose d'insoupçonné, d'insaisissable, et d'ailleurs d'insaisi" ).
De même que Garcin, je pense que
Borges est "suprêmement malin pour n'avoir pas pensé à provoquer, manipuler et déjouer les commentaires en disposant ça et là....les indices qui iraient dans le sens qu'il voulait.".....il en conclut d'ailleurs ," il m'a promené."Mais je dois avouer, de même Garcin " m'a promenée", avec ce livre.
Il est en grande admiration devant son écrivain-référence, mais pas que....de son humour discret il décortique aussi ses faiblesses,parlant de cet homme aveugle, confiné à son emploi de bibliothécaire, à qui manque la vie et la force , mais étonnamment porte la nostalgie d'une violence, symbolisée dans son oeuvre par le tigre, "Mais s'il suffit de sortir du jardin clos pour rejoindre la rue, suffit-il de sortir de la bibliothèque pour entrer dans la forêt ?"
Le nom de
Borges, personnage mystérieux me fait fantasmer, son oeuvre beaucoup moins. Mais ce livre à été un grand plaisir de lecture de par son fond et de par sa forme, Garcin étant un auteur dont la curiosité,les goûts éclectiques et la prose sont trés proches de ma nature de lectrice.
Que vous connaissez ou non, aimez ou non l'oeuvre de
Borges, ce livre est un petit bijou littéraire insolite, écrit avec humilité et humour, que je conseille à qui aime La Littérature quelle que soit ses choix littéraires.
"Que voulez-vous que je vous dise de moi ? Je ne sais rien de moi ! Je ne sais même pas la date de ma mort !" (
Jorge Luis Borges )