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EAN : 9791096011346
244 pages
L'Éveilleur (12/03/2019)
4.75/5   6 notes
Résumé :
Les oeuvres fantastiques de Montague Rhodes James constitue un corpus peu important : à peine quatre cents pages dans lesquelles il concentre un art assez unique du récit de terreur. Ses «Ghost stories» devenues des références du genre chez les Anglo-saxons, restent mystérieusement méconnues du public français malgré les pages très élogieuses de Lovecraft qui voyait en lui un maître du genre.

Un premier tome de l'intégralité des nouvelles souvent brè... >Voir plus
Que lire après Il y avait un homme qui demeurait près du cimetièreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
La possibilité de lire les écrits fantastiques de M.R. James en français, enfin ! Parce que cet auteur, une figure dans son genre, dans l'Angleterre du début du XXe siècle, n'a guère été publié de notre côté de la Manche – un « antiquaire » pouvait éventuellement se reporter à quelques vieilles éditions chez NéO, mais pas des plus faciles à dénicher… Et les Histoires de fantômes complètes remontaient tout de même à 1990.



Or j'avais vraiment envie de lire cet auteur – tout en me montant trop feignasse pour tenter l'expérience en anglais (eh). C'est que Montague Rhodes James faisait partie des quatre « maîtres modernes » du fantastique admirés par Lovecraft dans son essai Épouvante et surnaturel en littérature – les trois autres étant Arthur Machen, Lord Dunsany et Algernon Blackwood. Trouver des traductions françaises de ces trois-là n'était pas toujours évident, mais néanmoins faisable (merci Terre de Brume et L'Arbre Vengeur, pour l'essentiel), et il en allait de même pour quelques autres auteurs auxquels Lovecraft consacrait des pages significatives de son fameux essai (comme mettons William Hope Hodgson, re-merci Terre de Brume, ou Robert W. Chambers, merci Malpertuis et le Visage Vert). Mais M.R. James ? Nope, rien depuis 1990...



La publication d'Il y avait un homme qui demeurait près du cimetière chez L'Éveilleur Étrange (décidément un éditeur d'utilité publique) est donc une excellente nouvelle – plus encore, la précision qu'il s'agit là du premier tome d'une édition intégrale des histoires fantastiques de l'auteur, qui en comprendra deux : James n'a pas été très prolifique, et ce premier tome fait d'ailleurs moins de 250 pages.



C'est qu'il avait d'autres choses à faire, sans doute : l'éminent Montague Rhodes James écrivait des « histoires de fantômes » en dilettante, et avait parallèlement une belle carrière professorale (c'était un médiéviste reconnu) et administrative, en tant que recteur du King's College de Cambridge, puis principal du Collège d'Eton ; amateur de vieux livres et de fouilles, il a mis à jour quelques belles pièces – et tout cela se retrouve dans ses nouvelles : les « héros » en sont des « antiquaires », souvent de distingués professeurs, parfois davantage des amateurs, mais toujours érudits et issus de la bonne société ; ces chercheurs sans véritable vie de famille, et dont l'univers est exclusivement masculin ou peu s'en faut, se passionnent pour de vieux ouvrages obscurs, lus en latin dans le texte, et le décor typique des histoires de James est une cathédrale renfermant bien des secrets pas toujours si chrétiens – sous un moche verni de rénovations néo-gothiques, entreprises tardivement et sans le moindre goût.



Et si tout cela est généralement so British, jusque dans les références affichées des histoires et des personnages, Montague Rhodes James n'en a pas moins une manière qui lui est propre. le passé mystérieux piège les érudits qui entendent le déchiffrer, mais, au-delà, deux points distinguent le fantastique de M.R. James de ses devanciers gothiques : d'une part, l'incertitude, le flou savamment entretenu, et qu'il ne s'agira jamais de circonvenir en recourant à l'expédient des « explications », qui agaçaient tant Lovecraft dans les écrits d'Ann Radcliffe ; d'autre part, et cela peut sembler contradictoire mais seulement à première vue, le fait que les « fantômes » de James sont souvent très matériels – non des apparitions fugaces au plus enveloppées d'un drap de circonstance, mais des créatures de chair plutôt que d'esprit, avec quelque chose de batracien parfois, et en tout cas résolument non humaines au-delà des apparences.



Et sur tous ces points – les « héros », le cadre des récits, leurs « ustensiles » et connaissances d'antiquaires, le mystère, la matérialité –, on ne s'étonnera guère de ce que Lovecraft appréciait l'oeuvre de James. La parenté, à vrai dire, peut parfois devenir véritable inspiration, très concrète : on sait que Lovecraft prisait la nouvelle « Le Comte Magnus », par exemple, qui a pu inspirer certains aspects de L'Affaire Charles Dexter Ward, notamment – et si, dans la nouvelle de James, le « pèlerinage noir » entrepris par le cruel aristocrate suédois n'est jamais explicité de quelque manière que ce soit, on avouera que la lecture préalable de Lovecraft génère à elle seule bien des images quand ces deux mots tombent sous les yeux du lecteur ; ceci, bien sûr, outre une forme de cousinage spirituel entre Magnus et Joseph Curwen. Nuls Grands Anciens chez James sans doute, c'est là l'apport très personnel de Lovecraft, mais, oui, les passerelles ne manquent pas entre les deux écrivains, pour peu qu'on s'y attarde un brin.



D'ailleurs, cette parenté peut éventuellement se prolonger au regard du style. La manière généralement sobre et élégante de James (en anglais du moins – cette édition reprend hélas d'anciennes traductions qui m'ont régulièrement paru perfectibles, et celle de l'extrait d'Épouvante et surnaturel en littérature, par Bernard Da Costa, m'a paru tout bonnement affreuse), cette manière donc paraît aux antipodes de la frénésie adjectivale d'un Lovecraft en roue libre, mais, sur d'autres procédés, les auteurs se ressemblent davantage : dans sa préface, Jean-Pierre Ohl souligne un procédé récurrent chez James, consistant en une distanciation du récit, opérée par plusieurs niveaux de narration, et même très concrètement par plusieurs « je », dont justement « Le Comte Magnus » fournit un saisissant exemple ; mais c'est là une chose qu'on retrouve chez Lovecraft, et qui m'intéresse bien chez lui – l'exemple de ce procédé le plus virtuose mais aussi saisissant et pertinent résidant dans « L'Appel de Cthulhu ».



Pour autant, il y a au moins un aspect, je crois, au regard duquel les deux auteurs se distinguent et même s'opposent, et ce sont les implications de la peur. Chez Lovecraft, elle se mue bien vite en terreur, qui constitue un péril objectif pour les personnages, qu'il soit de nature physique et/ou mentale. Cela me paraît assez rarement être le cas chez James – du moins dans les dix nouvelles rassemblées dans le présent volume ; certes, « Le Comte Magnus », encore une fois, est une exception marquée, mais, généralement, James me paraît plus du côté de l'angoisse et du frisson que du péril et de la terreur. À tout prendre, les personnages de « Mezzo-tinto », par exemple, ne risquent « pas grand-chose » (et c'est probablement ma nouvelle préférée dans tout Il y avait un homme qui demeurait près du cimetière), et, généralement, le simple constat de ce qu'il y a une créature étrange suffit à constituer l'argument de la nouvelle, sans qu'elle ait à se montrer menaçante au point du danger mortel. On dépasse la simple suggestion du surnaturel, il est parfois de nature indéniablement objective, mais, pour James, il n'est généralement pas nécessaire d'aller plus loin – Lovecraft, lui, va jusqu'au bout, de la terreur matérielle d'une part, mais aussi d'autre part de ses implications disons métaphysiques. À ce compte-là, la manière de James est sans doute plus feutrée, sobre, et, si l'on y tient, « britannique », classique en tout cas – Lovecraft, c'est cette fois tout autre chose.



Maintenant, si M.R. James est du côté du frisson et de l'angoisse, il est assurément compétent dans sa partie ; même une vignette aussi banale, au fond, que « Près du cimetière », qui ouvre le recueil, a de quoi donner la chair de poule, alors qu'il s'agit d'une fable morale à vrai dire convenue. Mais, aussitôt après, « Mezzo-tinto » se montre bien plus habile et singulière dans ce registre (et je ne surprendrai personne en disant que j'ai vu comme une Sadako en lisant cette excellente nouvelle…). « Le Comte Magnus » a déjà été évoqué, et c'est à coup sûr un des points d'orgue du recueil, mais j'aurais envie de mentionner également « Oh, siffle, et j'accourrai vers toi, mon garçon », un récit aux multiples facettes et non dénué d'un certain humour un peu tordu, que l'on retrouvera par exemple dans « Théâtrale apparition d'un disparu », avec l'amusant et grotesque personnage de Bowman, mais aussi la représentation hallucinée de Punch & Judy, qui pour le coup tire l'épouvante vers quelque chose de plus graphique ; ce procédé du « spectacle » et de l'histoire sous-jacente fait également des merveilles dans « Mezzo-tinto », mais aussi dans « La Maison de poupées hantée » ; et il y a peut-être également de cela dans « Le Labyrinthe », je suppose.



Je dois avouer avoir été un peu moins convaincu par les trois histoires « à cathédrale » qui figurent à la suite l'une de l'autre au milieu du recueil : « Le Trésor de l'abbé Thomas », « Les Stalles de Barchester » et « Un épisode dans l'histoire d'une cathédrale ». Non qu'elles soient mauvaises, loin de là même : la première, d'ailleurs, est tout spécialement savoureuse dans son épisode cryptographique, et l'on sent dans les trois un auteur qui s'amuse avec sa science, en pleine conscience. La succession des trois récits, cependant, a pu me donner l'impression de ce que l'auteur se répétait, ce qui a amoindri l'effet de l'ensemble. Et les mystères de ces trois histoires ne m'ont pas tant fait frissonner que cela, j'ai l'impression qu'ils avaient davantage pour objet d'être astucieux et/ou critiques voire satiriques, que d'êtres inquiétants ou a fortiori effrayants. Ce qui se discute, hein – forcément.



Qu'importe : bilan très positif pour ce premier volume – même si je tends à croire que les traductions (de Xavier Perret, traducteur le plus fréquemment rencontré, mais aussi des quatre autres que l'on trouve pour les seules nouvelles de James, le cas de Bernard Da Costa étant à part) auraient profité d'un bon dépoussiérage. Je suis néanmoins ravi d'avoir enfin pu lire M.R. James en français, et ai hâte de compléter avec le second tome des Histoires de fantômes complètes.
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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Relativement peu connu et peu édité en France cet auteur, réputé comme un maître du genre du côté anglo-saxon vient d'être réédité avec bonheur (quoique partiellement) aux Éditions L'Éveilleur, collection Étrange, avec des illustrations intérieures de B.E. Minns (1899) et une postface de Lovecraft qui disait de lui : « L'art de M.R. James n'est pas dû au hasard : il a lui-même énoncé trois excellentes règles pour la création fantastique : une histoire de fantôme doit avoir un cadre familier et moderne, pour être plus proche de l'univers du lecteur ; le phénomène macabre doit être maléfique plus que bénéfique, puisque la peur est l'émotion principale à éveiller ; enfin, il faut soigneusement éviter le jargon technique de “l'occultisme” ou de la pseudoscience... ».
Ici, les fantômes s'évadent de leurs tombes pour témoigner d'une injustice, pour aller se venger des vivants ou encore poursuivre les noirs desseins qui ont nourri leur vie. lls se glissent entre les lignes d'une gravure dans « Mezzo tinto » ou protégent un trésor dans « Le trésor de l'abbé Thomas ». ils se revêtent de draps entortillés et déchaînent la tempête dans « Oh, siffle et j'accourai vers toi, mon garçon ».
L'horreur est amenée à petites touches subtiles dans un décor de constructions antiques et de paysages typiquement britanniques : vieilles maisons de maîtres, châteaux, cathédrales, bords de côtes balayés par les vents... au travers d'une intrigue dont les détails semblent parfaitement ancrés dans la vie réelle, le quotidien, voire le routinier.
Le protagoniste principal de chacune de ces histoires s'apparente à l'auteur, grand érudit amateur de bibliothèques et de documents anciens, à tel point que parfois, on ne sait plus qui est le “je” qui raconte.
En bref, les récits contenus dans ce recueil sont comme des bijoux d'une autre époque, ciselés avec tellement de soin, de précision, de maîtrise, qu'ils en deviennent intemporels et qu'on ne peut que les trouver admirables.
Ces nouvelles ont été adaptées au cinéma ou à la télévision (Rendez-vous avec la peur, Jacques Tourneur, 1957, notamment) et figurent dans plusieurs anthologies du Fantastique (« Le numéro13 » dans Histoires d'aberrations, « Le Comte Magnus » dans Histoires de morts-vivants, Presse Pocket, 1977, par exemple).
C B
Chronique parue dans Gandahar 19 Michel Pagel en juin 2019
Lien : https://www.chrisbrigonne.fr
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Howard Phillips Lovecraft l'affirme dans Épouvante et surnaturel en littérature : l'auteur du livre que vous vous apprêtez à lire est « doué d'un pouvoir presque diabolique de faire surgir l'horreur, par petites touches mesurées, du sein de la prosaïque vie quotidienne ». Voilà de quoi parer Montague Rhodes James d'une forme de gloire mineure, indirectement diffusée auprès des amateurs de fantastique par le prestige de Lovecraft.

Il mérite bien mieux. Un siècle après leur rédaction, ses nouvelles n'ont pas pris une ride, protégées des soubresauts de la mode littéraire par un charme distillé savamment, dont le temps qui passe ne fait qu'embellir la patine. Elles génèrent aussi un étrange sentiment de « déjà vu » — non que l'art de James soit paresseux ou émaillé de stéréotypes, tout au contraire : sa science du récit est si parfaite, le puzzle du mystère si ajusté, les éléments narratifs si variés et si élégamment disposés dans un décor faussement rassurant, que le lecteur laisse échapper un « oui ! bien sûr ! » admiratif, comme s'il visitait pour la première fois un monument prestigieux dont il aurait beaucoup entendu parler. Montague Rhodes James, sous nos yeux, invente tout simplement la nouvelle fantastique du XXe siècle.

« Il y a des auteurs que l'on aimerait n'avoir jamais lu, disait Ruth Rendell, pour avoir le plaisir de les lire pour la première fois. Pour moi, Montague Rhodes James est un de ceux-là. » Si vous découvrez James aujourd'hui, frottez-vous les mains ! Sinon, rassurez-vous : ses contes horrifiques, sidérants d'intelligence, sont encore meilleurs à la deuxième lecture.
Lien : https://bibliogite.jimdofree..
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M. R. James a une approche ludique : narrations multiples, récits imbriqués, interpellation du lecteur, humour et surtout des suggestions anodines qui font frissonner. Son amour du passé et de l'architecture transpire à travers ses personnages d'archeologues et de collectionneurs. Son style fluide, efficace en fait un auteur incontournable des amateurs du genre
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Il y avait un homme... met en scène, dans de courtes intrigues du quotidien, des personnages rationnels confrontés à des évènements surnaturels, souvent dans des lieux évocateurs. Inscrites dans le concret, les nouvelles de M.R. James jouent en particulier sur les ambiances créées par ces décors. Avec ses portes qui grincent et ses parquets qui craquent, ce recueil horrifique particulièrement subtil, qui suggère l'effroi plus qu'il ne l'impose, magnifie la terreur et provoque un frisson délicat.
L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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