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EAN : 9782246785989
140 pages
Grasset (11/05/2011)
  Existe en édition audio
4.04/5   99 notes
Résumé :
La nuit étoilée qui baigne la pastorale des bergers... La terre, maternelle et dure, et, plus que tout : les bêtes, intermédiaires entre l'homme et la nature... Malheur à celui qui les méprise ! L'auteur, avec son enthousiasme lyrique, nous décrira le grand piétinement du troupeau en révolte, et son triomphe sur celui qui les a méconnues…
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Il est très souvent difficile de parler de Giono, son style est tellement particulier parfois si peu ortodoxe qu'il peut désarçonner. Entre poésie et parlé, il navigue, se joue des conventions, nous entraine souvent dans un langage imagé. Il fait naitre des impressions, des sensations. Son écriture est une saveur de terroir oublié. Il Chante ici, une fois de plus, ce fameux chant du monde. Les bergers, ces hommes pétris de sciences et de savoir, de celui oublié du reste des hommes, Giono les met à l'honneur, comme il met à l'honneur les paysans, les forestiers, bref, tous ceux qui vivent de la terre, qui la connaissent et en comprennent ses tourments, ses joies. Ils savent se contenter de ce qu'elle donne, acceptent ce qu'elle reprend. L'ode est magnifiquement intérprétée, mais elle peut paraitre aujourd'hui totalement incongrue dans notre monde si éloigné de cette période! On sent à travers ses mots, l'odeur des champs, des bois, des rivières, celui des bêtes et des hommes! L'existence ne se pare pas avec Giono de fioritures, non il y a la sueur, le sang, le froid la chaleur, dans leurs aspects bruts...En lisant ce texte je me demande comment les jeunes générations vont pouvoir apprécier et aimer cet auteur, au parlé si différent du notre, à l'univers si opposé à celui dans lequel nous vivons! Il y a chez Giono une humanité à redécouvrir.
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Jamais l'idée m'est venue d'acheter un livre audio...Le livre est avant tout, pour moi, un objet papier. Quand Babelio m'a proposé ce titre à l'occasion d'une opération Masse critique, je n'avais pas prêté attention au format du livre...Surprise lors de la réception...et à l'occasion de l'écoute.
Une écoute qui devient plaisir, si elle accompagne une ballade dans la solitude d'une nature sauvage...dans un lieu perdu, ravitaillé par les corbeaux, comparable à celui dans lequel Giono transporte le lecteur. Un lieu où seuls des bergers et des moutons peuvent vivre tout un été de transhumance. Là ou la poésie et les mots de Giono prennent encore plus de sens. La Provence rurale non détruite par le tourisme!
Je ne conçoit pas qu'on puisse l'écouter dans une voiture, sur l'autoroute, ou sur les trottoirs d'une ville....Non, il faut le calme, pour qu'opère la magie des mots de Giono, sentir le vent, imaginer les agneaux, l'eau des sources, fouler l'herbe....se mettre en condition pour se laisser bercer par la voix de Pierre-François Garel.
Un soir de la Saint-Jean, sous les étoiles, "deux cents hommes et cent mille bêtes" sont rassemblés sur une "aire de jeu"... délimitée par quatre grands feux. Les bêtes sont montées depuis la vallée. Giono nous raconte cette transhumance, ces milliers de moutons suivant Bouscarle, le chef des bergers, ces brebis quittant les étables et se joignant aux autres, venues d'autres villages, d'autres étables : "le métier de chefs de bêtes est une chose qui coule comme de l'eau entre les doigts et qu'on ne peut saisir"
Bêtes et bergers sont réunis sur le plateau de Mallefougasse où le narrateur les rejoint, Giono sans doute, accompagné par Césaire Escoffier. On lui fait place. Il sort son cahier...
Au son des harpes éoliennes, des timpons, des gargoulettes à eau, au son du vent qu'on perçoit quelques bergers vont se lancer dans des joutes oratoires, jouant successivement le ciel, la terre, la mer, la montagne, le fleuve, le vent, l'herbe...la pluie...etc.
Des hommes, des poètes mettant en mots la nature, une nature qui déjà, dans leur esprit, dans celui de Giono, est dominée par l'homme : "si l'homme devient le chef des bêtes, elle, la Terre, est perdue : Je le vois, déjà, devant le grand troupeau. Il marchera de son pas tranquille et derrière lui, tous vous serez. Alors, le maître ce sera lui. Il commandera aux forêts. Il vous fera camper sur les montagnes, Il vous fera boire les fleuves. Il fera s'avancer ou reculer la mer, rien qu'en bougeant de haut en bas"
La voix grave, monocorde de Pierre-François Garel accentue l'effet théâtral de la cérémonie des joutes oratoires des bergers. C'est certain que le ton de cette voix fait ressortir la gravité du texte. La perception en aurait été différente, si le texte avait été lu par un comédien à l'accent méridional. Une fois écouté pendant une ballade en nature, j'ai éprouvé le besoin de le lire en format ebook. le plaisir est différent, un plaisir difficile toutefois.
Giono joue avec les mots, torture son texte et le rend parfois insolite, n'hésite pas à désorienter le lecteur par des phrases tourmentées, graves, étranges parfois.
A mon adolescence, j'avais approché Giono avec Regain, dont je ne garde que peu de souvenirs...ce titre fait dorénavant partie des livres que je dois relire.
Merci à Babelio et aux éditions Thélème pour cette découverte

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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[mes excuses par avance pour la longueur de mon papier, . Bien sûr, libre à vous de lire jusqu'au bout ou en diagonal].
J'ai déjà lu Giono (pas tout, loin de là). Je sais à peu près à quoi m'attendre (en résumé : du lyrisme poétique à la limite du délire..), je sais ce que j'espère (de la poésie en prose), mais là (p.25 du Livre de Poche 1979) il en fait quand même beaucoup dans les audaces de langage : 1/2 étoile en moins, mais ça ne se verra pas dans son Serpent d'Etoiles.
Au début donc, je me pose la question : est-ce de la poésie en prose comme "d'habitude" (Que ma joie demeure..) ou se laisse-t-il écrire cette fois vraiment en roue libre, gardant la 1ère image, les 1ers mots qui viennent ? Cherche-t-il beaucoup ou écrit-il vite ? Mais il (p.37) faut dire que Giono cherche, dans ce(s) livre(s) une harmonie totale avec le cosmos, la nature (ses 3 premiers livres, il les a regroupés sous le titre de "la trilogie de Pan"); il cherche à dire une relation idéale d'osmose et de symbiose que l'humain pourrait (devrait ?) tisser - et tisse parfois - avec tout ce qu'il y a autour de lui, tout ce qui l'environne : animaux (Giono dit "les bêtes") - tous les animaux -, végétaux, minéral.
Et c'est presque indicible.
Il lui faut donc inventer un langage pour dire cet indicible qu'il pressent, qu'il ressent, qu'il cherche, appelle. D'où, par exemple, le langage inhabituel - donc étrange - intuitif mais aussi sensuel, pour dire la "grasse" femme du potier qui est comme l'argile que celui-ci pétrit, femme qui entend, sent et voit les signes de la terre dans la grotte abri. Elle est médium et l'une des filles est nommée " la sorcière".
(44) Giono élargit la terre, élargit le ciel, élargit le monde, en élargissant le langage ( " homme, ouvre-toi").
Sur un détail plus littéraire (80) : j'ai vu que 2 ou 3 lecteurs doutaient du statut du narrateur et de ce livre. Est-ce Giono ? Est-ce un conte ? Je n'ai sur ces 2 points aucun doute : Giono est le narrateur et le livre est "officiellement" une "chronique journalistique", mais je propose de le nommer " documentaire ethnographique poétique". Une preuve ? Etonnamment (il n'aurait jamais fait cela dans un roman) il explique (au début du chapitre III) ce qu'il a écrit précédemment et justifie (presque) pourquoi il a fait une analogie entre les moutons et la mer. Une autre preuve ? L'arrivée du télégramme, au nom de " Monsieur Jean, de Manosque", ouvert par tous les "Jean" habitant Manosque avant que la factrice ne le lui présente et qu'il sache, en comprenant le message sibyllin, qu'il lui est bien adressé. Il récidive au chapitre IV, en écrivant de nouveau "je". Je ne vois décidément pas comment on peut avoir un doute sur le statut du narrateur.
Quant au statut de ce livre, c'est une "chronique journalistique" et je le vois comme un documentaire ethnographique écrit avec force poésie puissante, sur 2 "événements" dans le monde des bergers : un mineur et un majeur. le mineur est "la grande révolte". Je laisse découvrir ce qu'il est. le majeur est "le jeu des bergers" ou "la comédie", sorte de représentation théâtrale, en partie improvisée, par quelques bergers, dans un mélange de divers parlers, dont Giono tente une transcription en français compréhensible, qu'il qualifie d'imparfaite et de maladroite.
Ce dit des bergers est assez hallucinant (ils deviennent quasiment des shamans, mais sans prise de substances) et dépend aussi des émotions et des rêves qu'ils ont eus pendant l'année : un récit oral avec musique (fifres, d'instruments en terre cuite - gargoulettes -et des cordes tendues entre des branches d'arbres - les "arbres-lyre" - que le vent fait vibrer). Ce récit oral, ce dit, est la version de 3 ou 4 bergers (pas forcément toujours les mêmes d'une année sur l'autre) qui le créent sur le moment, d'un récit cosmogonique de l'espèce la plus ancienne et universelle, où l'on trouve des éléments de la Génèse et de l'Ancien Testament, récit où l'on retrouve aussi des éléments de cultures anciennes, de civilisations disparues (où notamment la figure du serpent est centrale) mettant en représentation, en scène et en mots la création du monde, les éléments fondamentaux (l'eau, la terre, l'air..), les animaux, le 1er homme et la 1ère femme..
Ce récit - et donc ce "petit" livre de Giono - est essentiel, aussi dans le sens de l'Essence. Encore aujourd'hui. Non seulement il hisse - en le décrivant le mieux possible - le monde pastoral, disparu il y a peu, des grands troupeaux d'ovins et des grands bergers , à un niveau culturel aussi élevé que les montagnes des Alpes de Haute-Provence, mais on peut le lire aussi aujourd'hui comme un puissant plaidoyer pour "la Nature", le "Vivant" et un avertissement pour l'humanité, qui est résumé dans le dit des bergers, donc dans ce "reportage" par la phrase, souvent citée : "Si l'homme devient le chef des bêtes alors, elle, la terre, est perdue". Pour avoir une chance de comprendre cette phrase, il faut lire ce livre (1 journée suffit..).
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Avant d'entamer mon compte rendu, je dois avouer que j'ai triché. En effet, il s'agissait là d'un texte de Giono que je n'avais pas lu. J'ai donc commencé par réparer cette erreur (in collection Cahiers rouges des éditions Grasset) et je me suis ensuite lancé dans l'écoute du texte interprété (je tiens à ce terme !) par Pierre-François Garel, dont vous pouvez découvrir, entre autres, sur Youtube le talent indéniable en écoutant notamment sa lecture de la lettre de Proust à Bizet. Et si sa voix vous rappelle, pour ceux qui connaissent, celle de Jean Topart, c'est normal car on retrouve chez Garel ces même accents lancinants qui envoûtent imperceptiblement l'auditeur.
Le récit proprement dit de Giono ressemble à de la prose poétique et se prête ainsi parfaitement à la lecture. Des phrases comme celle-ci sont de fait une invitation à l'oralité : « Oui, de ce qui est d'humanité, moi j'imagine, et j'aime assez m'en aller dans ces vies qui ne sont pas à moi et puis de les suivre un moment, et puis de les quitter au moment où ça devient pénible, et de revenir dans la vie de mon corps qui est ce qu'elle est mais qui est mienne. »
Dans cette ode à la Nature, tant chérie par l'auteur au fil de son oeuvre, on chuchote ou l'on clame : ici tout est voix pour dire le monde et le ciel. Là, les étoiles sont comme du riz qu'on jette ou des « graines au vent », dit le texte. Plus loin, le désir de la chair le dispute à celui de la terre. Tout s'exprime dans ce chant des sens. Ce sont les « pays de derrière l'air » qui s'ouvrent alors. Là aussi se déroule une cérémonie mystérieuse qui change d'année en année et relève du conte, où se dépensent les « économies du berger », c'est-à-dire ses rêves. Rêves qui se forment en parlant, ce que Garel sait exactement exprimer, donnant l'impression que nous y sommes dans cette assemblée merveilleuse de bergers.
Il était donc fort logique de lire à voix haute un pareil texte, lequel recèle de ces phrases qui ressemblent à des maximes : « Les bêtes sont des vierges ; elles ne salissent pas les gestes qui font la vie. Elles font la vie simplement. »
La vie, magique et mystérieuse, elle est là qui bruisse, évocatrice jusque dans les nuages, qui « ont une vie d'algues et de fucus : des herbes épanouies dans les mamelles de la vague comme les éponges à lait dans les seins des femmes ». Cette vie, Garel la contient dans l'intonation de sa voix, ses pauses judicieuses, bien loin d'un ton déclamatoire pénible ou d'une récitation léthargique aussi efficace qu'un somnifère !
Il faut effectivement les tenir ces phrases gorgées de poésie immédiatement évocatrice : « La terre est accroupie dans le ventre du ciel comme un enfant dans sa mère. Elle est dans du sang et des boyaux. Elle entend la vie, tout autour, qui ronfle comme du feu. »
Aussi, lecteur ou auditeur – étant entendu que, selon moi, il est préférable de connaître un texte, destiné à être lu, avant de l'écouter –, « ouvre-toi, ouvre-toi, le bonheur et la joie sont là qui veulent entrer. »
Enfin, il ne reste plus qu'à signifier à monsieur Garel, à la manière d'un fameux gascon affublé de quelque non moins fameuse protubérance : c'est un peu court, jeune homme, de Giono il reste bien des textes à lire en somme ! Sachant que l'intéressé, en plus du Serpent d'étoiles, a déjà enregistré Que ma joie demeure, Jean le Bleu et Regain, du même Giono. Mais avec une telle voix, je me dis que cela aurait beaucoup d'allure avec une autre histoire de troupeau, de Giono, je veux parler du Grand troupeau !

(Remerciements sincères aux éditions Thélème et, comme toujours, à Babelio !)
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"Tout est venu de ce jour de mai:le ciel était lisse comme une pierre de lavoir;le mistral y écrasait du bleu à pleine main; le soleil giclait de tous les côtés:le chaos n'avait plus d'ombre."
Le serpent d'étoiles nous ouvre en grand la porte de la beauté à l'état pur, celle de la nature magnifiée pour plonger plus profondément dans la poésie(cf: "la nuit claquante comme une voile", l'arbre qui chante " d'une voix à la fois humaine et végétale") et l'imaginaire de Giono.
Ce conte initiatique un brin fantastique; puisque l'argile, du potier (Césaire Escoffier) croisé, est "douée de paroles", dotée de charmes; puisque sa caverne "sanglante et noire", telle un utérus, est un haut lieu de création où l'on pénètre "la boue de vie qu'est le mélange des bêtes,des arbres et de la pierre"; puisque la "fontaine raconte des histoires d'eau"; entraîne le lecteur vers le monde des bergers (et des meneurs d'hommes) qui conduisent leur troupeau (celui des hommes aussi à rapprocher de le grand troupeau qui dénonçait les horreurs de la guerre); le monde magique des initiés, dont les mots et la musique permettent le passage vers "le pays derrière l'air", celui du sacré.
Un récit agréable à lire d'un point de vue poétique, un mythe revisité et une ode à la nature dotée de sens divin, mais (pour moi) trop,trop,trop: ma "lecture des étoiles" est restée en suspens, préférant de beaucoup le chant du monde très imagé mais plus concret.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
La prison de quatre murs et tout un cimetière de livres, mais, parfois, ces murs s'écartaient comme une grosse fleur et un déluge de ciel s'abattait là-dedans en bousculade.
Quand on emporte avec soi les mots "chefs de bêtes" et la sourde musique du pin-lyre, on n'est plus l'homme d'avant, on a fait un pas vers les pays de derrière l'air, on est déjà derrière l'air; le monde ordinaire passe juste contre votre dos, devant vous s'ouvre la large plaine des nuages et toute votre peau se gonfle sous la succion des terres inconnues.
Je me souvenais toujours de cette fin de nuit. L'aube venait. Je le sus parce que les yeux des moutons s'étaient éteints tous ensemble. La lune s'enfonça sous l'ombre.
"Profitons des belles heures", dit Césaire.
Le vent tomba; la dernière note s'envola toute seule comme le pigeon de l'arche.
La madame ramassa la grappe d'enfants; elle l'emporta dans la caverne d'argile. La jeune sorcière réveilla son frère, le plus grand après elle et elle l'entraîna en le tirant par la main, lui, pesant tout en arrière, ballant de la tête aux yeux fermés, elle, sèche comme un os, avec les vives antennes de ses yeux jaunes.
Je dis:
"Je coucherai dehors avec le berger."
Oui, j'avais peur de la racine et de cette source du fond de la terre. Le berger me prêta un manteau de bure serré du col, mais tout arrondi de robe et, plié là-dedans cete laine qui sentais le mulet et l'herbe grasse, j'allais m'endormir quand l'homme se pencha sur moi, au blanc du visage et me dit:
"Quand vous reviendrez, je vous conterai ce que j'ai fait le soir de la grande révolte."
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Petit, tu as entendu notre pasteur. Il t'a conté la belle histoire du petit enfant qui n'a pas été reçu par les mains des accoucheuses, mais par la paille, comme sont reçues les bêtes. Il t'a dit que c'était une vierge qui l'avait fait: les bêtes sont des vierges; elles ne salissent pas les gestes qui font la vie. Elles font la vie, simplement: elles vont dans les buissons puis elles sortent avec des enfants-bêtes et, tout de suite, ces enfants-là tâtent la vie du frais du museau et, tout de suite, ils sont lourds d'une grande sagesse qui étonne les hommes. La crèche, la paille, le bœuf, l'âne, la vierge, cette naissance c'est parmi les hommes la naissance d'une bête saine. Voilà la grande leçon. Voilà pourquoi les hommes ont crucifié l'enfant.
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Ce soir-là, c'était l'été, la grande porte donnait en plein sur la nuit. Celle-là est venue à côté de moi et elle a passé son petit bras autour de mon cou. C'était tout juste car j'ai le coup gros et que je pèse, et je lui disais : « retire-toi, je te fais mal », mais elle restait contre moi et j'étais glacée de peur et ele était chaude comme un brasillon à me brûler la peau où elle était collée. Et elle m'a dit :

« — Mama, regarde la nuit, c'est plein d'étoiles qu'on sème tout juste. Qui c'est qui les sème ? Qui c'est qui en a le sac tout plein ? C'est des poignées et des poignées qu'on jette ; on dirait du riz, regarde. »
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Tout est venu de ce jour de mai : le ciel était lisse comme une pierre de lavoir ; le mistral y écrasait du bleu à pleine main ; le soleil giclait de tous côtés ; les choses n'avaient plus d'ombre, le mystère était là, contre la peau ; ce vent de perdition arrachait les mots aux lèvres et les emportait dans les autres mondes. Malgré tout ça, on "faisait la foire." On ne peut guère abandonner une foire de mai : si la pluie menace, on prend le parapluie en bandoulière. S'il fait ce vent, on se jette là-dedans à la nage, on gueule des prix, on vit tout le jour les yeux fermés, les oreilles rompues, comme dans une mer, mais, quand même on fait les affaires et, le soir, à l'abri des murs, on ouvre les paupières brûlées par le sel et le vent : le sac des sous, comme une chose arrachée à un fond marin est plein de débris d'herbe et de sable.
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Les voilà réunis sur le maigre de Mallefougasse, troupeaux harassés, bergers lourds. La nuit est venue. Ils ont allumé un feu. Il n'y a que la nuit pleine d'étoiles, cette terre toute seule dans le ciel, toute bordée de ciel et, comme aux premiers temps du monde, un océan de bêtes autour de quelques hommes. On s'est serré contre le feu. Cette fois-là, il y avait le Sarde. Et celui-là a raconté des histoires sur les étoiles là-haut, sur la terre de là-dessous ; il a raconté pour faire passer la nuit, et aussi parce qu'il a un cœur tout en reflets où bouge l'âme du monde.
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Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
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