Même quand on aime le fantastique, il y a des livres de ce genre qui demandent un effort. Il m'a fallu en fournir un pour finir par apprécier, après plusieurs
contes, la manière d'Hoffmann.
Pour que le fantastique soit supportable, il faut que l'auteur invite son lecteur à partager avec lui ironie et humour. Hoffmann n'en manque pas. Mais cela ne suffit évidemment pas pour que la lecture soit plaisante, il est nécessaire que l'auteur ait un véritable talent de conteur et d'écrivain. Dans le cas d'Hoffmann, cette condition est parfaitement remplie.
Dans son « Information sur les récentes fortunes du chien Berganza », Hoffmann fait référence à une nouvelle de
Cervantès et donne la parole à un bouledogue en s'étonnant toutefois de ne jamais avoir entendu un chien s'exprimer « aussi intelligemment ». La conversation entre ce chien et l'auteur est agréable à suivre, d'autant que, de temps à autre, le noble animal laisse paraître sa nature canine et, en tant que chien, change de position, se gratte derrière l'oreille gauche avec la patte gauche, déclare avoir une faim de loup, etc., ce qui donne au narrateur l'occasion de manifester son sens aigu de l'observation de la vie de chien. Réciproquement, le mâtin déclare avoir beaucoup de considération pour les efforts littéraires et le sens poétique de son interlocuteur, mais, en même temps, considère que le bavardage dont les hommes abusent est loin de valoir les longs silences pendant lesquels l'esprit des chiens se recueille et s'applique à comprendre « les mystères les plus secrets de la nature ». Vous voyez d'ici le plaisir que l'on prend à lire ce dialogue !
S'il vous arrivait un jour de perdre votre reflet dans un miroir, comme un autre avait vendu son ombre au diable, rassurez-vous : vous ne serez pas le premier ! Dans « La nuit de la Saint-Sylvestre », Hoffmann vous racontera comment une certaine Giulietta demanda à un fol amoureux qu'il lui laisse son reflet en gage.
du romantisme au surréalisme, le fantastique établit une jolie passerelle, un peu surannée certes, mais toujours aussi étonnante dans son invraisemblance, passionnée dans son expression, et trompeusement anormale.