Cette pièce en quatre actes, de
Maxime Gorki annonce le temps des révolutions bolchéviques.
Elle se déroule en l'année 1892 qui verra l'explosion des « émeutes du choléra ». Cette épidémie qui faisait suite à une année de grande famine a été l'une des plus meurtrières qu'ait connu la Russie. Les raisons et les conséquences des mouvements révolutionnaires qui enflammèrent l'Europe de l'est nous sont connues. Et c'est à ce carrefour de l'Histoire, là où les hommes vont devoir prendre une nouvelle route que Gorki, conscient de cet inexorable rendez vous, met au scène la nature du choix que les intellectuels et les bourgeois devront faire.
Le peuple lui n'a qu'un seul choix : survivre.
Dans
les Bas- fonds Gorki rappelait la prise de conscience indispensable que devait opérer le peuple pour ne plus s'abandonner, et se soumettre à la misère. Mais les anciens maîtres à quoi devront ils leur survie ? Eux qui jusque là vivaient si bien.
Le sujet porte donc sur le choix. du choix qui va se présenter à ces hommes, à ces futurs « anciens maîtres ». Nous sommes pour Gorki tous des enfants du Soleil mais notre destin s'inscrit dans le choix que nous faisons de notre route. Marcher vers lui ? Lui tourner le dos ? Quel est la voie pour sortir du désert ?
Gorki sait que la révolution se fera, qu'elle monte et gronde déjà, que rien ne l'arrêtera. Les personnages centraux de la pièce ne sont pas accrochés à leur privilèges, ne défendent pas un monde ancien. Ils sont conscients de l'insoutenabilité de la situation sociale de la Russie.
Le peuple est en misère. La misère morale transforme le peuple en hordes incontrôlables. En cette année 1892, le peuple s'attaque aux médecins voyant en eux la main d'un pouvoir qui créerait délibérément des pandémies pour l'exterminer. Certains que rien ne saurait le sauver à par lui même il attaque et lynche tout ce qui pourrait servir de déversoir à sa peur, à sa haine.
Potrassov est un maître éclairé. C'est un scientifique, un chercheur. Il a foi en l'homme et en ses capacités. Il a pleine confiance dans le futur qui fera naître un monde meilleur pour tous. « Les vieux ont rarement raison. La vérité est toujours du côté des nouveau-nés. (Protassov) » Et c'est la science, le savoir qui apportera cette lumière au hommes. « L'homme vit libre que dans la raison. La notion de bien c'est la raison qui la crée. Sans conscience, il n'y a pas de bien possible(Protassov) » Sa femme Elena, bien que délaissée, se reconnaît en lui. Elle aspire au même idéal. « Il faut que les hommes comprennent et aiment la beauté, alors ils édifieront toute une morale à partir d'elle. Ils commenceront à distinguer lesquels de leurs actes sont beaux, et lesquels sont affreux. Alors la vie deviendra parfaite (Elena) » . Ils forment le couple « survivant » de cette histoire. Ils sont enfants du soleil et marchent vers la lumière afin de sortir du désert. Enfants solaires ,ils rayonnent et pensent qu'ils arriveront à l'aide de cette lumière à réchauffer le coeur des hommes et ainsi à les éveiller.
Liza la soeur de Protassov a assisté à la colère sanguinaire qui s'est emparé de la foule. Elle n'a plus d'espoir en un quelconque avenir pour les hommes. Elle est également consciente de la marche de la révolte. Mais elle préfère ne plus offrir de futur à cette humanité qui prend d'après elle le visage d'une bête assoiffée de sang. « On a pas le droit de vivre sur la terre, si on a pas la force de faire sienne la vie de toute la terre - Liza ». Elle refusera l'amour de Tchepournoï pour ne pas risquer d'enfanter. Quant à lui résigné à la cupidité, à l'ingratitude des hommes, n'en attendant plus rien, il préfère bâtir son monde autour de son propre bonheur. Il n'espère rien de bon de la société.
Ils forment tous deux le couple « condamné » de cette histoire. Liza sombrera définitivement dans la folie à l'annonce du suicide de Tchepournoï. Leur choix les aura égaré et fait périr en plein désert.
L' idéal pour Gorki permettra à tous de survivre à ces temps de misère. Tous ainsi vivront, forts de leur fraternité solaire. Seuls seront perdus ceux qui auront fait le choix du désespoir, du cynisme, de la résignation. Pour Gorki ce qui condamne ou sauve les hommes c'est leur choix, qu'ils soient riches ou miséreux, qu'ils soient instruits où ignorants, tous lorsque se présente « le moment » doivent décider de leur route : marcher vers le soleil ou périr de ses feux. le soleil lui même connaît des révolutions, ce qui n'empêche pas les planètes de tourner. Un pièce solaire donc révolutionnaire.
Astrid SHRIQUI GARAIN