Je lis ce livre terrifiant, je ne connais personne qui conduise son lecteur de telle façon à travers l'horreur des cerveaux, ni en allemand, ni en anglais. Aucun pays n'a de tel livre, jusqu'à présent.
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Il y a un an, je rencontrai un homme qui m'inspira confiance. Il avait un bon visage, à peine ravagé, bien qu'il eut derrière lui la moitié d'une vie de moyenne durée. Ses mains étaient remarquablement régulières et vigoureuses à la fois. Même dans l'air chaud mêlé de fumée de tabac de la grande salle de l'hôtel Rotna, les veines sous la peau ne gonflaient pas. Je n'arrivais pas à deviner le métier que pouvait exercer cet homme avec de telles mains. En tout cas, elles révélaient une santé peu commune. Une relation normale avec le monde environnant. Je n'avais pas à craindre de me heurter à une opinion maladive, qui éveillerait ma pitié, mais ferait aussi, du même coup, surgir des préjugés. - Les hommes voient le destin avec les yeux de leur maladie ; j'ai fait cette expérience. Et la maladie est très répandue, elle est partout, parfois imposée, mais la plupart du temps choisie. - Les tuberculeux, qui aiment exagérément le soleil, sont constamment enflammés d'espoir ; leur existence baigne en quelque sorte chaque matin dans la lumière ressuscitée. Leur crainte n'est pas plus longue qu'une nuit. Elle n'a pas de durée. (Les musiciens atteints de tuberculose font un usage immodéré de la tonalité gaie, confiante, de mi majeur ; - moi, qui suis un esprit pesant, je l'évite.)
Et les syphilitiques, qui connaissent un brutal essor de leurs forces intellectuelles, comme si une source inépuisable se libérait en eux ! Ils sont violents, débordants. Maîtres du monde. Il y en a qui clament que leur mal est sacré. Aucune raison ne les freine ni ne se place entre eux et le chemin conduisant droit au but. Ils enchaînent les heures de la nuit à celles du jour sans éprouver de grande fatigue. Des pensées fugitives leur semblent assez bonnes pour en tirer une vérité. Ils ne connaissent que le demi-doute et l'entière conviction. Jusqu'à ce qu'ils soient saisis d'un bégaiement, d'un crépuscule, qui efface le grand envol de leur pouvoir.
Avec Rainer J. Hanshe, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico, Pierre Senges, Martin Rueff & Claude Mouchard
À l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition new-yorkaise Contra Mundum Press, la revue Po&sie accueille Rainer Hanshe, directeur de Contra Mundum, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico & Pierre Senges. Rainer Hanshe et son équipe publient la revue Hyperion : on the Future of Aesthetics et, avec une imagination et une précision éditoriales exceptionnelles, des volumes écrits en anglais ou traduits en anglais (souvent en édition bilingue) de diverses langues, dont le français.
Parmi les auteurs publiés : Ghérasim Luca, Miklos Szentkuthy, Fernando Pessoa, L. A. Blanqui, Robert Kelly, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Robert Musil, Lorand Gaspar, Jean-Jacques Rousseau, Ahmad Shamlu, Jean-Luc Godard, Otto Dix, Pierre Senges, Charles Baudelaire, Joseph Kessel, Adonis et Pierre Joris, Le Marquis de Sade, Paul Celan, Marguerite Duras, Hans Henny Jahnn.
Sera en particulier abordée – par lectures et interrogations – l'oeuvre extraordinaire (et multilingue) de l'italien (poète, artiste visuel, critique, traducteur, « bibliste ») Emilio Villa (1914 – 2003).
À lire – La revue Hyperion : on the Future of Aesthetics, Contra Mundum Press.
La revue Po&sie, éditions Belin.
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