C'est dans la collection « La Bibliothèque de Dimitri » (en hommage à
Vladimir Dimitrijevic, fondateur des Editions L'Age d'Homme) que paraît cette réédition de
Fandango (publié en 1927) due au fantasque chercheur d'or, matelot, déserteur et écrivain
Alexandre Grine.
Si on aime la littérature russe et aussi Kafka et se perdre dans un monde âpre, mais sauvé par l'imagination et l'art, on ne pourra que savourer ce court récit.
Le cadre de cette nouvelle, c'est la Petrograd de 1921, décimée par le froid et la famine.
Le narrateur qui affirme ironiquement que « les joies esquimaudes sont étrangères à son coeur » est chargé par un certain S.T. d'acheter une toile à un marchand d'art. Il compte sur une commission pour améliorer son quotidien et surtout échapper à la faim, « la corruption de l'être humain ».
C'est au rythme du
Fandango, un air qui lui trotte dans la tête, « l'exacte transcription du chant du rossignol », « une danse impétueuse comme le vent, sonore comme la grêle et profonde comme une voix de contralto » que le narrateur déambule dans un univers souvent sordide, picaresque et misérable, qui s'ouvre soudainement sur un monde de lumières et de couleurs, lorsque bouleversé par une toile extraordinaire, il plonge littéralement en elle, dans un véritable univers parallèle et consolant, où il perd « toute conscience de soi ».
Tout a été chamboulé, dit-il.
Au lecteur de plonger à son tour dans ce texte musical, rythmé, étrange et surréaliste et d'accepter de vivre ce grand chamboulement.