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EAN : 9782070392698
192 pages
Gallimard (27/04/2012)
3.93/5   35 notes
Résumé :
« Pendant les quatre premières années de ma vie, tant qu'il vécut, je ne fus pas Ti Jean Duluoz, je fus Gérard, le monde fut son visage, la fleur de son visage, sa pâleur, son corps voûté, la façon qu'il avait de vous briser le cour, sa sainteté et les leçons de tendresse qu'il me donnait ».

Nous sommes en Nouvelle-Angleterre, dans le quartier canadien-français de Lowell. Jack Kerouac fait revivre dans ces pages, sans doute les plus émouvantes de son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Avec Visions de Gérard, exit les voyages à travers l'Amérique, les grands espaces, le désoeuvrement, beaucoup de ce qui caractérise la Beat Generation. Jack Kerouac change complètement de ton et se dévoile dans un roman plus intimiste, plus personnel, moins gai, que tous les autres. D'ailleurs, il le rappelle à ses lecteurs : « Soyez écoeurés si ça vous chante, ce livre est sombre et prophétique. » (p. 112) Ça en prend du courage… Et aussi du talent, pour transformer un moment dramatique en quelque chose de beau. Mais c'est plus que des souvenirs, qu'il raconte (quoiqu'il y ait plusieurs anecdotes sur les parents et les voisins), c'est une une fracture dans son existence. Jusque là, une existence de Canadien-français dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, propablement destiné au travail dans les usines ou manifactures, comme les siens. Pauvre. Malade, peut-être. Comme son frère aîné qui meurt pendant l'enfance de l'écrivain. Parti trop, cet être exceptionnel, du haut de ses neuf ans, aura eu une influence marquante. Même si son agonie est lente, Gérard trouve le moyen de se questionner sur le monde qui l'entoure, les hommes, les animaux, le bonheur, etc. C'est touchant. Malgré la maladie qui le ronge, il réussit à s'adonner à des moments de joie et à les partager. Et le petit Jack, quatre ans, aura tout retenu. Ça explique peut-être que, devenu adulte, il ait erré sur les chemins, profitant de l'instant présent. Outre le «message» de l'aîné, Visions de Gérard est également la reconstitution de ces familles canadiennes-françaises exilées aux Etats-Unis au début du XXe siècle, avec leur patois, leurs expressions, leur univers, dépeint du point de vue d'un enfant. Décidément, un petit coup de coeur que je n'ai pas vu venir…
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Jack Kerouac (Ti-Jean) avait quatre ans lors du décès en 1926 de son frère Gérard, neuf ans. de ses souvenirs d'enfant insouciant, Kerouac entreprend avec ce récit, Visions de Gérard, de nous restituer la figure emblématique de cet aîné, devenu avec les années qui passent, un petit être empreint de sainteté et de pureté. « Mais moi je m'imaginais que cette mort allait être à l'origine d'une transformation surnaturelle qui allait rendre mon frère plus grand, plus semblable à Gérard - Il allait réapparaître après sa mort, gigantesque, tout-puissant; il allait devenir un être renouvelé. - Cervelle brumeuse de l'enfant de quatre ans avec ses replis bourrés de visions et de mysticismes. »
Outre les conséquences familiales de la maladie chronique de son frère, Kerouac nous livre aussi des bribes de sa prime enfance dans le Little Canada, au sein même de la ville de Lowell, Massachussets, ainsi que les répercussions qu'a eu cette lancinante absence sur son propre état psychologique. C'est avec la gorge serrée par moments que j'ai dévoré ce très beau texte empreint de tristesse et de nostalgie.
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Plus je lis jack Kerouac, plus je distingue avec émerveillement sa singularité, hors de tout mouvement, beatnik ou autre. Avec Visions de Gérard, nous sommes à l'apogée de sa sensibilité mystique et naturellement clairvoyante. Beaucoup plus qu'avec Sur la route, je me suis intéressée à tous ces romans détachés de son aura de voyageur inassouvi, soit, nettement plus intimistes, repliés sur ses propres visions à lui, tourné vers une sentimentalité hors norme que l'on discerne grâce à un style des plus lyriques, avec une poésie qui prend toujours sens depuis une revisite spectaculaire des normes du langage. Après avoir savouré Docteur Sax, rêveries et imaginations troubles de Kerouac enfant et adolescent, poussées à l'extrême dans des divagations qui flambent sur la page, toujours dans sa ville natale de Lowell, « Le Brun chaud de Lowell », j'ai saisi dans Visions de Gérard les prémisses de la sensibilité extraordinaire de l'auteur pour tout ce qui l'entoure, faisant de la banalité une puissante source de sentiments exacerbés, des sentiments qui tremblent et dévoilent une fragilité qui s'immerge dans son écriture seule. Kerouac nous conte ici, de manière totalement décousue et quasiment surnaturelle - ce qui fera vibrer et tanguer le récit - le regard amoureux qu'il porte sur son frère aîné, alors âgé de 9 ans et au seuil de sa petite vie d' « enfant béni ». Un regard pétrifié peut être, tant le respect se mêle ici à une sorte de frayeur mystique, son frère comme un véritable poème divin, incarné dans une chair souffrante. Kerouac voit en son frère les douleurs christiques dont il nous transmettra sa compréhension viscérale et son amour avec force expressivité, tendresse et envolées toutes personnelles. La véritable passion qui le relie à son frère ( notamment dans des petits jeux enfantins d'un charme presque insoutenable) fera de Kerouac l'homme faiseur de mots et de lumières que l'on connaîtra dans le déroulement de ses autres livres, toujours teintés de cette aura si particulière qu'il porte au sein de son être et à travers ses jeux stylistiques ( essentiels pour ma part, le tremplin de ce qui secoue notre sensibilité de lecteurs ). Un livre béni, un rythme enfiévré dans une ambiance de mort chagrine mais porteuse de véritables révélations, l'intime de Kerouac à son apogée, son rapport essentiel à la vie : la vie synonyme de transparence et de mort implacable. « Vivre pour mourir » ,  «  né pour mourir », ces sentences que l'on retrouvera de manière obsessionnelle dans un autre récit tel que Tristessa, et qui se formulera en filigrane dans tous ses écrits. Kerouac, une lumière sombre de clairvoyance et d'idéal.
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Ecrit en janvier 1956 et publié en 1963, Visions de Gérard s'inscrit dans la lignée des romans d'inspiration autobiographique de Kerouac appartenant à l'ensemble de « la Légende de Duluoz ». Derrière la famille Duluoz et le drame évoqué, il s'agit bien de l'histoire de la famille Kerouac, mais c'est la première fois que l'auteur se penche sur sa petite enfance. En 1956, Jack Kerouac, 34 ans, essaie de retrouver les sensations qu'il a éprouvées à l'âge de 4 ans quand son frère ainé, âgé de 9 ans, meurt des suites d'une maladie du coeur. le ton intimiste du texte le démarque de ses romans plus connus. Kerouac utilise un style simple, éloigné des tournures alambiquées de certaines de ses oeuvres et de ses expérimentations littéraires. Il fait revivre le quotidien de sa famille à Lowell, Massachusetts, dans les années 20. de nombreuses descriptions des rues de la ville, des collines et des canaux rappellent que Kerouac est toujours resté très attaché à sa ville d'origine célèbre pour ses industries de textile le long du fleuve Merrimack qui ont attiré beaucoup de travailleurs immigrés, notamment des Canadiens. La famille de Kerouac a des origines québécoises et bretonnes et le roman rappelle qu'en famille ils parlaient le canuck, le français canadien. Kerouac y mentionne le métier d'imprimeur de son père, la complicité avec sa soeur et son frère, les jeux d'enfants, la tendresse des parents désemparés face à la maladie de Gérard. Certains passages plus légers et hauts en couleur apportent un peu d'humour, comme celui où le père retrouve ses amis autour d'une partie de carte bien arrosée et qu'ils partent sillonner les rues de la ville en side-car. Lowell y est montrée comme une ville vivante et cosmopolite, où différentes communautés se côtoient. Mais ce qui surprend c'est la personne même de Gérard telle qu'évoquée, recréée par l'auteur : enfant solitaire et sensible, ouvert aux autres, il est avant tout pour Kerouac un être entièrement tourné vers la bonté, la sainteté, un exemple à suivre. Malgré la mort imminente et la souffrance, il continue à s'interroger sur le monde, le mal, la cruauté. Il semble ne pas avoir peur de mourir. Pour construire cet hommage au frère disparu, à cet idéal de pureté que Kerouac a voulu atteindre toute sa vie, il mélange rêve et réalité, (ré) invente à partir de ses souvenirs et des anecdotes qui lui ont été racontées, d'où l'importance de la « vision », thème que Kerouac explore dans d'autres oeuvres sous formes d'épiphanies, d'hallucinations, d'illuminations et autres apparitions plus ou moins mystiques. D'ailleurs la religion, autre thème fréquent chez Kerouac, est très présente dans le roman, à travers notamment la mère très pieuse qui interroge Dieu sur une telle injustice. Au moment où il écrit ce texte, Kerouac est toujours très imprégné par la religion catholique qu'il tente de concilier avec sa découverte du bouddhisme, et la figure du Christ marque profondément les deux frères. Kerouac s'attarde peu sur les douleurs physiques de l'enfant, insiste sur son stoïcisme, sa compassion pour les êtres qui l'entourent, y compris pour les animaux : Gérard cloué au lit s'émerveille des oiseaux qui viennent à sa fenêtre, il sauve une souris d'un piège et la soigne avec patience. Kerouac nous fait ressentir à quel point il a appris de son frère et en quoi sa mort a nourri ses réflexions sur la fragilité de la vie.
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Je n'ai pas lu Kerouac depuis presque 15 ans, et je le retrouve dans cette oeuvre intime racontant la vie et la mort de son grand-frère, parti à 9 ans, l'auteur en ayant à peine 4.
Dans quelle mesure, Kerouac ne reconstruit-il pas des souvenirs qu'il n'a en fait jamais eus, quelle est la précision des souvenirs, leur justesse... Mais au fond cette question est nulle et non avenue dans une oeuvre qui se veut littéraire...
Ecrire pour Gérard, parce qu'il est parti...
Beaucoup de philosophie(s) dans ce livre, un ton touchant, comment ne pas être ému par le personnage qu'il dessine devant nous, qu'il nous donne à voir et à aimer. Et comment ne pas aimer ce Gérard !
Dommage qu'il y ait quelques digressions dont je n'ai pas ressenti l'utilité, qui ne joue pour moi pas un contraste qui sert au texte et à sa force, il n'en avait pas besoin. Peut-être que Jack Ti Jean Duluoz Kerouac oui.
J'avais seulement mis trois étoiles mais en écrivant ces remarques formant cette "critique" je me trouve injuste et donc j'en ajoute une.
Et Kerouac qui m'a beaucoup accompagné plus jeune, m'a rattrapé et je parcourrai sans doute un peu de lui prochainement.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Et voici que surgit la chanson du printemps, ce printemps où la terre va se féconder, s'amollir et produire des formes qui ne sont destinées qu'à mourir et se multiplier - Mille splendeurs traversent majestueusement le ciel de mars, et les lunes avec les lunes délirantes que vous voyez à travers les rameaux ivres et craquants des pins - Quand la rivière, avec son fardeau d'humus, s'alourdit à la berge de la liquéfaction des croûtes compactes et dures qui avaient scellé la fameuse rigidité de son sépulcre - Et il y aura des rires dans la terre qui fond cette nuit - Et il y aura de la sciure de bois, des arbres, des cuisses de femmes, des méandres de rivières, des clartés d'étoiles, des porches derrière les maisons, encore des bébés, des jeunes maris, de la bière [...]
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Il allait réapparaître après sa mort, gigantesque, tout puissant; il allait devenir un être renouvelé - cervelle brumeuse de l'enfant de quatre ans avec ses replis bourrés de visions et de mysticismes - Je saisis la main de papa et la tirai, et tout joyeux, je guettai sur son visage l'apparition d'un allégresse identique;...
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Je voudrais pouvoir me rappeler la tendresse de ces deux frères solitaires qui se pelotonnaient l'un contre l'autre, dans un passé si éloigné de ma frêle entreprise à présent, que je ne pourrais rien tirer de ses vertus bienfaisantes, même si une passerelle me reliait à lui, car j'ai perdu toutes mes molécules d'alors et je n'ai plus en moi leur saveur révélatrice.
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Les vautours se repaissent de tels toits inconsolables quand vous regardez, les cheminées exsudent des anges de frayeur semblables à des tourbillons de papillons gris...
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Je voudrais être le plus divin des conteurs et dire comment les vents froids soufflent d'un coup de ma tête rapide dans cet hôpital âpre et inhospitalier appelé la terre, où «tu dois à Dieu une mort» — Le temps que je monte sur mon cheval —
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En 1959, Jack Kerouac parle de littérature et de la «Beat Generation»
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