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sur 1268 notes
Le livre nous emmène en Estonie au 13ème siècle. Leemet vit dans la forêt et est le dernier homme à connaître la langue des serpents, qui permet de se faire comprendre et obéir des animaux. Autour de lui, la forêt se vide de ses habitants, qui partent les uns après les autres rejoindre les villages, délaissant les croyances traditionnelles pour le culte du catholicisme, la vie en harmonie avec la faune et la flore pour une vie à cultiver la terre au nom de la modernité. Leemet va se retrouver pris entre les deux mondes, dépourvu d'avenir dans la forêt mais incapable de trouver un sens à une vie au village.

« L'homme qui savait la langue des serpents » est pourvu d'une tonalité totalement différente du précédent livre que j'avais pu lire de cet auteur. On suit les aventures de Leemet avec un petit pincement au coeur mélancolique devant ce dernier dépositaire de la langue des serpents, dernier mohican d'un monde qui s'éteint, absorbé par la modernité du village. Mais le roman n'est pas pour autant un hymne à un passé romantisé harmonieux avec la nature. En effet, si le monde moderne se caractérise par la stupidité de ses tenants et leur vision étriquée de la vie dans la forêt, l'univers traditionnel apparaît lui bien sombre avec ses gardiens d'une tradition identitaire prêts à tout pour garder un pouvoir même illusoire. D'ailleurs les mondes restent gouvernés par les mêmes pouvoirs religieux, les anciennes divinités d'un côté et Dieu de l'autre, toutes deux autant vilipendées par l'auteur. Et Leemet tente de trouver sa voie solitaire au milieu de deux mondes, en retard et en décalage avec son temps et les autres.

Un livre passionnant, plein de finesse et d'humour qui nous fait réfléchir sur la notion de modernité et de tradition qui évoluent et sont réévalués au cours du temps.
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A partir de la mythologie et du folklore estoniens, Andrus Kivirähk, magiciens des mots, écrit l'histoire d'un peuple sylvestre vivant en osmose avec la nature du sous-bois. le jeune Leemet y coule une enfance colorée et joyeuse avec sa famille et son amie Ints, une vipère royale particulièrement sage. Leur temps libre est partagé entre les visites aux éleveurs de poux, perchés en haut des arbres, les déboires familiaux mais surtout à la recherche d'une fantastique et légendaire salamandre, qui dormirait tapie sous le tapis mousseux…

Et puis, de la mer, sont arrivés les chevaliers allemands et avec eux, la modernité et le christianisme. Éblouis par ces hommes de fer, convaincus par les moines, le peuple de la forêt a peu à peu quitté les bois pour vivre dans des villages, cultiver la terre et adorer Jésus-Christ.

Teinté de réalisme magique et d'un souffle épique, on se laisse couler dans cet univers cotonneux, on s'émerveille, tout en s'interrogeant sur la place et l'importance des traditions et leur disparition, de l'attrait éblouissant (aveuglant?) de la modernité, du « progrès », de la sécurité. Une histoire qui finalement invite à redéfinir son environnement, recréer le lien, redonner sens à la notion de proximité, de communauté.

Un chef-d'oeuvre intemporel.
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C'est un véritable mythe que nous propose Andrus Kivirähk. Celui de la mémoire des mondes disparus sous la hache tranchante et dictatoriale de la modernité. Une arme balayant la langue maternelle à coup de credo, régentée par des croque-mitaines du quotidien ; le combat semble inégal.
Et pourtant, l'auteur ne se fait jamais moraliste. Tandis que les insurrections se multiplient, il serait presque une perte de temps de vouloir dénicher les bons ou les mauvais. le récit adopte plutôt le parti des Hommes : ceux qui transmettent et vivent dans l'humilité. Ceux qui, paradoxalement, préfèrent un peuple éternel à des dieux passagers.
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Parfois, j'ai entrevu la mélancolie d'un monde mourant, une Estonie païenne fantaisiste phagocytée par le monde chrétien féodal. Mais le plus souvent, j'ai subi tant de longueurs, tant redites, que l'expérience n'a pas été affriolante. Page après page, les caractères demeurent figés dans leur caricature, et le mouvement du récit en est grandement entravé : Meemet rampe en état d'ébriété, Tambet et Ülgas maudissent le déclin de leur peuple, Johaness loue le pape et le Christ, la mère du héros cuisine encore et encore de l'élan jusqu'à l'indigestion du lecteur… La satire peut-elle excuser des personnages aussi unidimensionnels ? Un propos et une intrigue aussi répétitifs ? Pour ajouter à la lourdeur de l'ensemble, Kivirähk se complait à dépeindre les actes de cruauté et de violence initiés par les religieux des deux camps, tous très bêtes et très méchants… Si le roman n'est pas manichéen dans son opposition entre tradition et modernité, il l'est assurément dans celle qu'il établit entre les croyants et les autres. Pourtant, le héros ne m'a guère paru plus attachant que ses ennemis, et ce dès sa prise de parole méprisante dans le premier chapitre. Il y a de quoi devenir misanthrope.

De fait, les animaux m'ont paru plus sympathiques, entre les ours débonnaires et les serpents insouciants (deux espèces douées de conscience et de parole dans cet univers). On trouve sur ces derniers quelques paragraphes inspirés et imagés : les récits sur leur hibernation, leurs histoires de mues… J'aurais aimé que l'auteur nous en dise plus sur nos amis à langue fourchue, qu'il donne un peu plus de sens aux pouvoirs de leur langue. Mais ce ne sera pas avant la prochaine mue de ce livre.
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En voilà un livre qui a du souffle !
Cette fable qui raconte le choc entre traditions ancestrales et modernité, réussit le tour de force de conjuguer un style vif et inventif avec une histoire pleine de.rebondissements et d'inventions farfelues.
Ce livre est une perle rare, un objet littéraire unique, impossible à résumer.
On y rencontre une Salamandre, des loups, des serpents, des ours avides de rencontres amoureuses, des poux apprivoisés, des mages furieux, des traditionnalistes furibonds, des jeunes filles maigrelettes, des paysans pieux, et bien sûr, des personnages qui maîtrisent la langue des serpents, ce langage séculaire qui permet de communiquer et de commander à une majorité d'animaux de la forêt.

"L'homme qui savait la langue des serpents" est une fable drôle, revêche, tendre, cruelle, incroyablement imaginative. Le livre vous emporte, vous avale.

On y assiste, éberlué, amusé, fasciné, à la disparition de l'ancien monde de la forêt Estonienne, un monde d'équilibre et d'harmonie entre hommes et nature, et laisser place à celui de nouvelles croyances, de nouveaux rites.
L'auteur raconte en toile de fond comment l'Estonie s'est peu à peu transformée sous l'influence de l'Allemagne, comment les croyances païennes se sont effilochées face à l'expansion du christianisme.
Mais la liberté de ton, la fulgurance du style, le rythme dicté par de savoureux dialogues, le parfum de douce folie qui émane de ses pages, couvrent l'histoire d'un vernis de merveilleux.

Merveilleux, c'est bien le mot qui me reste en tête après avoir achevé la lecture de ce roman unique, vibrant.

À noter que chaque roman d'Andrus kivirähk explore un sujet et un style d'écriture distincts, ce qui rend d'autant plus intéressante l'exploration de son talent et de son œuvre.
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Andrus Kivirähk, né en 1970 à Tallinn en Estonie, est un romancier, nouvelliste et auteur de livres pour enfants, chroniqueur, dramaturge et scénariste. Kivirähk commence à écrire pour les journaux à l'âge de 15 ans avant de devenir journaliste professionnel. Ecrivain très prolifique et novateur, il est considéré comme l'un des plus fascinants jeunes écrivains estoniens. L'Homme qui savait la langue des serpents est paru en 2013.
Au Moyen Âge, dans une Estonie imaginaire. Leemet, le narrateur, est un jeune garçon qui vit avec sa famille et les gens de sa tribu dans la forêt. Leur caractéristique principale est de parler la langue des serpents, un pouvoir qui permet de communiquer et surtout de se faire obéir de tous les animaux. C'est bien pratique quand on va à la chasse ! Cet Eden devient menacé quand la région est envahie par des chevaliers Teutons et christianisés. Dès lors, soit on va vivre au village, travailler la terre et manger du pain, soit on reste dans la forêt à glander et manger de la viande.
Voici très rapidement résumé la base de départ de ce roman qui s'étend sur toute la durée de la vie de Leemet et qui recèle d'innombrables épisodes abracadabrants. Abracadabrants mais qui s'expliquent très bien car il s'agit d'un conte inspiré des légendes nordiques, avec sorcellerie et magie, d'où ces situations improbables mais particulièrement réjouissantes que je vous laisse découvrir. Mais ce n'est pas tout ! S'il n'y avait que cela, ce serait seulement un bon roman.
Le livre a en fait trois niveaux de lectures : le conte, nous venons d'en parler, il est riche en péripéties et rebondissements drôles ou non, c'est un régal de lecture. La seconde couche, c'est la métaphore, ou l'allégorie qui permet à l'écrivain d'opposer deux visions du monde, les anciens qui veulent conserver leurs traditions et mode de vie ancestral dans la forêt et les modernes qui vivent au village, travaillent la terre, sont mieux habillés et tournés vers l'avenir. Enfin, le troisième niveau qui pourrait être que les anciens sont des résistants et les modernes des soumis aux envahisseurs teutons… et là nous sommes dans le pamphlet politique, un niveau qui m'est passé, en partie, au-dessus de la tête – mais heureusement révélé par la postface très éclairante du traducteur – se référant à l'histoire de l'Estonie que j'avoue ne pas bien connaître, ce qui donne toute sa saveur à cette « langue des serpents » masque derrière lequel se cache en vérité l'estonien, langage identitaire du pays en lutte avec les russophones.
Un roman particulièrement riche comme vous le voyez, dont on pourrait parler pendant des heures ! Pour faire court, ne perdez pas votre temps à me lire mais foncez directement sur ce livre, vous allez vous régaler car même si vous vous contentez du premier niveau de lecture, il est réellement épatant, plein de trouvailles et surprises avec de l'amour, des haines, des bagarres et des morts, des voyages, des personnages mémorables, des réflexions philosophiques, des trucs et des machins…. C'est écrit très simplement et le ton général ne manque pas d'humour. En plus vous pourrez frimer auprès de vos connaissances en déclarant lire un écrivain estonien… !
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Je n'ai jamais lu un livre aussi riche, aussi dense, aussi triste, aussi gai, aussi émouvant, aussi dur et aussi cruel. Inclassable.

L'histoire d'un homme qui parle aux serpents, un conte merveilleux, entouré de personnages lumineux et sombres à la fois, dans des paysages étranges, villages, plaines, forêts, peuplés de drôles de choses, rappelant la dureté des contes scandinaves, les thèmes de la solitude, de la solidarité, de l'amour filiale, de la famille, de la nature, sur la vie tout simplement. Une fois terminé le livre, et on voudrait qu'il ne se termine jamais, on sort d'un rêve cotonneux, avec la sensation d'avoir lu une perle rare qui nous a promené dans un monde parallèle plein d'ambiguïtés et de drôles de combats pour survivre.
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Ce livre retrace la vie d'un estonien vivant dans la forêt.
Il est spectateur et parfois acteur du choc entre les anciennes traditions de la forêt et le modernisme engendré par l'arrivée de la civilisation germanique et du christianisme.
L'histoire nous est contée de manière poétique voire un peu farfelue avec un peu d'humour noir et des expressions crues.
Pour ceux qui connaissent, j'avais l'impression de me balader dans le monde de Zelda où Link rencontre des personnages atypiques au cours de son aventure...
Les chapitres s'enchainent très vite, on est immergé dans la forêt et on se régale à lire les réflexions que le héros se fait au sujet des évènements dont il est témoin.
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L'Homme qui savait la langue des serpents est un roman surprenant, et ma première incursion dans la littérature estonienne. On y suit Leemet, un habitant de la forêt et dernier locuteur de la langue des serpents, langue qui permet aux humain·es d'échanger avec n'importe quel animal. Dès son jeune âge, Leemet voit d'un mauvais oeil ses contemporain·es quitter la forêt au profit des villages où iels s'en vont cultiver la terre et adorer un nouveau dieu. Mais loin de glorifier la vie dans la forêt, Leemet est aussi critique des pratiques de certains de ses comparses, qu'il n'hésite pas à tourner en ridicule.
C'est un roman qui m'a beaucoup plu pour son humour et son cynisme, mais aussi pour son inventivité. Entre des personnages humains truculents, on y rencontre des vipères royales, des amants-ours et des créatures légendaires qui m'ont donné envie d'en découvrir plus sur le folklore estonien. La lecture de la note du traducteur est également très éclairante sur les intentions et la portée du roman.
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Un roman hors des cases, aux images qui marquent : la langue des serpents, maîtrisée par des hommes et femmes des forêts et qui peut assujettir presque tous les animaux, les élevages de louves dont on boit le lait, la mère qui étouffe ses enfants sous une montagne de viande grillée, la lubricité des ours, le pou à la taille de chèvre, le sac à vents, et tellement d'autres trésors d'imagination font que L'Homme qui savait la langue des serpent nous emmène dans un univers très peu familier, un peu loufoque, poisseux et cruel.

Toute cette magie que l'on trouve au creux de la forêt estonienne est pourtant peu à peu délaissée par ses habitants qui, dans ce roman prenant place dans une époque médiévale, préfèrent se tourner vers la modernité offerte par des puissances étrangères. Que voulez-vous, la faux, le pain, Jésus, les chants des moines sont à la mode, et la langue des serpents disparaît en même temps que les habitants de la forêt rejoignent les villages. Alors, le récit fantastique rejoint la réflexion philosophique sur modernité, la différence, la bêtise des croyances sans fondement (qu'elles soient païennes ou chrétiennes) et des revendications nationalistes (merci à la postface pour son éclairage supplémentaire à ce sujet !). le tout en fait un roman aussi absurde que caustique, plein de complexité et de finesse.

(Ce qu'on pourra moins aimer : personnages féminins pas dingues, rythme irrégulier. Il faut accepter de se perde un peu en chemin et de vivre quelques retournements de situation abrupts).
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