S'étant embarqué dans la perspective excitante d'une glorieuse campagne de chasse au cachalot, et déçu d'apprendre que le capitaine de son navire s'est rabattu sur une vulgaire chasse à la baleine commune, le narrateur, décide de déserter en plein Pacifique Sud. Au large de
Mardi, une contrée constituée d'archipels, il sauve d'un destin funeste Yillah, une apparition splendide et éphémère, telle l'aurore aux doigts de rose, tuant du même coup le prêtre qui voulait la sacrifier pour quelque divinité devant toute la tribu de ses enfants rassemblée. Finalement rendu à
Mardi, notre héros, pour se gagner les bonnes grâces des autochtones se fait passer pour un Taji, une manière de demi-dieux, et se voit fort civilement accordé l'hospitalité par Media, souverain d'Odo, qui lui propose de lui prêter son concourt pour retrouver la belle disparue. Mais le roi ne part jamais sans sa cour et l'équipage s'accroît de trois sommités : Mohi ou Barbe Tressée, éminent historiographe, Babbalanja, savant philosophe et Yoomi juvénile ménestrel. Ainsi débute la poursuite d'un rêve qui sera l'occasion de la découverte des nombreuses îles des états de
Mardi, l'équipage étant lui-même l'objet du pourchas de deux embarcations, l'une furtive, Némésis du narrateur, occupée par trois des fils du sacrificateur sacrifié, l'autre par trois nymphes, envoyées fleuries en commandite par une reine qui s'est amourachée de l'aventurier.
Comme il appert par le présent résumé et comme il est déclaré en creux par l'auteur lui-même
Mardi et une oeuvre "effrénée, en désordre, sans suite, tout en épisodes". Plus loin l'adresse est des plus explicite : " Donc, si après mille efforts pénibles, le lecteur décrète qu'on n'a pas atteint le port, cependant il vaut mieux sombrer dans les profondeurs en cherchant avec ardeur, que flotter sur un banc de sable". Et effectivement,
Mardi fut un échec total pour l'auteur, le lectorat étant déçu de ne pas y retrouver un récit du genre autobiographique, d'aventures exotiques de marin. Pesamment allégorique,
Mardi apparaît comme une juxtaposition assez factice d'épisodes d'intérêts et de valeurs fort disparates. Des épisodes sans relief de découverte d'îles, alternent avec de véritable morceaux de bravoure laissant libre court aux envolées lyriques, de rares passages délicatement relevés d'une ironie légère contrebalancent d'autres chapitres aux considérations philosophiques sans grande originalité. Péchant singulièrement pas son manque d'unité,
Mardi est de ces livres dont on peut avec profit lire sans suite quelques morceaux choisis.