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Laure Hinckel (Traducteur)
EAN : 9782360841240
100 pages
Inculte éditions (15/09/2021)
3.85/5   13 notes
Résumé :
Sur les routes d’Espagne et du Portugal, un poète roumain roule à bord d’une voiture volée et cherche un sens à sa vie, ballotté entre deux obsessions, l’une pour les grands écrivains suicidés, l’autre pour une femme, la mystérieuse Iris, dans l’espoir d’arriver à écrire en une nuit le livre ultime.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Poète roumain auto-exilé, l'auteur affirme haut et fort : « Mon intention d'écrire un livre en une nuit doit être prise comme une intention de me suicider ». En s'empoisonnant littéralement avec du café et des cigarettes, il écrit sur ses chers suicidés de la littérature, ou des arts en général, de sorte qu'en sept chapitres alertes, ce livre, qui paraissait impossible à s'écrire au départ, s'achève finalement, par la phrase, ô combien symbolique : « Commençons par boire un café ».
J'ai beaucoup aimé le personnage surnommé « l'enfant naum » (comme Gellu Naum).
Une très bonne traduction du roumain, d'un livre court, pour une fois, et dont l'érudition reste contenue, humble et sensiblement admirable. Un éloge à la force de la littérature qui « jamais ne flétrit ».
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Pour une maison d'édition qui se nomme Inculte, nous voilà avec un roman très riche en références littéraires, un narrateur pétri jusqu'aux oreilles des vies des auteurs qu'il a lus et relus, qui l'ont marqué et qui continuent de le poursuivre, tout fantômes qu'ils sont. Marin Mălaicu-Hondrari signe là un roman à vif, digne de quelques auteurs américains un peu borderline, à la Bukowski : son narrateur jonglant constamment entre les frontières, du légal et de l'illégal, de la vie et la mort, du trop ou de l'insuffisant, de l'excès – d'où lui vient cette envie urgente d'écrire un livre en une nuit – ou de l'absence, en marge de la société, stagnant dans une caravane bringuebalante. C'est un récit sur l'impuissance d'écrire, celui d'un road-trip pour tenter d'en venir à bout, alors que l'intention d'écrire un livre sur les suicidés bouillonne, là, en lui, alors qu'il ne cesse de pourchasser pour la dompter.


Le roman est court, même pas cent pages pour sept chapitres, pourtant, il est intense, il est touffu, il est dru et il est encombré de personnalités toutes plus prestigieuses les unes que les autres. Antonin Artaud, Virginia Woolf, Fernando Pessoa, Enrique Vila-Matas. Ce narrateur anonymisé et enfermé dans une solitude apparente est pourtant tout sauf seul : il est entouré de ses névroses, cette tentation de mettre fin à sa vie qui le démange, et de cette fascination pour les suicidés de la littérature. Accompagné de ces mêmes désespérés, accompagné d'Iris, soit à distance alors qu'elle est restée dans leur Roumanie natale, soit à ses côtés, dans ce Portugal échauffé, accompagné de sa Lexus, compagne d' errance, accompagné de ses amis, Rafael et Maria-Eugenia, accompagné de la dizaine de chiens de cette dernière. Toujours dans l'excès, ou le dénuement, pas de moyen terme.

Et derrière tout cela, tout ce petit monde d'excès, de pierres qui tirent par le fond, de cordes qui tirent par le bas, de poisons qui flinguent l'estomac, de foies cirrhosés, de flingues qui trouent la peau, il est à la recherche de ses intentions. Mais lesquelles, celles de la littérature, celle de la lecture sont là, quand bien même le verbe est pauvrement latinisé. Avant, c'est l'intention de l'écriture, l'intention de survivre, peut-être bien. D'écrire sur ceux qui n'ont pas survécu. Toujours sur le fil du rasoir, écrire ou vivre : écrire ce livre qui lui échappe, qui ironiquement a pris vie, dont il est à la poursuite, et qu'il écrit même dans les lignes de ce récit que nous lisons. Musée ou encyclopédie des suicides, c'est la foire à la mort, la fête au dépressif. Exit tout bon sentiment, jovialité, rire gras d'amitié, ce sont les atermoiements éternels, les ruminations sempiternelles, de la caravane au refuge de Cordoue. de Heinrich von Kleist à Kostas Karyotakis, morts d'une balle dans la poitrine, l'un et l'autre, la boucle est bouclée, voilà un texte qui ressemble à un véritable circuit touristique, une visite de ce monde merveilleux des femmes et hommes de lettre suicidés. le narrateur ne fait pas la fine bouche, il accepte tout, il apprécie tout.

Si parler de mort et de suicidés à longueur de pages peut paraître un brin morbide, ça ne l'est pourtant pas. La poésie du texte prend le pas sur le reste, la mort elle-même devient un motif récurrent, sublimé presque par le fait de devenir sujet d'un livre à venir, qui couve dans l'esprit du narrateur. La narration de Marin Mălaicu-Hondrari suggère cette tentation de la mort, réifie la tentation de l'écriture, elle prend consistance et forme. À chaque fois qu'il semble réussir à écrire, à recouvrer la possibilité d'écrire, celle-ci lui échappe des mains. Il poursuit alors cette urgence d'écrire, à travers l'Espagne et le Portugal. Marin Mălaicu-Hondrari est également poète et traducteur, il exerce ici son art de manier le mot, modeler la langue à l'envie, avec beaucoup de talent. Et pour reprendre la métaphore boulangère, il ne cesse de façonner son pain : s'il y a bien une fois où l'on peut dire que l'on savoure une oeuvre, phrase par phrase, image par image, c'est bien dans ce roman, traversé par l'aura de ses immenses figures littéraires. Chaque phrase a été aiguisée et polie, chaque mot a sa place, sa fonction. Rien d'inutile, de superflu. Au-delà de l'aspect poétique, où la sonorité de la langue s'allie avec sa vigueur, on peut d'ailleurs louer à cet effet le remarquable travail de traduction de Laure Hinckel, l'intensité de la langue de Marin Mălaicu-Hondrari est évidente : si l'esprit créateur du narrateur détone d'idées, si celles-ci s'envolent en une nuée d'éclats, les images qui s'imposent aux yeux du lecteur sont tout aussi foudroyantes, soudaines et puissantes, l'une balayant l'autre. Son écriture a incontestablement cet effet pyrotechnique qu'il évoque.

Que l'on apprécie, ou non, ce titre, et je comprends qu'une narration sans vraiment de noeud narratif très marqué puisse déconcerter, il faut tout de même souligner cette langue incroyable, qui sublime cette épopée cahotante à travers les affres de l'impossibilité d'écrire. On peut aussi se réjouir à la lecture des divers auteures et auteurs qui accompagnent le narrateur jusqu'au moment final, lequel, clôt comme il se doit ce récit étourdissant.


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Le suicide, la littérature : mouvements de vie ; du café et des clopes, du rêve et de l'errance : les intentions et leur l'écriture. Road-trip existentiel, ode au pouvoir de la littérature, aux fantômes qui nous constitue, réflexions sur la dernière extrémité du suicide, le livres de toutes les intentions offre tout ceci au rythme d'une prose rieuse, érudite, dépouillée jusque dans cette vérité trouvée dans les accommodements de la fiction. Marin Malaicu-Hondrari ou la traversée, par appropriation, du mythe de l'écrivain, entre fantôme et fantasme, une brillante réinvent
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
En 1923, à 20 ans, Sadegh Hedayat écrit un essai sur le poète iranien. Douze ans plus tard, il en écrit un autre. Il perçoit la souffrance difficile à exprimer qui le relie au poète. Une douleur tenue à distance à coup d’écriture, d’opium et de vin. Au point que les ressemblances avec Fernando Pessoa s’effacent. Sadegh Hedayat est un autre des suicidés qui me sont chers. Déraciné, il erre entre la France, la Belgique, l’Ouzbékistan. Il retourne à Téhéran, part en Inde où il publie le roman qui fera de lui le plus grand écrivain iranien du XXe siècle : La Chouette aveugle. Un livre hallucinant, grâce auquel il prend une place définitive aux côtés de ceux qu’il aimait : Maupassant, E. A. Poe, Sartre, Kafka, Rainer Maria Rilke. Fasciné par Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, il en écrit en 1927 un commentaire intitulé Marg (« Mort »). La même année, il se jette dans les eaux de la Marne mais, je le répète, il n’est pas si simple de te débarrasser de ce corps qui se paie déjà tout le dur boulot.
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Quand je fermais l’eau, j’entendais les voix dans l’oliveraie. On y parlait roumain, ukrainien, polonais, espagnol avec l’accent équatorien ou colombien, je n’étais pas sûr, de toute façon j’étais convaincu que c’étaient des immigrés, la plupart illégaux, comme moi. Moi aussi j’avais fait toutes sortes de boulots au noir, j’avais ramassé des olives, cueilli du raisin, des oranges, j’avais lavé des voitures, j’avais été chauffeur particulier et surtout gardien, j’avais fait de tout, mais cela ne me rendait pas solidaire de ceux qui à leur tour faisaient de tout. J’étais écrivain et cela ne me sortait jamais de la tête.
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Je me rends compte qu’on peut écrire infiniment, qu’on écrira infiniment, qu’aucun livre n’aura le pouvoir de flétrir la littérature.
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J’avais quitté la Roumanie comme un homme quitte une femme, en vitesse et sans trop savoir pourquoi. Je m’étais auto-exilé. Je pensais au Groenland, à six mois de nuit. Je pensais que je conduirais jusqu’au Groenland. Je pensais que tout ce que j’avais fait jusque-là, c’était regarder à travers des jumelles que j’avais difficilement adaptées à ma vue. Le problème reste que celui qui voudra voir clair, après moi, à travers les mêmes jumelles, devra les régler à son tour.
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Elle tenait sous le bras un exemplaire des Cuentos de amor de locura y de muerte. En voilà un titre fascinant, d’autant plus qu’il a été publié en 1917 sans signes de ponctuation. Une façon de signaler que tout est lié : amour folie mort, pas de virgule, pas de pause. Ce titre continue de me fasciner, et quand Iris m’a prêté le livre, j’ai été conquis sur-le-champ. La vie d’Horacio Quiroga n’est pas vraiment celle de tout écrivain.
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