Pussy Riot

Sujet controversé et peut-être un peu délicat mais avec la talentueuse journaliste russo-américaine Masha Gessen comme guide, je crois pouvoir risquer une tentative.
Après tout il s'agit de 6 jeunes filles aux talents musicaux qui dans leur conflit avec Vladimir Poutine se trouvent du bon côté de la barrière : celui du peuple ! En plus, elles ont bénéficié du support d'Amnesty International et de notre grande actrice, Jeanne Moreau, en 2013.

Sur la qualité de la musique du groupe punk rock féministe "Pussy Riot" je ne vais me prononcer n'étant pas un juge qualifié en la matière et il y a pas mal de clips sur le Net pour vous permettre de juger pour vous-mêmes.

En revanche je peux vous assurer qu'elles sont loin d'être bête. Une d'entre elles, Maria Alekhina, a réussi à décrocher en 2014, à l'âge de 26 ans le Prix Hannah Arendt de la pensée politique. Une autre, Nadezhda Tolokonnikova, a elle écrit ses mémoires "Riot Days" en 2017, à l'âge de 28 ans. de cette Nadezhda ou Nadia existe en Français "Lettre de Mordovie" du nom de la prison où elle a été incarcérée.

Car en prison, elles ont été. En février 2008, pour protester contre l'élection de Dmitri Medvedev comme président de la fédération de Russie, elles organisent un happening sexuel au Musée des Sciences naturelles à Moscou et en février 2012, dans la cathédrale du Christ Saint-Sauveur de Moscou, elles lancent une prière punk : "Marie mère de Dieu chasse Poutine".

Le mois suivant, elles sont condamnées pour hooliganisme à 2 ans de camp de travail. Nadia est envoyée dans un goulag style soviétique dans la république de Mordovie, entre Moscou et Omsk, et réputé pour ses conditions extrêmement dures. Elle y restera jusque Noël 2013. Maria Alekhina a également écopé de 2 ans de taule et a été aussi libérée en décembre 2013 grâce à une loi d'amnistie de la Douma (parlement).
La dernière du trio, Ekaterina Samoutsevitch, une diplômée en math et physique de l'université de Moscou, a été libérée du bagne quasiment un an avant ses 2 copines.

Vladimir-le-Sage de toutes les Russies a estimé que Pussy Riot a "miné les fondations morales" de la république russe. en octobre 2012, comme si le transfert clandestin de ses milliards de roubles vers la Suisse et à peu près tous les paradis fiscaux des Caraïbes et de l'Asie du sud-est constitue un acte de haute moralité !

Dans le combat Pussy-Poutine, les membres du groupe peuvent se consoler de ne pas avoir eu droit à un traitement au Novitchok par les services très spécialisés du maître du Kremlin, comme tout récemment l'opposant du régime Alexeï Navalny, en 2018 Sergueï et Ioulia Skipral à Salisbury en Angleterre et de nombreux autres avant.

Masha Gessen a fourni un ouvrage de la même qualité que son "Poutine : L'homme sans visage" de 2012 (ce qui lui a valu un interdit de séjour dans son pays natal) et "Surviving Autocracy" en juin dernier sur l'expérience Trump aux États-Unis.

Comme toujours elle s'est bien documentée sur la base de documents et de témoignages directs. Son ouvrage compte 311 pages, plus 8 pages de photos, et s'arrête au moment où Nadia Tolokonnikova entamait une grève de la faim pour protester contre ses conditions horribles de détention, en octobre 2013.

La même année 2013, un film documentaire est sorti "Pussy Riot : A Punk Prayer" qui illustre très bien les démêlés de ces jeunes dames courageuses avec l'inamovible locataire du Kremlin.

On ne présente plus les Pussy Riot, ce groupe féministe de musique punk qui osé défier Poutine et son régime. Ce livre retrace la genèse du groupe, toute son histoire, jusqu'à l'arrestation de ses principales protagonistes suite à leur intervention dans la cathédrale de Moscou.
On suit surtout l'enfance et la vie de Nadia, créatrice et leader du groupe.
Ce livre, ponctué de témoignages, a l'intérêt de permettre au lecteur de comprendre à quel point le régime de Poutine est autoritaire. On suit également le parcours et la ténacité de ces femmes extrêmement intelligentes et combatives, dans un Etat où la liberté d'expression n'a pas sa place.
Je mets un petit bémol parce que, même s'il est très bien documenté, parfois l'écriture m'a semblé un peu légère (ou est-ce la traduction?) et j'aurais aimé des explications plus fournies sur certains faits.