Ah la la…
Douglas Kennedy. C'est mon auteur chouchou. le seul dont j'achète le roman la semaine même de la parution. Pourtant, je ne peux pas dire que cela soit de la « grande » littérature, ni que j'ai aimé tous ses romans. Mais c'est ainsi, il y a un supplément d'âme dans son écriture qui me touche très fréquemment, notamment parce qu'il lui tient à coeur de disséquer finement ses personnages d'un point de vue psychologique. Pour moi,
Quitter le monde est son roman le plus abouti, et sa trilogie La Symphonie du hasard un raté.
Mais qu'importe, je lui pardonne tout. Et oui, c'est cela d'avoir un véritable lectorat fidèle ! Si vous n'avez jamais lu un seul de ses ouvrages, alors il faut le faire, parce qu'il s'agit véritablement d'un auteur talentueux.
Cet instant-là,
Quitter le monde ou le roman que je vais présenter ici méritent une attention particulière.
Isabelle, l'après-midi est un roman au titre très romantique et nostalgique je trouve. Ce n'est pas un roman classique pour l'auteur, car il n'y a ni rebond ni suspens. C'est un roman d'amour, une affaire de grandes personnes, un récit sur une passion qui durera toute une vie, avec de véritables hauts et de très longs bas.
C'est l'histoire d'une liaison adultère, d'un « 5 à 7 » comme le dit lui-même l'auteur, entre Isabelle, une française mariée et bien mariée, et Sam, un américain plus jeune qu'elle, souvent de passage à Paris. Jusqu'ici, rien de dingue, mais
Isabelle, l'après-midi n'est pas une histoire de dingue. Elle est même une histoire des plus fréquentes et des plus douloureuses. Ce genre d'histoires qui fait couler beaucoup d'encre et de larmes, a inspiré de nombreux films, et continue de faire tourner le monde.
Samuel aime Isabelle, et Isabelle aime Samuel. Évidemment, la question se pose : Isabelle doit-elle quitter son mari pour Samuel ? Je ne peux pas ici donner d'indice sur la suite de l'histoire, puisque c'est l'affaire du roman. Il y a des soubresauts, des moments où l'histoire avance, des moments où elle recule, et puis il y a la chute. Mais au final, ce qui est intéressant, c'est la trajectoire des personnages quant à cette histoire d'amour, la fidélité émotionnelle qu'ils lui accordent tout au long de leur vie.
Une passion cachée est une passion qui ne meurt pas, ou si peu. Comme elle n'est jamais vécue au grand jour, jamais inscrite dans la routine du quotidien, jamais soumise aux lessives, aux enfants, au travail et tutti quanti, la passion demeure incandescente très longtemps. Chacun veut posséder l'autre, en faire un compagnon permanent, au risque pourtant de briser ce que la passion a de plus beau : son énergie de feu. Isabelle et Sam vont parfois arrêter de se voir, pendant des années même. Mais peut-on oublier une passion qui n'a jamais vu la lumière du jour ? Reste-on amoureux de cette personne que l'on a aimée dans les limbes du secret pendant longtemps ? Cette passion aurait-elle été aussi intense si les protagonistes s'étaient mis en couple d'emblée ? Peut-on aimer son mari ou sa femme et une autre personne ? Une passion peut-elle survivre au poids des années ?
Ces questions ne sont pas les miennes, mais celles de l'auteur. J'ai pu assister à un zoom avec lui où nous, fidèles lecteurs, pouvions poser toutes nos questions.
Douglas Kennedy expliquait qu'il voulait, avec ce roman, essayer de répondre à ces questions presqu'existentielles en amour, sans avoir aucune certitude. Il rappelait en rigolant qu'il avait divorcé deux fois et qu'il ne possédait pas les clefs, mais qu'il lui semblait certain qu'une histoire protégée du quotidien demeurait éternelle, même terminée, car le coeur en garde un souvenir brûlant. Il a conclu en rappelant que la fidélité physique relevait d'un choix privé et n'avait peut-être pas d'importance, mais que la fidélité sentimentale, émotionnelle, le fait de garder quelqu'un dans son coeur même sans le voir durant un temps indéfini relevait d'un amour excessivement fort.
Isabelle, l'après-midi comporte de très jolies scènes d'amour, pas vraiment érotiques, mais pas sans intérêt sexuel. L'auteur a justement raconté
combien ces scènes étaient dures à écrire. Dans le cadre d'une passion, le sexe a son importance, on doit vraiment ressentir que les héros « font l'amour ». Il faut que ces passages ne soient ni trop torrides pour ne pas écrire un porno, ni trop gnangnan pour passer à côté de la flamme sensuelle de l'amour profond. J'ai beaucoup aimé ces lignes, j'en étais presque parfois gênée, comme si j'étais dans une intimité qui n'était pas la mienne (ce qui est vrai, cela dit ). Mais
Isabelle, l'après-midi comporte aussi de la rancoeur, de la colère, de la tristesse, du chagrin, de la perdition, et toutes ces choses qui font la densité d'une histoire entre deux personnes.
Je me suis surprise à verser une larme dans le train en le lisant, mais pas sur un passage amoureux, non, sur un passage entre Samuel et un enfant, son enfant. Un passage sur l'amour parental qui m'a saisie aux tripes. Pleurer devant un film, ça m'arrive assez aisément. Mais pleurer en lisant, je crois que ça ne m'était plus arrivé depuis Petit pays.
Un livre très intime, très tendre, très amoureux finalement, qui rappelle
combien la vie est pleine d'ambivalences, de choix et de non-choix, de bons et de mauvais timing, d'envie et de peur. Mais peut-être que sans tout cela, la passion ne peut pas durer très longtemps…
A la question « Isabelle a-t-elle existé pour vous ? »,
Douglas Kennedy a souri et a répondu : « Ça, c'est mon histoire privée », avec cet accent américain que j'adore, tout en précisant malgré tout que c'était son livre le plus intime. Bon sang je le kiffe !
Jo la frite
Lien :
http://coincescheznous.unblo..