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EAN : 9782867447013
80 pages
P.O.L. (04/05/1999)
4.24/5   21 notes
Résumé :
Ce livre contient le récit des quatre rencontres de Charles Juliet avec Samuel Beckett, en 1968, 1973, 1975 et 1977. La parole de l’écrivain – le récit de ses doutes, l’histoire de sa longue ascèse – y est scrupuleusement recueillie mais ses gestes, ses regards y sont aussi décrits avec précision, ses attitudes, tout ce qui faisait de lui un homme hors du commun, plongé dans une recherche sans terme ni bornes, immédiatement sensible à sa lecture comme à son contact.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Charles Juliet a une prédilection pour les artistes taiseux, les créateurs avares de leurs mots, les amoureux du silence.

Sûrement parce qu'il leur ressemble.

Il "rencontre" ainsi Bram van Velde, le Hollandais, Giacometti, l'Italien, Beckett, l'Irlandais : trois taciturnes, qui refusent de créer pour "faire", acceptent l'attente et la contemplation comme une maturation nécessaire à leur art, lui sacrifient tout dans une ascèse sans concession et tutoient -avec angoisse le plus souvent- le "néant vaste et noir"..

Les rencontres avec Beckett- quatre, exactement- consignées dans cet opuscule, ont quelque chose de déroutant : elles sont interrompues, confuses, brusques et timides à la fois ; le grand écrivain s'y montre peu explicite sur l'alchimie mystérieuse de son art.

Une chose m'a vraiment étonnée de la part d'un écrivain dont chaque mot fait mouche et que j'imaginais ultra-cérébral: Beckett dit avoir refusé l'intellect par une nuit d'illumination à la Pascal, et avoir décidé ce soir-là, sur une digue d'Irlande, de faire uniquement confiance , désormais, à l'instinct.

Autre chose est aussi clairement verbalisé que j'avais bien perçu en lisant -un peu dans le désordre, j'avoue- sa production théâtrale : il refuse de faire l'exploitation d'une veine dramatique ( ou romanesque ) en multipliant les tentatives sur un même filon. Il sait qu'il doit avancer à chaque fois, faire un pas en avant vers le silence, vers l'extinction de la voix et l'effacement du mot. Cette ascèse sans concession le rapproche inévitablement de la mort, qui est le lot commun des hommes, fussent-ils des artistes.

Ces rencontres m'ont intéressée- il y a en particulier un magnifique "portrait" de Beckett- mais je leur ai trouvé un air un peu guindé, un peu impressionné -le regard de chouette hérissée du grand écrivain a dû paralyser notre Charles Juliet.

Les rencontres avec Bram van Velde- un autre mutique!- avaient plus de chaleur, de tacite compréhension...et surtout ce muet-là sait trouver tout à coup des pépites foudroyantes, des vérités transcendantes que note scrupuleusement Charles Juliet comme on recueille les oracles de la Pythie. Ce peintre timide, misérable et génial m'a plus touchée, j'ai eu l'impression de le "rencontrer" davantage que l'immense Samuel Beckett dans son retrait hiératique.

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NOTE DE L'ÉDITEUR : Ce livre contient le récit des quatre rencontres de Charles Juliet avec Samuel Beckett, en 1968, 1973, 1975 et 1977. La parole de l'écrivain — le récit de ses doutes, l'histoire de sa longue ascèse — y est scrupuleusement recueillie mais ses gestes, ses regards y sont aussi décrits avec précision, ses attitudes, tout ce qui faisait de lui un homme hors du commun, plongé dans une recherche sans terme ni bornes, immédiatement sensible à sa lecture comme à son contact.

Ce petit livre de 72 pages est paru chez P.O.L. en 1999. le 24 octobre prochain, nous fêterons le quarantième anniversaire de la rencontre entre Samuel Beckett et Charles Juliet. Et puis quoi ? Et bien Charles Juliet est l'auteur de Lambeaux. Petit rappel : Lambeaux marque un tournant essentiel dans l'écriture de Charles Juliet. Il le libère et le fera ensuite passer de la poésie et des journaux à la fiction. L'auteur y vide pour la première fois sa mémoire, dénoue le noeud de son malaise et l'origine de son écriture : la mort de sa mère alors qu'il n'a que quelques mois. Par des phrases lentes, granitiques, il accède aux racines tranchées, extirpe sa mère du rien en lui donnant la parole.
La deuxième partie dit l'autre mère. Celle qui l'a recueilli. La "toute-donnée" qui ne se plaint pas et parle peu. Charles Juliet lui prête également ses mots. Il fouille, met à jour la pensée de cette femme, ce "chef-d'oeuvre d'humanité" qui l'a sauvé de la folie ou du suicide.

Derrière ce double portrait, Charles Juliet relate aussi la lente gestation de son être, par-delà les peurs, les blessures, les aridités. Par-delà la culpabilité. Jusqu'à cet instant où le brouillard se dissipe, où une force tranquille s'installe et lui permet à nouveau d'adhérer à la vie. --Laure Anciel --

On a du mal à imaginer la vie sans cette rencontre, tant la mère, la mémoire, le rien, le trop plein sont présents dans l'oeuvre de Beckett. Il fallait bien sûr cette rencontre et Charles Juliet nous en laisse un livre : un petit bijou où Samuel Beckett se confie au gré des conversations, décousues, comme lui tant embrouillées dès lors qu'il s'agit de parler de lui, mais toujours sincères et émouvantes. Ses passions de lecteur, d'amateur d'art, ses déceptions d'écrivain lorsqu'il évoque la mise en scène de certaines de ses pièces. Quelques petites anecdotes. Autant de petites choses qu'il convenait d'immortaliser là, dans ces 72 pages, et qu'il est nécessaire d'explorer.

Lien : http://lethee.over-blog.com/..
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Charles Juliet rencontre Samuel Beckett à quatre reprises, en 1968, 1973, 1975 et 1977, et lui témoigne une telle admiration que ce dernier en semble gêné.
Pourtant, le courant finit par passer entre les deux hommes et Beckett s'exprime volontiers entre deux silences : la généalogie de son oeuvre, notamment l'illumination de 1946 à Dublin où il a trouvé la voie de son expression littéraire propre : accepter d'exprimer le chaos qui est en lui ; ses protestations véhémentes contre ceux qui le définissent comme un écrivain de l'absurde : " Je n'ai jamais été d'accord avec cette notion de théâtre de l'absurde. Car là, il y a un jugement de valeur. " ; son rejet des interprétations universitaires de son oeuvre, " inutile vivisection " ; sa conception du travail de l'artiste qui est de disparaître en tant qu'individu de ce qu'il fait ; son goût pour les écrits mystiques de Jean de la Croix, maître Eckhart, Ruysbroek : " Oui... j'aime... j'aime leur... illogisme... leur illogisme brûlant... cette flamme... cette flamme... qui consume cette saloperie de logique." ; son amitié indéfectible pour le peintre Bram Van Velde ; sa crainte de la vieillesse, oscillant entre acceptation de ce moment de liberté créatrice et résignation accablée.
Un témoignage fort de Juliet qui a rencontré une ascèse et un outil de connaissance de soi dans le dépouillement du Maître, même si Beckett semble en douter : " Eloignez-vous, et de vous, et de moi."
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
-Jusque là, j'avais cru que je pouvais faire confiance à la connaissance. Que je devais m'équiper sur le plan intellectuel. Ce jour-là , tout s'est effondré.
(...)
J'ai écrit Molloy et la suite , le jour où j'ai compris ma bêtise. Alors je me suis mis à écrire les choses que je sens."
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J'avais oublié combien il est racé et impressionnant. Un visage aussi beau de face que de profil, où se lisent l'hypersensibilité et l'énergie. Un regard de voyant, d'une formidable intensité. Le front entaillé de rides profondes. Le nez aquilin. Les sourcils hirsutes et mal élagués. Les joues creuses et mal rasées. La bouche large. Les lèvres fines. les cheveux gris, drus et en bataille.
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-Le travail antérieur interdit toute poursuite de ce travail. Bien sûr, je pourrais écrire des textes comme ceux de "Têtes mortes". Mais je ne veux pas. Je viens de mettre au panier une petite pièce de théâtre. Chaque fois, il faut qu'il y ait un pas en avant.
Long silence.
-L'écriture m'a conduit au silence.
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Le silence s'installe et je sais qu'il ne sera pas facile de le rompre. Curieuse idée, pensé-je, que de venir interroger celui qui n'est qu'interrogation. Son regard se dérobe, mais quand je sens ses yeux tenter de se porter sur moi, c'est au mien de se détourner.
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Pièce de une minute à laquelle Beckett aurait songé et confié à Juliet :

- Un être seul, debout, silencieux, immobile. Il est un peu en retrait, non loin de la coulisse. Tout se passe dans une lumière crépusculaire. Apparaît quelqu'un. Il avance. A pas lents. Il aperçoit le personnage qui est immobile. Il s'arrête, saisi.
- Vous attendez quelqu'un ?
De la tête on lui répond par la négative.
- Quelque chose ?
Même réponse.
Après quelques secondes, il poursuit son chemin.
Alors l'autre :
- Vous allez où ?
- Je ne sais pas.
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Videos de Charles Juliet (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles Juliet
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
+ Lire la suite
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