L'écriture d'
Angela Huth a ce petit quelque chose qui nous installe intensément dans la vie au quotidien des quelques personnages sur lesquels elle désire attirer notre attention. Son approche n'omet aucun geste, aucune pensée, aucun sentiment, nous rappelant par là des émotions que l'on a pu nous-mêmes vivre ou ressentir à un moment donné de notre vie.
La vie de couple de Belle prend fin un matin, annoncée laconiquement par une lettre posée sur la table préparée la veille en vue du petit déjeuner. Barney, son mari, s'excuse de partir mais ne peut résister à sa passion pour une autre femme. Belle mettra un moment à croire aux mots de cette lettre, attendra le bon moment pour le dire à son fils de neuf ans, Tim.
Chose étrange, elle ne s'effondre pas devant ce départ qu'elle a toutefois du mal à comprendre, à en saisir le caractère définitif. Elle ressent un vide mais finalement ne se sent pas vraiment mal. Elle préfère se résigner, ne pas en souffrir. Et puis, elle se dit qu'elle a Tim, pour toujours pense-t-elle, lui, elle ne le laissera pas partir… Elle s'habitue alors très rapidement à sa nouvelle situation, s'installe donc dans une vie qu'elle juge heureuse, son bonheur étant uniquement alimenté par le fait d'avoir son fils avec elle. Elle repousse les mises en garde de Richard « C'est un énorme fardeau pour un enfant… » ou celle, pleine de prudence, de son amie Anna « Mais garde-toi bien, n'est-ce pas, d'oublier qu'il peut être dangereux de faire de lui ta seule et unique priorité. Je ne dis pas qu'il y ait précisément danger dans ton cas, je dis seulement que c'est là un piège à éviter. »
Elle n'éprouve aucun besoin de partager son quotidien avec quelqu'un d'autre. Mais on se doute bien que Tim est amené à grandir, sortir avec des copains ou en excursions scolaires, devenir étudiant, ressentir des sentiments amoureux envers de jolies filles. Vivre sa vie hors des jupons de sa mère même s'il est attentionné, ne désire pas la blesser. Même la grande amitié de Tim avec Hamish apporte une ombre grandissante dans le coeur de Belle alors qu'elle reconnaît parfaitement que cette relation est nécessaire et bénéfique pour son fils. Mais elle ne peut s'empêcher d'en éprouver de la rage, d'en vouloir à Hamish de lui prendre Tim. Sera-t-elle capable de se raisonner pour le bonheur de son fils ?
Belle doit contenir son angoisse de le voir partir, bien consciente de l'absurdité de sa jalousie, de ses terreurs à l'idée que Tim ne soit plus entièrement à elle, comme un objet qu'elle aurait possédé. Elle doit faire taire sa rage intérieure pour préserver les liens privilégiés qu'elle a encore avec son fils, ne pas se laisser submerger. Elle devrait pourtant être heureuse pour Tim mais en est bien incapable. Son amour maternel, exclusif, ne peut être supplanté par aucun autre, même lorsqu'elle entamera une relation avec le jeune Wyndham.
Cette lutte chez Belle qui reconnaît tout à fait la nocivité de son amour possessif mais ne peut, ne veut sûrement y remédier est au coeur de ce roman, traité vraiment brillamment, avec minutie. L'autrice n'en oublie pas moins de tisser autour de ce sujet d'autres moments forts de la vie de Belle, sa relation avec Richard, son ami et employeur, dont le corps vieillissant lâche petit à petit.
On suit aussi le projet de création d'une épicerie, commerce de proximité si vital pour un petit bourg, montrant l'attachement de Belle à son village où elle a toujours vécu, même si ses relations avec ses parents n'ont jamais été très affectueuses et se sont dégradées lorsqu'elle a décidé qu'elle se marierait avec Barney, le maréchal-ferrant.
Incompréhension, irritation, antipathie mais aussi indulgence, pitié devant cette incapacité à se réjouir à l'idée que son fils fasse sa vie, plusieurs sentiments ambivalents peuvent surgir face au comportement de cette mère. Sans tomber dans des extrêmes, qui n'a jamais eu un petit pincement au coeur en voyant grandir et s'éloigner ses enfants ?
J'avais déjà lu
Angela Huth, avec des histoires dérivant souvent vers du sentimental. Ici, le thème de la possession qui ne devrait absolument pas se ressentir envers son enfant, m'a fait découvrir un tout autre talent de l'autrice, celui d'explorer l'amour maternel corrosif.