Pièce en quatre actes qui met en scène un critique d'art réputé pour sa plume acerbe, qui semble avoir le respect des artistes jusqu'au jour où sa maîtresse se pend. Profondément affecté par cette tragédie, il voit alors son entourage, ses "amis", se retourner contre lui et affirmer qu'il est responsable de cet drame, qu'il nuit à leur réputation et qu'il serait préférable de l'éliminer. Présentant un point de vue cynique mais sans doute assez réaliste de la nature humaine, la pièce est fort intéressante, mais certains éléments propres à Gauvreau (invention de langage, entre autres) la rendent invraisemblable et ne me plaisent pas particulièrement.
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COCHEBENNE — Ah! merde de merde! Ça devient franchement intolérable...
IVULKA — Oui... il a manqué une belle occasion de se faire oublier.
COCHEBENNE — Tu es fou. Yvirnig, donc tu as tort en tout.
IVULKA — Les fous n'ont qu'à nous foutre la paix, ils n'ont qu'à prendre leur trou et à se faire oublier.
COCHEBENNE — Que la leçon te serve, cher Yvirnig! Nous ayons soupé de tes élucubrations. Laisse-nous tranquilles! Tais-toi et n'écris plus une ligne ! [...] Ah ! Et puis merde à tous ceux qui sont incapables de porter un jugement par eux-mêmes.
IVULKA : Mais qu'est-ce que cette lettre?
YVIRNIG : Je ne peux… Je ne peux…
COCHEBENNE : C'est sûrement la demande d'article que la revue Zibur a envoyée à Yvirnig. Drouvoual vient de me mettre au courant.
IVULKA : Un article sur la peinture?
COCHEBENNE : Sur la peinture actuelle, oui.
IULKA : C'est-à-dire sur nous?
COCHEBENNE : Entre autres.
YVIRNIG : Il faut… Il faut… se… se taire…
IVULKA : Yvirnig a donc encore du prestige? COCHEBENNE : Bah, il peut à peine parler ; mais, puisqu'il ne fait plus aucun effort pour écrire, nous ne pouvons pas savoir s'il en est encore capable. Donnons-lui tout de même le bénéfice du doute…
YVIRNIG : Un être… un être… doit se taire… quand… quand… sa puiss… sa puissance… est foud… foudroyée…
IVULKA — Bah! tu peux toujours écrire des
phrases de poésie éthérée si tu t'en sens capable
... ça c'est inoffensif et ça peut servir de thérapeutique.
Mais plus une syllabe de critique.
La censure a plus d'existences qu'un chat!
Claude Gauvreau, poète et dramaturge québécois (1925-1971), est interviewé dans le contexte de l'échec relatif de sa pièce de théâtre «La charge de l'orignal épormyable», écrite il y a plusieurs années et qui vient d'être jouée pour la première fois en 1970. Il s'exprime aussi sur son travail poétique et sa vision du futur cybernétique!
Source : Femme d'aujourd'hui, 13 mai 1970
Animatrice : Aline Desjardins
Journaliste : Renée Larochelle