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EAN : 9782283018897
624 pages
Buchet-Chastel (05/02/2004)
4.61/5   9 notes
Résumé :
Lycéen à Varsovie dans les années 60 et 70, Antoni Libera se souvient de cette époque charnière de sa vie et de son parcours d'intellectuel et d'écrivain ; de son parcours d'homme aussi, tout simplement, les premiers émois du désir lui venant par une très belle, froide et étrange professeur de français. L'attirance pour la langue et la culture françaises est la condition et le résultat de cet amour impossible. Car la grande classe et froideur glaçante de Madame le p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Du narrateur, peu de choses sont dévoilées, la plupart des informations le concernant sont passées sous silence, tout juste sait-on que cela se passe en 1966. Et son nom n'est par ailleurs jamais divulgué. Il semble évident que le romancier choisit ainsi de se focaliser sur l'intériorité du jeune garçon sans laisser son récit être surchargé par des détails qui ne revêtent, au fond, pas tellement d'importance, et sur celle qui est véritablement au centre du roman, Madame. Ce que l'on sait, en revanche, c'est qu'il est le témoin privilégié de cette période post-stalinienne, spectateur de cette nostalgie du dictateur, mélancolie oppressante et paralysante, qui pèse sur les esprits résignés de tout un chacun.

Ce héros sans nom, ce garçon effronté toujours à la limite de l'impertinence est un touche à tout, un artiste aux talents multiples qui a besoin d'explorer toute forme d'art, c'est un jeune homme doué, intelligent, impétueux, au caractère explosif, qui détonne au sein de la grisaille et de la morosité ambiantes de Varsovie. Personnage pétillant qui transmet toute sa couleur et sa vivacité au récit. Il est aussi le meilleur exemple de cette nouvelle génération, éblouie par les lumières de l'ouest, ces États-Unis, où la vie grouille au rythme du swing des jazzmen et de leur musique entraînante, vive et puissante, cette Angleterre, qui chante et danse au son du rock des Beatles, cette France, en somme, tous ceux qui portent les espoirs d'une liberté totale, d'une existence meilleure.


Ce jeune homme porte un regard d'une lucidité et d'une justesse incroyables sur l'époque qui est la sienne et dont il se sent en décalage, ceci expliquant son attirance pour sa professeur de français. Cette femme, de presque trente-deux ans détonne dans ce lycée dont l'atmosphère étouffe sous le poids des souvenirs, des disparus, d'une époque définitivement enterrée, mais dont subsistent encore quelques fantômes. Une franco-polonaise dont la maturité exerce un puissant pouvoir d'attraction sur lui. Au-delà de son apparence de femme apprêtée, autoritaire, et son air impénétrable, de ce charme insaisissable, qui rend son personnage encore plus mystérieux que lui, il me semble que c'est aussi ce pouvoir, cette liberté unique dont elle dispose, celle de circuler librement, de posséder cette double culture qui la rend hors-du-commun.

le ton est tour à tour grave, piquant, parfois railleur, il est celui d'un lycéen qui dans la folie frénétique de sa jeunesse n'hésite pas à enfreindre les règles, les codes implicites, à pousser les individus qu'il côtoie dans leurs retranchements, par son audace, sa sagacité et son esprit. Cette légèreté, qui assouplit un peu la formalité de l'écriture, m'a beaucoup plu. En parlant de limites justement, notre héros prend plaisir à les bousculer, dans des élans de provocation qu'il n'essaie même pas de canaliser, trop heureux de mettre en colère ses professeurs, comme s'il essayait de les sortir de leur torpeur, de redonner un peu de vie à ce qui l'entoure.


Quant à Madame, jeune femme élégante, intelligente, elle fait figure d'exception dans cet univers grisâtre. Plus que sa beauté, elle est surtout le symbole de cet exotisme, que représente la France et sa langue, cet ailleurs, qui attire tant le jeune garçon. Elle est l'objet d'ailleurs de l'attention de tous les lycéens, mise sur un piédestal. D'autant plus admirée, crainte, qu'elle représente cette modernité qui leur fait défaut et en fin de compte, qui pose un contraste d'autant plus étonnant dans cette société tout sauf moderne, qui s'est laissée rattrapée et dépassée par le temps.

Pour le jeune homme, Madame ne se réduit pas à cette simple image, le jeune mythifie la professeur de française inaccessible qu'elle est, et qu'elle restera, pour lui. À travers la révélation et l'appréhension progressives de l'identité de sa professeur, c'est finalement le jeune homme qui finit par se trouver lui-même.


en prenant un peu de hauteur, je ne pense pas qu'il faille le considérer uniquement sous la perspective du garçon amoureux, mais un garçon fasciné par tout ce qu'elle représente, par cette Europe de l'Ouest à la fois proche mais si éloignée, par son indépendance. D'une liberté de vie, elle a la possibilité d'aller en France quand elle le souhaite, projet inaccessible au commun des Polonais, de jouir totalement de son célibat sans ressentir la moindre contrainte pour épouser le premier venu.

Vous l'aurez compris, il y a des choses qui m'ont un peu déconcertées dans ce roman, des éléments qui ont un peu tempéré mon enthousiasme d'après-lecture. Voyons le bon côté des choses, ce roman possède de réelles qualités, celle de nous présenter un personnage plutôt bien élaboré, qui évolue aussi bien sur le registre de la sobriété que de la facétie selon la situation, symbole du renouveau souhaité et nécessaire, d'un monde polonais renfermé mais peut-être sur la longue route du changement. Roman au style irréprochable, agréable à lire, qui donne beaucoup de relief au récit même si celui-ci s'égard ou tourne en rond parfois. Avec en prime, une fin plutôt plaisante, où l'auteur ne cède pas à la facilité, avec une Madame, qui se révèle sous un autre jour, totalement inattendu.
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Difficile à résumer ce roman, qui semble être une sorte de chronique, de souvenirs de l'auteur, tout au moins à première vue. le narrateur est un un lycéen, qui tente de trouver un sens aux choses, de se donner des objectifs, de se construire en tant que personne. Nous sommes en Pologne dans les années 60 et le poids du régime communiste pèse sur les individus, y compris dans les choix qui paraissent les plus personnels. Alors notre jeune héros se lance dans diverses activités, un quartet de jazz, une troupe théâtrale, avant de réaliser que ses tentatives sont sabotées, ou pire récupérées par les gens qui représentent le système, et en premier lieu par les instances du lycée. Car tout le monde le sait, pour diriger un lycée, il faut appartenir au parti communiste.

Il renonce à toutes ses velléités d'activités, et du coup il regarde d'une façon plus attentive autour de lui, et se sent intrigué puis fasciné par la nouvelle directrice et en même temps professeur de français. Cet intérêt va devenir une véritable obsession, il va se livrer à une enquête approfondie, et apprendra son histoire compliquée.

Le charme subtil de ce livre tient en grande partie à l'écriture, fine, à chaque instant pleine d'une discrète ironie, en premier lieu vis à vis du jeune héros, qui semble si proche de l'auteur. Une sorte de regard légèrement décalé, plein de sympathie, mais en même temps d'un petit esprit critique, qui n'a rien de moralisateur. C'est par moments drôle, par moments un peu surréaliste, le narrateur, comme aucune de personnes qu'il rencontre ne s'apitoie jamais sur lui-même, alors que certaines situations personnelles sont tragiques ou révoltantes. L'auto-dérision est une sorte de défense.

Un excellent roman.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Dans ce menu relativement frugal, la place de choix revenait à notre directrice ou, pour être plus exact, pas tant à la directrice elle-même qu’à un enchevêtrement complexe de suppositions et de cancans dont elle était la source inépuisable.

Cette directrice avait surgi dans notre monde relativement tard – j’étais alors en fin de deuxième année de lycée. Elle était professeur de français. C’était une femme d’une trentaine d’années, au physique avantageux, qui tranchait sensiblement sur les autres enseignements – ennuyeux et aigris, ternes et insipides, dans le meilleur des cas. Tirée à quatre épingles et soigneusement maquillée, elle portait exclusivement des vêtements venant de l’Ouest (ça se voyait au premier coup d’œil). Les senteurs enivrantes de parfums français de grandes marques flottaient toujours autour d’elle. Sur ses jolies mains soignées, elle arborait des bagues et des bracelets de bon goût. Ses cheveux châtains, lisses et soyeux, coupés court et toujours bien coiffés, mettaient en valeur son cou long et gracieux. Elle avait un port de reine et des manières irréprochables. Mais, à côté de cela, une froideur glaciale émanait d’elle.

Belle et impassible, superbe et inaccessible, fière et impitoyable – telle était notre directrice. La vraie Reine des Neiges.

Elle avait introduit d’emblée une certaine effervescence au lycée, et cela pour plusieurs raisons. Déjà, sa façon d’être et son physique n’étaient pas sans effet. Les enseignants en poste depuis longtemps dans notre établissement la considéraient avec méfiance et la craignaient un peu, alors que ceux qui étaient plus jeunes soit la jalousaient – pour sa beauté, ses habits, sa position hiérarchique -, soit cherchaient à entrer dans ses bonnes grâces.
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