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EAN : 9782070743605
176 pages
Gallimard (23/01/1996)
3.8/5   46 notes
Résumé :
Ludvík M. avait quitté Prague quand son pays souffrait d'une « cécité de l'âme ». À l'Ouest, il avait connu un grand amour avec Esther. Puis Esther l'avait trahi et il s'était ensuivi un exil à rebours. Il était revenu à Prague. Là désormais, tout devient étrange, se pare d'irréalité. Tandis que celui qui fut son maître très admiré dans sa jeunesse, Joachym Brum, entre en une longue agonie et ne meurt qu'au jour qu'il a choisi, Ludvík ne cesse de faire des rencontre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Ludvik vient de quitter son ancien professeur, Joachym Brum, un entêté qui a décidé du jour de sa mort. Auprès de cet homme, Ludvik a appris bien des choses, mais depuis longtemps il traîne une indifférence morne : il ne voit plus le mystère des choses. « Il manquait à Ludvik cet élan, cette inépuisable générosité que seul octroie l'oubli de soi. Plus l'oubli est profond, plus le coeur est prodigue. Ludvik était simplement las de lui-même, et donc de tout et de tous. » (p. 21) le lecteur découvre peu à peu la vie de cet individu : il est revenu dans son pays après 11 ans d'exil volontaire, d'une part pour vivre le renouveau de sa patrie, mais surtout pour échapper à la blessure d'un amour malheureux. « Il montait en chute libre dans le désert de l'amour même. » (p. 29) Il effectue donc un exil à rebours : il quitte la femme perdue pour le pays retrouvé, mais il n'est en rien un enfant prodigue, ne retrouvant pas sa place et ne se sentant pas accueilli avec chaleur. « Il était repu de liberté, mais infirme d'idéaux, et amèrement insatisfait de l'être. » (p. 27) Rien ne l'intéresse désormais que la traduction d'un ouvrage hanté par la figure de Rabbi Loew. Mais alors qu'il croise d'étranges personnages au gré de ses pérégrinations et qu'il écoute leurs récits abscons et douloureux, il retrouve en lui une étincelle qui n'est autre que le goût, le sens et la conscience de la vie en tant que chose à expérimenter et à savourer, pas seulement en tant que matière à penser.

Le sel est ici la valeur de la vie, sa saveur et son éclat. « le sel ! Feu délivré des eaux, grain de pure lumière extrait des antres de la terre. » (p. 62) En cristaux, en grains, en fleurs ou en larmes, le sel a une dimension mythique, biblique. Elle transfigure celui qui en consomme et celui qui en offre. Cet or cristallin se mérite et Sylvie Germain en fait une nouvelle offrande christique. Je ne me lasse pas de la puissance et de l'émotion qui se dégage du de cette auteure. Elle parle du chagrin avec la voix de ceux qui l'ont éprouvé au fond d'eux et le portent comme une part d'eux-mêmes. « Que savons-nous d'ailleurs des pleurs cachés des uns et des autres ? Rien ! Et des larmes des anges qui boitent dans nos ombres de pécheurs désinvoltes ? Moins que rien ! Quant aux larmes que Dieu verse au plus secret de sa solitude, nous en ignorons tout ; au mieux nous les nommons silence, au pire, nous les taxons de mutisme. » (p. 136)

Enfin, je ne répéterai jamais assez la beauté que je trouve aux voyages en train : dans ce roman, ils ouvrent et ferment l'intrigue, comme des rideaux de théâtre mouvant sur le rail. Les trois coups y sont sifflés par le chef de gare. Sur la première de couverture de l'édition de poche, le portrait est une parfaite illustration du texte. Je ne sais pas vraiment l'expliquer. C'est peut-être le regard de cet homme, cette démarche qui fuit le cadre, cette résignation triste. La photo est une oeuvre de Tadeusz Kluba, et elle est belle.

Lisez Sylvie Germain, laissez-vous emporter par Immensités, Jours de colère, le livre des nuits ou encore La pleurante des rues de Prague.
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Un grand livre malgré sa petite taille. Il parle du désenchantement du monde après les horreurs du siècle et de la difficulté de remonter la pente vers la vie et ses joies. L'approche est symbolique : les signes, coïncidences, statues, vers des poètes, paroles d'inconnus surgis et disparus, sont les signes à décoder pour retrouver la paix du coeur après le chagrin et la dépression.
Prague est le décor pour cette peinture de l'âme humaine. L'amitié et la quête de sens à nos vies au travers de la transmission par nos aînés les plus éclairés et notamment nos professeurs montrent une voie de transmission importante pour les générations qui suivent. Très beau!
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Il est des livres qui marquent à jamais votre conception de la littérature. le Livre des Nuits de Sylvie Germain est chez moi l'exemple le plus parlant. Récit d'une famille paysanne allant des guerres de 1870 à 1945, il retrace la violence inouïe des traumatismes des petites gens à l'ère de l'industrialisation de la guerre, contrastant avec les touches de réalisme magique parsemant le roman et la tonalité d'ensemble qui tire sur le conte initiatique. Chaque phrase est stylisée pour donner à voir l'espérance, la mélancolie et la douleur dans ce qu'elles ont de plus tragique (et quand on sait que l'autrice a été philosophe, on se demande parfois comment elle justifie d'avoir esthétisé certains passages malgré leur barbarie). J'étais sorti de la lecture choqué, retourné, mais persuadé d'avoir affaire à une figure majeure de la littérature française. Pourtant, dans le bien plus modeste Éclats de sel, Sylvie Germain s'attaque à une toute autre forme de souffrance que celles venant de l'extérieur : la dépression.
Direction donc la République tchèque, où nous suivons Ludvík, intellectuel blasé et misanthrope faisant un retour au pays qu'il découvre aussi barbant que lorsqu'il avait décidé de le quitter. le quotidien de Ludvík est totalement pénible et désenchanté, mais de mystérieux inconnus se mettent à lui parler de sel sans prévenir, comme si le Destin (ou, comme le laissent entendre les dernières pages qui basculent dans le fantastique, un autre lui-même) voulait lui faire retrouver… eh ben, le sel de la vie. La solitude absolue d'un personnage au coeur de pays de l'Est désillusionnés après des décennies de politique au mieux douteuse a de quoi rappeler le film hongrois Damnation, de Béla Tarr (et ce jusque dans la comparaison finale avec un chien) ; mais ici le héros trouve un salut, car les épreuves qu'il aura traversées auparavant lui auront redonné l'espoir et la joie. La damnation n'est pas éternelle chez Sylvie Germain : on se relève, on affronte à nouveau la douleur, et on tient à peu près debout jusqu'à la prochaine chute.
C'est l'occasion pour l'autrice de faire découvrir avec une certaine érudition un pays où elle a elle-même travaillé, mais sans non plus forcer sur l'ambulance : malgré quelques noms propres qui nous sont totalement inconnus, elle fait attention à ne jamais nous perdre dans l'histoire d'un pays que l'on devine foisonnante. Et c'est lorsqu'elle tient ce juste équilibre que ce livre prend toute son ampleur : le style est une nouvelle fois empreint d'un vocabulaire extrêmement riche, mais pour décrire le plus précisément possible une émotion ou une situation précise, évitant presque toujours le vocabulaire technique ou archaïsant qui donnerait au tout un ton pédant. Hélas, les dialogues ne suivent pas (et le fait de ne jamais y opérer de saut à la ligne évoque plus l'idée de porte-containers littéraires que de vrais paragraphes) : en donnant la même langue soutenue (voire encore plus) aux personnages, Germain fait parler des ouvriers et des enfants comme Jean-Bernardin de la Golpherie Oudéacastérane. On parle de « sel de l'oblation », de « circonlocutions » et de « longs stalactites de sel lacrymal ». Mais j'ai l'impression que l'autrice se rend compte de ses propres défauts et tente de les corriger : maladroitement avec des « Oh, ça alors, vous ne parlez pas comme les gens de votre groupe social », ou plus habilement avec de l'autodérision, comme ce moment où Ludvík imagine un enfant le traiter d'emplâtre.
Et le fait de lire ce genre de dialogues, dans un roman ne relatant qui plus est que des micro-évènements, m'ont rendu un peu longues ces 175 pages (d'ailleurs, c'est vendu comme un roman, mais si ça se trouve, c'est juste ce qu'on appellerait de nos jours une novella). Je ne suis pas un grand amateur de littérature blanche contemporaine, et ce livre ne m'encourage pas à la découvrir plus en profondeur ; en revanche, il n'a que renforcé en moi l'envie de lire les livres majeurs de l'autrice. Sans compter que le fait de voir quelqu'un se tirer de la dépression est toujours réconfortant quand on en est soi-même victime. Et puis bon, dans tous les cas, c'est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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C'était ma première rencontre avec Sylvie Germain il y a plus de 10 ans je pense. le titre m'avait accroche et je le trouve toujours aussi beau. Peut-être pas le roman le plus représentatif de Sylvie Germain mais un très beau roman tout de même. Un homme que l'on accompagne pour quelques pages et qui continue sa vie une fois le livre referme ... pour d'autres rencontres sans doute. Ainsi va la vie.
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Première rencontre avec un roman de Sylvie Germain.
J'en retiens une écriture puissante, poétique, un univers magique fait d'ombre et de lumière, de vent et d'eau, quelque chose de flou comme un rêve ou des souvenirs. Ce sont pourtant les souvenirs et les événements étranges qui font le réel, bien plus que la vie que l'on dit quotidienne et qui peut-être nous égare.
Belle rencontre pour moi, mais j'appréhende un peu de poursuivre ma lecture de cette auteure avec d'autres titres : je les conçois presque comme des sortilèges demandant un peu de préparation pour les affronter.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Je m’applique à faire taire en moi les vieilles rumeurs qui continuent à s’y répandre pour ne pas perdre de l’ouïe les infimes résonnances qui traversent le silence. C’est peut-être cela, tout ce qui reste à accomplir, apprendre à s’émerveiller de petits riens, à prêter l’oreille à des soupirs montés très discrètement de l’horizon, vagabonder à l’infini entre les quatre murs de sa chambre, se retrouver soi-même là où l’on ne s’attendait pas, autrement que l’on s’imaginait être. Sentir en soi bruire et frémir le temps qui passe, la vie à l’œuvre en sourdine dans notre sang, renouveler sa vision du monde et des autres, l’air de rien mais de fond en comble.
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Ludvik fouilla, fouit, explora et scruta dans tous les recoins de sa mémoire, de son coeur, de sa conscience ; la jalousie, la colère, le dégoût, la rancoeur jonchaient encore sa pensée d'Esther, il ne parvenait toujours pas à l'évoquer sans ressentir une émotion pénible, -- un mélange de désarroi et de chagrin acide. Mais il tint bon, il creusa dessous tous ces débris, ces braises, ces scories, et soudain, dans ses mains nues il sentit qu'il tenait le visage d'Esther ; son visage, non plus seulement d'amante, mais de personne humaine unique parmi la multitude d'autres uniques. Son visage aussi nu, vulnérable, que l'étaient ses propres mains éprises seulement de tendresse, sans garde ni mesure. Son visage comme une eau claire au creux des paumes, au milieu du désert. Et il sut qu'il l'avait aimée, bien plus encore que de passion, bien davantage même qu'il ne l'avait soupçonné. Il compris qu'il l'avait aimée jusqu'à un point de non-retour. Alors , pour la première fois, toute colère, toute rancoeur, tombèrent de lui, et la beauté , la gratitude d'avoir aimé se révélèrent telles qu'elles dépouillèrent son vieux chagrin de tout ressentiment. Son chagrin demeura, mais à la façon d'un animal blessé, éreinté de fatigue, qui se coucherait sur le seuil d'une merveille et y ferait patience, sans geindre ni gronder, sans rien attendre.
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L’histoire de nous, de chacun, toujours recommencée : marcher, marcher jour après jour sur la terre, défier la pesanteur et l’immobilité, arpenter les chemins du temps, du réel et du rêve, scruter la nuit et la lumière, prêter l’oreille aux dits du vent, aux paroles des autres, au sourd chant de la terre, aux clameurs de l’Histoire, au bruit confus de son propre sang charriant tant de mystères, d’échos et de questions.
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Chacun a surtout son grain de folie, plus ou moins développé, plus ou moins tendre ou fossilisé, semé dans un recoin de son cerveau. On ne voit pas celui qui nous germe dans la chair et qui rampe dans nos veines et nos nerfs, furtivement, comme un lierre invisible, et qui finit par buissonner dans notre coeur et nos pensées, mais on remarque celui qui sort ses petites pousses chez les autres.
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Il n'y a pas de pire mal que l'ennui qui, l'air de rien, en catimini, nous écoeure et nous détache de tout, des autres, de nous-mêmes. C'est une rouille aussi sournoise que vorace qui peu à peu nous grignote l'intelligence et du coeur et de l'esprit, nous mine la mémoire où n'émergent à la fin que quelques ilôts de souvenirs indurés ainsi que des tumeurs, des verrues- ainsi les chagrins d'amour par exemple. Et ça corrompt la vue; on perd de vue l'essentiel, et ce qu'on continue à voir, c'est bien souvent par le petit bout de la lorgnette, ou dans le flou, ou d'un seul oeil.
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Videos de Sylvie Germain (28) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sylvie Germain
Lecture de Sylvie Germain : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
Saison 5 : Jean Lancri, Gaëlle Obiégly, Sylvie Germain et Michel Simonot
Captation, montage et générique par Corinne Nadal
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Sylvie Germain

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