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EAN : 9782070394395
118 pages
Gallimard (12/04/1996)
3.83/5   127 notes
Résumé :
Tu dis n'importe quoi, c'est tellement agréable, d'ailleurs n'importe quoi, ce n'est jamais n'importe quoi: tu es là, tu passes d'une chambre à l'autre, tu parles toute seule, et voilà ce que tu entends lorsque tu parles toute seule, de la chambre rouge à la chambre jaune, dans le passage : hier j'étais heureuse. Aujour¬d'hui je suis amoureuse, et ce n'est pas pareil. Et c'est même tout le contraire.»
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Quand vous enchaînez quelques lectures médiocres, alors vite ouvrez un petit Bobin est le ciel d'un coup redevient bleu. La lecture est une thérapie, et cet auteur fait partie de mes inconditionnels. Remède miracle, il apaise, offre de la joie, de la sérénité, du rêve, de la zen attitude.
Isabelle Bruges, c'est une étrange histoire comme le petit Poucet, sauf que là, elle n'a pas eu le temps de semer des cailloux et que ce sont les parents qui se sont volatilisés, alors viennent ensuite Hansel et Grethel mais sans la vilaine sorcière, Isabelle, son frère et sa soeur sont recueillis. La vie s'écoule, sans trop d'ombrage. Eglantine n'avait plus personne, tout le monde y trouve son compte. Les enfants ont une famille d'accueil, Eglantine a de la vie dans sa maison. C'est bien sûr une fiction, contée avec beaucoup de poésie, de tendresse et de réflexions sur les liens qui se font, se défont.
Une belle histoire comme toujours avec Mr Bobin.
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Un court roman, 120 pages dans l'édition folio, et pourtant tout est dit : la vie, la mort et entre deux toutes les polarités tissant l'existence des Hommes. La fragilité, la résilience, la joie, la tristesse, la vaillance, le découragement, l'élan, la retenue, la certitude, le doute, le jour, la nuit et, veillant sur tout cela, un cerisier traversant les saisons et offrant au soleil, à la pluie et au vent sa nudité ou ses atours changeants. Un court roman qui à cause de son format et surtout grâce au talent de son auteur va droit à l'essentiel et nous donne L'impression, en parcourant ses pages, de traverser toute une vie. Ce livre m'a fait penser à une citation de Jacques Prévert :
"La vie est une cerise
La mort est un noyau
L'amour est un cerisier."

Christian Bobin aurait pu mettre ces vers en exergue de son roman. C'est de cela que parle "Isabelle Bruges", de la vie, de la mort, de l'amour et d'un cerisier qui est le meilleur ami d'Isabelle sans doute parce qu'inconsciemment la jeune fille sent que cet être végétal contient en son essence tout cela.

La prose de Christian Bobin est épurée, tendue comme un fil, efficace et franche et pourtant si délicate. Et surtout elle est infiniment poétique. Elle me rappelle un peu celle d'auteur.ices japonais.es, entre autres elle m'a fait penser au très poétique roman d'Hiromi Kawakami "Les Années douces", où les sentiments agitant l'âme humaine trouvent symboliquement écho dans le paysage : une fleur, une montagne, une pluie d'été, le cri d'un oiseau, un cerisier en fleur...

Il y a beaucoup de symboles discrets et pourtant très forts dans ce roman où, sous la surface des mots, résonnent des accents presque mystiques, comme pour nous amener à nous demander : toute vie n'est-elle pas, au fond, une longue prière ? Une prière à un Dieu qui serait L Univers entier, avec un coeur battant au rythme des saisons. Il faut d'ailleurs aussi parler du rythme qui est le véritable moteur de ce roman qu'on lit et écoute comme on le ferait d'un long poème en prose qui se dévide et nous plonge subtilement dans un état quasi méditatif.

Et puis il y a bien sûr l'histoire d'Isabelle, étonnante de maturité pour ses treize ans, et propulsée encore un peu plus dans l'âge adulte par le renoncement de ses parents. Au fond, ces mots "adulte", "enfant", ne sont-ils pas que des conventions trompeuses sans rapport avec la réalité ? Ne sommes-nous pas tout cela en même temps : enfant, adulte, vieillard... Ne portons-nous pas en nous dès la naissance l'adulte et le vieillard que nous deviendrons tout en gardant notre âme intacte qui deviendra seulement plus lourde des expériences vécues ? Et d'ailleurs notre jeune héroïne ne naît-elle pas une seconde fois en ce jour d'abandon où elle ne s'appelait jusqu'alors qu'Isabelle, Isa ou Belle selon l'humeur, et se donne à elle-même, après avoir découvert la désertion parentale, un nom tout neuf : "Bruges. Je m'appelle Isabelle Bruges." Personnellement Isabelle m'a parue bien plus âgée que ses parents, et Églantine, la vieille dame qui la recueille ainsi que sa soeur et son frère, parfois tellement jeune ! Un peu comme si la sagesse était infuse, distillée, cachée dans chaque élément du Vivant et que par osmose elle nous était transmise au moment où nous en avons besoin.
Elle ne sait pas retenir, Isabelle, elle se sent inapte à garder les choses ou les êtres, à commencer par ses propres parents. Mais avec patience et pudeur, elle, son frère, sa soeur, l'amie providentielle Églantine et son bourlingueur de fils, ainsi que le chien Nello vont peu à peu s'apprivoiser mutuellement et recomposer une famille.

C'est grâce à "Isabelle Bruges" que j'ai découvert Christian Bobin, pour mon plus grand bonheur. Ce livre est un bijou d'orfèvrerie littéraire quoique ce terme soit trop précieux, pas assez naturel pour lui rendre pleinement justice, non, ce livre est comme une rose naissant dans un jardin et dont nous suivons toutes les étapes de la vie en l'observant si attentivement que rien ne nous échappe, ni les gouttes perlées de la rosée du matin sur ses pétales, ni la minuscule araignée tissant sa toile entre deux de ses feuilles, ni le lent alanguissement annonçant le déclin de sa sève. Un livre qui reste à jamais proche du coeur. Un livre qui répare et qui console. En lisant Christian Bobin, on se sent moins seul. Peut-être parce que nos chagrins, nos secrets, nos pensées les plus intimes nous sont révélées à chaque page, couchées là par la plume d'un autre qui nous regarde par delà le temps et l'espace comme un double dans un miroir. Alors on devient plus serein, apaisé, et on poursuit sa lecture, sentant qu'un autre coeur bat entre les lignes, à l'unisson du nôtre.
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Isabelle Bruges fait partie de ces livres qu'on ne referme jamais tout à fait... Il s'immisce en nous comme un souffle de vie, nous laisse songeur, révolté, rêveur... Les mots délicatement déposés sur nos coeurs nous enveloppent d'une douceur feutrée... Magnifique Isabelle, femme avant d'être petite fille, miraculée de la vie, sauvée par une charmante sorcière, une grand-mère et son lion, un attachant Saint-Bernard.
Un miracle parmi l'impossible, un espoir de vie qui devient une vie toute entière...
Une oeuvre poétique fascinante pour un auteur qui n'a de cesse de m'étonner par la sincérité de son écriture et sa puissance narrative. Venez à la rencontre d'Isabelle, ses secrets cachés au creux d'un cerisier, son existence sauvée des ravages par les mots... ses attentes d'amoureuse. Une rencontre comme on en fait peu, tissée de mots et de sentiments uniques pour un tableau magnifique !
Lien : http://art-enciel.over-blog...
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Dans la même lignée que la plupart des commentaires... La douceur des textes de Christian Bobin est toujours une heureuse découverte, et tend à nous faire lire et relire ses écrits.
Trois frères et soeurs, Isabelle 13 ans, Anna 9 ans, et 5 ans partent en famille pour Bruges. Mais ils n'iront pas à Bruges... Les parents ont laissé un billet d'excuse sur la table, avec papiers et argent. Oui, ils les abandonnent lâchement sous prétexte que Madame a un cancer du cerveau. Isabelle est la seule à lire ce courrier, et le déchire de suite pour n'en laisser aucune trace. Elle va voir une vieille dame bienveillante, s'expliquent à peine et s'adoptent de suite. Cette vieille dame s'appelle Eglantine. 79 ans, vit seule avec le chien de son fils. Son fils, c'est un marin, il est comme une bourrasque éphémère qui ne prévient ni quand il vient ni quand il part. Au départ Isabelle ne l'apprécie guère, mais accepte la demande de la vieille dame : il devient son précepteur pour qu'Eglantine garde son fils plus longtemps près d'elle. 5 années passent. Isabelle a 18 ans, et n'écrit plus dans son carnet intime, elle préfère parler avec un arbre sans famille dans le jardin (somme toute assez beau). Et je préfère ne pas tout raconter !
Réflexions sur l'appartenance, la famille, l'amour, l'attachement..
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Il y avait longtemps que je n'avais pas lu un petit Bobin... et quel plaisir de le retrouver. D'autant plus par l'intermédiaire d'un (court) roman.
Toujours aussi beau et poétique.

Cela risque d'en surprendre beaucoup, mais je l'ai lu en même temps que je lisais des textes de Patti Smith. A priori, rien à voir. Et pourtant... pour moi, ils sont cousins. Tout en étant très différent, je trouve qu'ils ont une belle manière de dire les choses, de les imaginer...
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Il y a dans la vie des gens qui croient nécessaire, pour être entendus, d'adopter un ton sérieux, de prendre la voix de Dieu le père. Ces gens-là sont à fuir. On ne peut décemment les écouter plus d'une minute, et d'ailleurs ils ne parlent pas: ils affirment. Ils donnent des leçons de morale, des cours de pédagogie, d'ennuyeuses leçons de maintien. Même quand ils disent vrai ils tuent la vérité de ce qu'ils disent. Et puis, merveille des merveilles, on rencontre ici ou là [..] des gens qui se taisent comme dans les livres. Ceux-là on ne se lasserait pas de les fréquenter. On est avec eux comme on est avec soi: délié, calme, rendu au clair silence qui est la vérité de tout.
Folio 2820 page 100
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[ Incipit ]

La pluie arrive vers les sept heures du soir. D'abord hésitante, quelques gouttes sur le pare-brise, quelques trouées de clarté dans la saleté des vitres — pas de quoi mettre en route les essuie-glace. Anne et Isabelle somnolent sur la banquette arrière. Adrien est, comme toujours sur les photos, assis entre les deux soeurs. Un feu follet va et vient dans ses yeux, une lueur d'amusement. Le sommeil des grandes filles le rassure. Il ne peut rien arriver de mauvais, quand ceux qui nous aiment ont cédé au sommeil. S'ils dorment c'est après s'être assurés que rien d'effroyable ne pouvait nous atteindre, et, d'ailleurs, leur repos n'est pas une absence — plutôt comme une flamme qui diminue d'intensité, sans jamais s'étouffer. Adrien regarde droit devant lui, entre le père et la mère. L'autoroute est déserte. La vitesse de la voiture égalise le paysage. Ce sont les mêmes champs depuis maintenant deux heures. Les mêmes collines au loin. Le paysage est immobile. La vitesse annule les circonstances, les lieux. La vitesse va droit à l'essentiel. De la terre au ciel qui glisse sur la terre. Du bleu marine de l'autoroute au ciel bleu fauve. Un insecte s'écrase sur le pare-brise. Un ange qui perd ses ailes. Un ange sans joie, une tache de sang brun. Adrien le regarde. Il compte les secondes, jusqu'à l'arrivée d'une goutte d'eau sur le petit cadavre. Si je parviens à dix, je me marie avec Isabelle.
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Ils roulent à droite, à gauche, selon les obstacles rencontrés. Ils vont le plus vite possible, mais, si vite qu'ils aillent, il y en a une qui les précède sur le chemin, il y en a une qui va d'un pas pressé, si pressé qu'ils ne peuvent la rejoindre quand bien même ils iraient à la vitesse de la lumière. Celle-là est plus rapide que la lumière, celle-là est comme l'ombre - depuis toujours arrivée. Elle entre une demie heure avant eux dans l'hôpital. Elle ne demande pas son chemin, elle sait le numéro de la chambre, d'ailleurs elle est attendue, elle traverse les couloirs, frôle un brancardier, on ne la remarque pas et pourtant chacun s'écarte imperceptiblement à son passage, les rires se font moins fort, les paroles s'éteignent une seconde, juste une seconde, voilà, elle est arrivée. Elle entre sans frapper, jette un coup d'oeil sur la petite fille en train de lire, sourit devant tellement d'enfance, se tourne vers l'autre lit, dévisage celle qui la reconnait, et elle se met au travail, elle donne la dernière touche à son chef d'oeuvre. Elle a modelé le visage d'Eglantine depuis tant d'années, presque un siècle, ravinant la peau desous les yeux, usant légèrement la commissure des lèvres, blanchissant un à un les cheveux, maintenant elle n'a plus grand chose à faire, un détail, une ultime retouche, enlever son manteau noir, le faire passer devant les yeux d'Eglantine, jetre une encre noire dans l'infini du regard, une goutte d'ombre dans la prunelle des yeux et attendre : le regard s'obscurcit, la ténèbre serpente dans les veines, cisaille le souffle, arrive au coeur qu'elle mord d'un seul coup, voilà, du bon travail, pas un cri, pas un mot.
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Églantine fouille, devant les filles émerveillée, la malle aux costumes de théâtre, ressuscite des masques, raconte un carnaval : les tournées désastreuses, les repas à deux heure du matin, les crises d'asthme du souffleur, le chien qui mord l'actrice sur scène, les représentations devant des salles désertes. Une vie n'importe quelle vie. Étouffements, embrassades. Une famille, un clan dans l'Europe brune. Pas un mot sur la guerre, pas un mot sur le mari ni sur l'enfant.
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Isabelle est en miettes dans son sommeil. Elle est éparpillée en dizaine d'Isabelle qui marchent dans le noir, le long des rues de Bruges, ce qui fait qu'au réveil elle n'ouvre pas tout de suite les yeux : elle essaie d'abord de réunir ces filles qui lui ressemblent. Voyons. Il y a celle qui amène Anne au cinéma, et celle qui assiste à la baignade d'Adrien. Celle qui chante au fond du bus, le premier jour de l'école. (...) Il y a encore celle qui tremble de frayeur devant son premier dessin animé (...) Et celle qui gagne un lapin nain à la fête, qu'elle emporte, triomphante, à la mère alitée depuis trois jours. Celle-là, c'est l'Isabelle préférée d'Isabelle, celle qui fait venir un sourire aux lèvres de la mère, un vrai sourire, un sourire sans douleur par dessous, une joie simple devant le lapin affolé, sous les draps, la lumière éternelle d'une mère enfin comme toutes les autres. Et d'autres Isabelle, de tous âges, de toutes robes. Il en manque une pour bien ouvrir les yeux.
Le bruit de la pluie au dehors la ramène : il manquait celle qui court sur l'autoroute, les yeux humides et l'âme sèche, désespérément sèche.

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Videos de Christian Bobin (70) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christian Bobin
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire – Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche Son par Adrien Vicherat Direction technique par Guillaume Parra Captation par Claire Jarlan
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