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Jacqueline Chambon (Traducteur)Liselotte Bodo (Traducteur)
EAN : 9782868692580
193 pages
Actes Sud (10/08/1993)
3.59/5   11 notes
Résumé :

Par des " portes dérobées " - la maladie, l'abandon, la mort - disparaissent les êtres chers à Annette. A commencer par son père qui l'a quittée dans l'enfance pour émigrer en Amérique du Sud. Vingt ans plus tard, le décès de cet homme presque inconnu la plonge dans une tristesse sans objet. Or, c'est à ce moment qu'elle commence à fréquenter un avoué dont les manières affables l'a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

J'avais tellement aimé "Le Mur invisible" de Marlen Haushofer, que je me suis laissé tenter par une autre expérience de cette écrivaine autrichienne (1920-1970).

Il est regrettable que Marie Helene Frauendorfer (son nom de baptême) soit morte avant ses 50 ans d'un cancer des os et que ses livres ne se vendent presque plus. Exception faite, toutefois, de son célèbre "Mur" qui lui a valu, en 1963, le Prix Arthur Schnitzler et ses livres pour enfants et adolescents. Dommage, car cette dame occupe une place toute particulière en littérature et il est incontestable qu'elle eut du talent littéraire à revendre. Peut-être assisterons- nous prochainement à une redécouverte de cette artiste. du moins, espérons que certains de ses livres, quasiment introuvables aujourd'hui, seront réédités.

L'auteure a fait des études de philologie allemande aux universités de Vienne et Graz, à une époque difficile, peu après le rattachement de son pays au Reich nazi. Sa vie sentimentale n'a pas été très simple, car elle a marié le dentiste Manfred Haushofer, en 1941, à un moment où elle était enceinte de l'enfant d'un autre homme. Au bout de 9 ans le couple s'est séparé pour reprendre la vie commune 7 ans plus tard. Marlen Haushofer a eu 2 fils : Christian en 1941 et Manfred Junior en 1958.
Pendant toute une période elle a travaillé dans le cabinet dentaire de son époux tout en écrivant 18 romans, recueils de nouvelles et livres pour les jeunes, entre 1952, la sortie de "La cinquième année" et sa mort. "La porte dérobée" était sa 4ème oeuvre littéraire et date de 1957, 6 ans avant son chef-d'oeuvre "Le Mur invisible", paru à Vienne en 1963.

J'ignore dans quelle mesure cette oeuvre est autobiographique ? Si tel est le cas, et la présentation de l'éditeur le suggère en affirmant qu'il s'agit du livre "sans doute le plus intime qu'elle ait écrit", il me paraît évident que Marlen Haushofer ait été souvent en proie à des sérieuses vagues à l'âme, d'angoisses et de dépressions.

Son héroïne, Annette, une bibliothécaire de 29 à 30 ans, mène une vie repliée sur elle-même, a peu d'amis, hormis son oncle Eugène qu'elle aime bien. Ses relations ne lui ont procuré que peu de satisfaction et elle est contente que son petit ami en titre, Alexandre, soit parti au moins pour 6 mois à Paris, où il a accepté un poste important. Restée seule, elle est "souvent envahie par une tristesse sans cause". "Un rhume suffit à déclencher une dépression suicidaire" et dans la rue elle a peur. Non pas qu'elle souffre d'agoraphobie, mais ce qui l'effraie "c'est le sentiment d'être seule dans un monde hostile". Son confort semble se limiter à boire une bonne tasse de café en fumant une cigarette ou en lisant un bon thriller anglais sans beaucoup de violence.

L'ouvrage est conçu comme une espèce de journal intime allant du 1er septembre au 11 août, sans spécification des années.
C'est la rencontre avec maître Grégor Xhanthner, l'avocat du dossier du faible héritage de son père, parti en Amérique latine lorsqu'elle était môme, qui va entraîner de considérables remous dans son existence.

Grégor est un homme ouvert, sûr de lui tout en inspirant confiance, aimable en compagnie et gentil avec Annette. Très vite ils deviennent des amoureux et se marient déjà le 2 janvier de la nouvelle année. Bientôt la jeune mariée se trouve enceinte. Son état lui cause des désagréments, mais c'est surtout la frousse que son époux se rende compte de ses problèmes psychologues qui la hante.

À vous de découvrir, chers amis lectrices et lecteurs, si ce bonheur va durer et si Annette, comme nouvelle épouse et mère, saura vaincre ses fréquents troubles intérieurs.

Pour être honnête ce roman n'arrive pas à la hauteur exceptionnelle de son récit du "Mur", mais la finesse des descriptions de la psyché complexe de son héroïne fait qu'il vaut la peine d'être lu - quand bien même si certains passages ne sont pas marrants - et que le nom de Marlen Haushofer, en littérature, est garant de qualité.
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Jamais les textes de Marlen Haushofer ne sont autre chose que magnifiques et poignants, tout en petites touches qui dessinent la solitude et la perte, mais aussi la force de ses personnages.
Celui-ci ne fait pas exception à la règle: il s'ouvre en effet sur la mort du père d'Annette, parti depuis vingt ans et qui a fini par succomber, quelque part en Amérique du Sud. Annette se débat entre la tristesse, sa très grande difficulté à se sentir proche des autres humains, et avec ses sentiments pour cet avoué qui l'attire, presque malgré elle, car leurs natures trop différentes ne pourraient jamais s'accorder franchement.
Un récit intimiste et superbe, une plongée dans la vie intérieure d'une femme que la plume de cet auteur sait rendre vivante comme peu de créatures de papier l'ont jamais été.
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"Les tumeurs à l'intérieur de son corps ne l'avaient pas vraiment détruite, elles n'avaient fait que dévorer le peu de chair qui pour elle avait été de toute façon secondaire. Et pourtant, sans ce peu de chair, il ne lui avait pas été possible de vivre plus longtemps. C'était bien ce détail qui l'avait, bien qu'un peu amusée, menée à sa perte." (140)

Il est assez difficile de faire face à la tristesse et à l'abîme d'où jaillissent les mots d'Annette. Son histoire est marquée par la désincarnation et l'absence à elle-même. le monde social est d'autant plus menaçant qu'elle s'étiole en matière et développe une vie intérieure riche, mais désorientée. “Le malaise que nous causent chaque jour les promiscuité de la vie”... Ses phrases, confiées aux pages d'un journal, nous parviennent alors qu'elle les a brûlées ou jetées à la mer. Ce qui les rend d'autant plus fragiles, volatiles. A la fois reflets du caractère éphémère de notre esprit et reflets de notre possibilité de résurgence, pour peu qu'on ne s'identifie pas avec ses pensées et ses émotions. Marlen Haushofer dépeint avec justesse et finesse cet état d'impuissance. Sans aucun jugement, elle laisse vibrer et se déployer les troubles psychiques d'Annette comme un phénomène naturel, un nuage qui se forme, puis se résorbe.


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
-J'ai quelque chose contre les gens qui passent par-dessus les cadavres, surtout quand ils le font avec un naturel aussi fascinant que ton père, on pourrait même dire avec une telle cordialité. Tu ne te souviens sans doute plus de lui?
-A peine, dit Annette en avalant avec difficulté, vingt-trois ans c'est long et tante Jeanne y a mis du sien.
-Je sais, dit-il précipitamment, je n'ai jamais été pour des mesures aussi radicales, on ne peut pas séparer d'une vie les morceaux désagréables comme s'il s'agissait de tiges pourries. Mais quel sens cela a-t-il d'en parler aujourd'hui? En ce qui concerne ton père, il ne pouvait tout simplement pas être mesuré à l'aune commune. D'ailleurs c'est probablement une chance qu'il ait disparu à temps. Il était exactement le genre de père qui est adoré par sa fille et qui la rend très malheureuse.
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Depuis qu'Alexandre est à Paris, je pense à lui avec une plus grande amitié. Je n'ai plus envie de le voir assis dans mon appartement, ou si l'occasion se présentait, en tout cas pas comme amant. Ce rôle ne lui convient pas, d'ailleurs il ne convient pas à la plupart des hommes et encore plus rarement à un intellectuel. La représentation de tous ces hommes sérieux et décemment habillés qui de temps à autres quittent leurs vêtements et, pâles comme des germes de pomme de terre, se livrent aux joies de l'amour, a quelque chose d'obscène et de ridicule. On ne peut pas impunément mépriser la chair pendant des générations et ne vivre que de son seul cerveau. Un jour la chair se venge.
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En devenant le maître de la terre, l'homme n'avait réussi dans le meilleur des cas qu'à la transformer en une prison minuscule pourvue d'un réfrigérateur, d'une cuisinière électrique et d'une machine à laver. Et la psychose qui ne manquerait pas de se déclarer chez chacun des prisonniers ne se laisserait naturellement pas évincer sur le divan du psychiatre.
La différence entre un directeur général et son manoeuvre était de ce point de vue minime et ne consistait qu'en un plus grand confort de la cellule, accompagné de l'illusion de posséder un pouvoir plus grand. Pouvoir qui consistait à commander à une armée d'employés, à dépasser un piéton quand on était en voiture, à décider, si l'on était médecin, de la vie d'un patient et, si l'on était juge, de la condamnation d'un autre homme; mais un pouvoir qui ne signifiait pas grand-chose dès lors qu'on n'avait plus le pouvoir de verrouiller sa porte et de n'y être pour personne pendant un mois, ou bien d'aller à la pêche au lieu d'assister à une réunion du comité de direction.
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Vieillir est plus facile pour les gens bêtes, pensa Annette, personne n'attend d'eux, qui ont toujours été stupides et ennuyeux, qu'ils deviennent subitement spirituels, alors qu'on trouve normal qu'Oncle Eugène qui a toujours été brillant en société le reste éternellement.
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Et pourquoi après tout n'était-ce pas possible? Des tas de gens faisaient des choses bizarres, pourquoi n'en était-elle pas capable? Ce serait désagréable et éprouvant, réfléchit-elle. Ou bien l'on devenait réellement fou, et l'on était déchargé de tout souci, ou bien il fallait respecter les règles du jeu. Les gens qui n'étaient fous que pour quelques heures passaient ensuite le reste de leur vie à payer les conséquences de ces heures-là, à faire oublier les injures, à écrire des lettres d'explications, bref ils s'attiraient des contrariétés de toutes sortes.
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Videos de Marlen Haushofer (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marlen Haushofer
C'est à la fin de l'année 1941 que les Américains, entraînés contre leur gré dans la Seconde Guerre mondiale, découvrent, mi-fascinés mi-inquiets, l'existence d'une science nouvelle dans l'exercice de laquelle les Allemands seraient passés maîtres et qui expliquerait leurs spectaculaires succès : la géopolitique.
Un vif débat s'engage alors : faut-il rejeter la géopolitique au motif qu'elle serait un savoir nazi par principe pernicieux ? Ou au contraire s'en rendre maître pour mieux la retourner contre ses concepteurs ?
Entre Seconde Guerre mondiale et guerre froide se joue ainsi un épisode crucial de l'histoire d'une discipline dont l'américanisation rend possible la normalisation et qui éclaire d'une lumière neuve la genèse des visions et des pratiques américaines du monde au XXe siècle. . . .
0:00 Comment les États-Unis se sont approprié une science venue d'Allemagne nazie 0:39 le tournant mackindérien 6:10 Haushofer à Nuremberg 8:19 Une science qui s'américanise

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