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EAN : 9782916488301
253 pages
Editions La Louve (16/06/2009)
4.21/5   26 notes
Résumé :
A l'aube du XIIe siècle, trois moines sont envoyés à la recherche d'une relique qui pourrait épargner la ruine à leur abbaye. Et si le but de leur voyage est fort loin, les ennuis, eux, vont commencer très vite. Un prieur inflexible et caractériel, une nuit de beuverie épique, un herboriste furieux et maître ès hypocrisie, des ossements baladeurs et capricieux, des soudards impossibles, des bandits pitoyables, un chien de garde à l'humeur dévoreuse, une beauté tenta... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Roman en trois tomes de Jean-Louis Marteil.

La relique - An de grâce 1130, une communauté de frères bénédictins dans la province de Rouergue. Trop souvent rançonnée par les pillards de passage, ses coffres sont vides. Pour renflouer les caisses, une seule solution: compter sur la dévotion généreuse des chrétiens en pèlerinage. Mais pour que pèlerinage il y est, il faut une relique, faiseuse de miracle autant que possible. Puisqu'il est impossible d'en acquérir une à prix d'or, il faut se résoudre au vol et dépouiller une autre abbaye de son précieux et saint trésor. Pour mener à bien cette scandaleuse mission, le père abbé envoie les frères Abdon, Jérôme et Bernard, trois hommes qui font bien souvent trembler les murs de l'abbaye et qui mettent à mal le silence et le recueillement qui seraient de mise selon la Règle de saint Benoît. le gros moine Abdon, le maigre Jérôme et le niais et gourmand Bernard prennent la route de Tarragone, en Hispanie, pour dérober une relique de saint Vincent. le chemin sera long et pénible pour ces hommes si différents. L'inimitié qui les rassemble n'est qu'une des épreuves qu'ils traverseront avant leur retour à l'abbaye: la faim, la nature hostile, les rencontres de mauvais aloi et les nombreux manquements à la Règle composent une aventure loufoque et hilarante à la rencontre d'un Moyen-Âge savoureux et haut en couleurs.


Comment ne pas apprécier une telle incursion historique dans une période si foisonnante et propice aux récits? La langue de l'auteur est savoureuse, sa capacité à convoquer devant nos yeux des images vivantes est époustouflante. Les couleurs et les odeurs nous parviennent du Moyen-Âge, nullement affadies par leur voyage temporel. Les situations les plus scabreuses et les plus triviales se jouent sous nos yeux et c'est avec hilarité qu'il convient d'y assister. de crotte et de puanteur, voilà le lecteur largement dôté pour entrer d'un pied gaillard dans le récit picaresque de trois moines bien plus humains que saints. Attention, les mots sonnent haut et clair, sans pudeur inutile et mesquine. Cul-serrés et trouillards s'abstenir! "Réjouissez-vous, mes frères: maintenant, les véritables ennuis vont pouvoir commencer." (p. 83)

Loin des horreurs sanglantes qu'on a à tort l'habitude de prêter au Moyen-Âge, le lecteur se retrouve dans un monde de drôlerie et d'humanisme, le plus drôle n'étant-il pas d'attaquer l'homme là où est le plus humain? Une malédiction particulière obscurcit régulièrement les jours et les murs de l'abbaye. Les pigeons, "entêtés enfienteurs de toitures et canalisations" (p. 23) obsède le père abbé qui ne sait comment se débarasser de ce fléau nullement cité au nombre des plaies divines, mais qui mériterait d'y figurer en bonne place. Un autre fléau est le vin pur, non coupé d'eau, qui entraîne les moines habitués à davantage de tempérance dans les méandres de ses visions chimériques et de ses nausées.

Outre la nature éminemment comique du texte, il faut remarquer la qualité des propos historiques. La bouffonnerie ne damne pas le pion à la précision des descriptions architecturales. Des voûtes romanes, chapiteaux et colonnes des abbayes et cathédrales en passant par les hautes murailles des cités fortifiées, l'auteur maîtrise son sujet et dépeint les lieux de façon précise et éclairée, sans faire subir au lecteur des leçons fastidieuses qui n'auraient pas leur place dans ces pages. Les dangers qui menaçaient les hommes de l'époque sont évoquées sans pathos. Qu'il parle des pillards des forêts françaises ou des Sarrasins de la péninsule ibérique, Jean-Louis Marteil sait faire revivre les portagonistes qui ont fait L Histoire.

L'ouvrage est un précis sur la vie monacale et les activités d'un cloître. L'art de l'enluminure, pratiqué dans le scriptorium, rappelle que les abbayes étaient des réservoirs de sagesse où évoluait une élite intellectuelle, hélas, coupée du monde. Les offices qui rythment la vie des moines sont habilement utilisés par l'auteur pour situer l'action dans la journée. le Chapitre des coulpes, très strict selon la Règle de saint Benoît, est matière à bien des situations comiques largement développées par l'auteur.

Le vol de reliques, autrement appelé déplacement de reliques ou encore Translation, était chose courante à l'époque médiévale. Les voleurs s'arrangent avec leur conscience. "C'est la coutume des Translations. [...] Je demande au saint s'il veut me suivre et, s'il est d'accord, il ne fait rien pour m'empêcher de l'emmener. [...] C'est ainsi qu'il se pratique depuis toujours. [...] Puisqu'en principe le saint est d'accord." (p. 95 et 96) Quand le silence d'un saint a valeur d'approbation voire de bénédiction, on peut justifier beaucoup de forfaits après de ferventes oraisons! Nénamoins, il convient de se méfier des silences trop éloquents. "C'[est] bien toujours la même chose avec les saints, ou Dieu, ou la sainte Marie. Ils [laissent] les hommes se débrouiller avec leurs questions, quitte à les punir ensuite d'avoir choisi la plus mauvaise des deux réponses qu'ils n'avaient point données!" (p. 101)

Le récit est protéiforme: principalement picaresque, il se décline aussi sur le mode de la fable et de la satyre. Les épisodes qui mettent en scène la faune sont assez proches du Roman de Renart. Les bêtes et bestioles deviennent momentanément les protagonistes de minuscules historiettes dans lesquelles ils ont des comportements très humains qui ne sont pas sans rappeler les déboires et vices que rencontrent les principaux héros de l'histoire. Les réflexions des personnages, notamment celles de frère Jérôme, portent de sérieux coups de griffes à l'inébranlable monument qu'est la sainte Église. Dans cette époque de prétendu obscurantisme, les prélats s'accomodaient assez bien de faire passer des vessies pour des lanternes. Ou autrement dit: dans le cochon, tout est bon!

Jean-Louis Marteil excelle dans la peinture de caractères divers et colorés. le gros Abdon est un maladroit congénital qui échappe tout ce qui lui passe dans les mains quand il n'est pas occupé à bousculer et détruire une pièce d'ameublement. le costaud Bernard est le type même de la brute au grand coeur: lent d'esprit et toujours affamé, il dissimule des trésors de bonté derrière un masque d'apparente et d'insondable bêtise. Jérôme, sec et noueux comme un cep, est la tête pensante de cet improbable trio d'amis et il est pourvu d'une langue vive et mordante. Voici pour les héros de cette trilogie. Les autres frères de l'abbaye sont aussi dignes d'intéret. L'herboriste Anselme, chevalin d'apparence en raison d'une machoire et de dents proéminentes, est aussi fourbe que l'âne qui rue sans raison. le frère Thomas, cellérier de son état, succombe au péché d'avarice, rejoint en cela par l'hôtellier des lieux, le frère Antoine qui, faisant fi de toute charité chrétienne, n'offre le gîte et le couvert aux pèlerins que contre espèces sonnantes et trébuchantes. le borgne Gabriel, responsable de la relique et de sa surveillance, est plus atrabilaire qu'un ours dérangé en pleine hibernation. La palme revient probablement au père abbé, si influençable qu'on peut se demander si c'est bien lui qui tient les rênes de l'abbaye. Mais la trilogie médiévale de Jean-Louis Marteil a ceci de précieux qu'elle permet à tout lecteur de reprendre espoir en la nature humaine.

Dans cet univers de moines imparfaits, quid de la femme? La gueuse selon Jean-Louis Marteil a la langue agile en toutes choses et l'oeillade aussi dangereuse qu'une lame. Assailli d'appêtits aussi inassouvis qu'inavouables, le gros moine Abdon manque de bien peu de succomber aux charmes si facilement déployés de demoiselles qui n'ont de pucelles que l'apparence. le frère Jérôme, derrière un maintien rigide et austère, cache la marque d'une ancienne passion qui ne demande qu'un regard pour rallumer ses braises.

Que dire de plus pour convaincre tout un chacun de se procurer la trilogie de Jean-Louis Marteil? Peut-être que ses textes se lisent vite, trois jours (et nuits) pour moi, un régal renouvellé à chaque tome. Ou peut-être que c'est vraiment le genre de récit qui met le moral bien haut, au beau fixe. Les notes de bas de page de l'éditeur (qui est aussi l'auteur) sont remarquables d'impertinence et de finesse. Pour ceux qui partent en vacances, un conseil dont vous ferez ce qu'il vous plaira: glissez donc ces ouvrages entre la crème solaire et la pelle à sable du petit dernier. Et pour les moins heureux qui connaîtront les affres du travail en plein mois de juillet et août, une prescription: allez faire un tour au Moyen-Âge, dépaysement garanti!

Un grand merci à Jean-Louis Marteil, de la Louve Editions, qui m'a offert ces livres, avec lequel j'ai échangé quelques mails fort sympathiques et dont la dédicace m'a vraiment touchée.

Lien : http://lililectrice.canalblo..
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Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis dans mon élément avec ce genre de roman. Et c'est justement la raison pour laquelle j'en demande toujours plus à un livre faisant référence au Moyen Âge. Là, j'avoue être comblée car non seulement on voyage dans ma période de prédilection avec justesse et finesse, mais, cerise sur le gâteau, on s'attache très vite aux différents personnages.

J'ai une tendresse particulière pour Abdon, ce pauvre garçon maladroit qui a vu périr tout son village et qui fut recueilli par les moines. Sa gaucherie, ses maladresses le rendent attachant... mais ce n'est pas ce que pense L Abbé, excédé par le comportement de cette jeune recrue. Il essaie donc de l'écarter en l'envoyant chercher une relique... enfin... voler serait peut-être plus juste... qui pourrait ramener des pèlerins et remplir ainsi les caisses de l'abbaye qui restent désespérément vides. On en profite pour demander à Frère Bernard, gaffeur également, de l'accompagner. Pour les surveiller, leur est adjoint Frère Jérôme, plus intelligent, mais qui, personnellement a eu plutôt tendance à m'exaspérer pendant une bonne partie de l'histoire. Cependant, les bons côtés de la nature humaine reprenant vite leurs droits, on s'aperçoit que le respect d'autrui et l'Amitié avec un grand A sont les maîtres mots de cette aventure. Ils sont la force de nos trois personnages et, finalement, on peut se demander si cette quête de la relique n'est pas une quête de soi.

Ajoutons à ces personnages, à cette philosophie humaniste qui transparaît, le style de Jean-Louis Marteil: l'humour - mais un humour tout en finesse - ponctue le récit ce qui rend la lecture très agréable. La langue est riche, pour notre plus grand plaisir, sans pour autant être pédante.

Vous avez bien compris, je pense, que je me suis régalée à lire ce roman qui appartient à une trilogie. Je vais me jeter sans réserve sur la suite de cette aventure avec L'Os de Frère Jean et le Vol de l'aigle. Et pour rassurer ceux pour qui le Moyen âge apparaîtrait comme une période sombre et nébuleuse, je précise que ce livre peut être lu par tous. Je suis même persuadée qu'il aidera à défaire les préjugés - nombreux - et les réticences - non moins importantes - et qu'il vous engagera à lire la suite...
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Merci à La Louve-Editions qui, en partenariat avec le forum Nota Bene, a gracieusement permis à quelques uns de ses membres de découvrir cet ouvrage.

Cette "Relique" (en définitive si peu catholique ;o) ) fut pour moi une excellente surprise. Mélange de chronique médiévale et de roman picaresque, elle déroule, en un style allègre ponctué de quelques notes de gravité, les aventures de trois moines bénédictins engagés, sur les routes du XIIème siècle, en une quête drolatique mais non exempte de périls.

Après deux premiers chapitres qui, tout en présentant au lecteur le personnage central du livre, Abdon, lui rappellent aussi que le Bas Moyen-Age, surtout au sortir de l'an Mil, représentait une assez rude époque, l'histoire prend son rythme. Abdon, recueilli dans une abbaye alors qu'il n'était qu'un adolescent sans famille, est devenu moine. Probablement le moine le plus maladroit de tout le monastère - encore qu'il trouve un impressionnant rival en la personne de frère Bernard, un jeune et bon géant d'esprit très simple. En surpoids comme on dirait aujourd'hui, gourmand et attiré par d'autres plaisirs que, au fond de lui, il se sait incapable de goûter, Abdon n'en reste pas moins un homme bon et finalement bien plus malin que ne le fait apparaître un examen superficiel.

Exaspéré par les gaffes conjuguées d'Abdon et de Bernard, le prieur décide de les envoyer à la recherche d'une relique, laquelle pourrait, rapportée au monastère, assurer la fortune de celui-ci - et de ses membres. Tel est le prétexte officiel de leur départ, puisqu'il en faut bien un pour éloigner temporairement les deux moines et permettre à leurs frères de savourer ainsi quelques semaines, voire quelques mois de tranquillité. Pour plus de sûreté, l'homme de Dieu adjoint au duo frère Jérôme, un moine intelligent et responsable, et aussi maigre et osseux que les deux autres sont gras et fort. Puis il accorde sa bénédiction aux trois sacrifiés, leur assurant que, s'ils "translatent" l'os de Saint-Vincent du lointain couvent catalan qu'il leur a désigné au profit de la chapelle de leur propre monastère - dans le langage de l'époque, les vols de reliques d'un monastère à l'autre étaient chose assez courante mais les moines-cambrioleurs étaient censés avoir reçu, par la prière, l'accord préablable du saint avant que ne s'effectuât ce que l'on nommait, par pudeur, la "translation" de ses restes - Dieu, bien loin de les punir pour ce larcin sacrilège, leur assurera le Paradis.

Voilà donc nos trois moines s'acheminant sur les routes du sud de la France, droit vers l'Hispanie, et y accumulant les rencontres - surprenantes, inquiétantes, douteuses, bénéfiques. Aucun d'eux ne se doute que, dans leur dos, le prieur, qui tient tout de même à obtenir sa relique, vient de déléguer, dans le même but, deux autres de leurs frères, réputés pour leur part comme intelligents et particulièrement habiles ...

Je ne vous dirai pas comment tout cela se finit. Sachez seulement que, sur cette route parsemée de bien des chausse-trappes (je vous recommande la curieuse scène fantastique, dans le château aux choucas), Abdon, Jérôme et Bernard se lieront d'une amitié indéfectible et que leur créateur, Jean-Louis Marteil, nous invite à les retrouver dans les deux tomes complémentaires de sa trilogie médiévale, dès "L'Os de Frère Jean" que je m'en vais entamer de ce pas (ou presque) en espérant y trouver autant de joie et de malice que dans "La Relique." ;o)
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1130.
Trois moines.
En quête d'une Relique pour sauver leur abbaye de la ruine.
Durant ce long périple, ils rencontreront nombre d'épreuves qui questionneront leur foi et les rapprocheront plus que jamais.

Épique non ?
Maintenant prenez ce résumé, ajoutez la mention "roman picaresque" et vous obtiendrez "La Relique" de Jean-Louis Marteil !
Un petit coup de coeur terriblement touchant d'humanité !

Dès le début j'ai été happée par la plume de J.-L. Marteil. Un vrai travail de style très poétique auquel il faut s'habituer pour bien lire le roman.

Même si j'ai trouvé le début un peu rapide dans l'enchaînement des évènements, c'est rapidement contrebalancé par l'élément le plus important du roman : ses personnages.
J'ai beaucoup aimé les confrontations des caractères et ambitions (picaresque oblige) des trois moines ! Ils vont se détester, se soutenir, se jeter la pierre, se protéger, se désapprouver, et toutes leurs évolutions sont fluides et logiques. Tous leurs changements sont marqués, questionnés, font réagir les autres et eux-mêmes. Ils sont tous les trois humains et touchants. Ils délivrent une très jolie leçon d'amour et d'amitié.
Je. Les. Aime !

Mais il y a bien sûr d'autres éléments dans ce roman !
Les scènes d'actions (oui, c'est le bazar au point où il y en a xD) sont vraiment prenantes, vu la malchance de nos moines xD et marchent bien avec l'ensemble !
J'ai aussi beaucoup aimé toute la dimension économique autour des Reliques et l'importance qu'elles ont pour les abbayes. C'est intéressant de se concentrer sur ce qui fait la richesse de ces lieux un peu perdus dans la chrétienté.

Seule chose que j'ai un peu regrettée (ça arrive même aux meilleurs xD) c'est le manque d'indicateurs de temps. On ne se rend pas vraiment compte des mois de leur voyage.

Mais à part ça, c'est vraiment un super roman qui m'a fait rire et m'a beaucoup attendrie !
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Tout est lié! Après une journée du patrimoine vécue sous le signe des abbayes du 12ème siècle* (ou ce qu'il en reste), voici une série de romans pile poil dans cette période et dont les héros sont des moines (ainsi que manants, ribaudes, seigneurs, bourgeois et aubergistes).



Dans cette abbaye du Rouergue, le constat s'impose : elle est ruinée! Pour remettre les finances à flot, rien de tel qu'une relique de saint, avec moult guérisons de pèlerins en découlant et hostellerie pleine à craquer. Comment se procurer ladite relique? Eh bien, en la volant! Ou plutôt en utilisant une "translation" : demander au saint s'il est d'accord, qui ne dit mot consent, et repartir (discrètement) avec la relique.



Pour cette mission de tous les dangers (les possesseurs de reliques bienfaitrices en bon argent y tiennent, forcément), l'abbaye envoie en Hispanie un trio de bras cassés : Jérôme, maigre, ronchon, intelligent, accompagné d'Abdon, un gros colosse maladroit toujours affamé, et de Bernard, un grand gaillard naïf et demeuré qui ne comprend rien mais parle quand il ne le faudrait pas. "Tais-toi, Bernard!" revient comme un leitmotiv...



Ils reviendront à l'abbaye, après moult aventures amusantes, avec un os d'origine douteuse mais qui accomplira parfaitement son office de relique, et surtout, une forte amitié sera née entre les trois moines.



Comme les bonnes choses ne se terminent pas toujours, les trois compères reviennent dans deux volumes tout aussi rafraîchissants. Ils quitteront leur abbaye en proie à des jalousies et autres hypocrisies, et prendront la route de Compostelle en compagnie d'un âne caractériel.



Une trilogie que j'ai dévorée, tellement c'est plaisant! de l'humour souvent bon enfant, des réflexions plus sérieuses sur les rapports humains, ou entre Dieu et les hommes, quelques piques sur l'Eglise de l'époque, le tout sans temps morts, et une grande vérité historique. Jubilatoire!
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[...] ... Vexé, l'abbé redressa le buste. Ses yeux lancèrent des éclairs et le ton de sa voix se fit plus sec : "Fort bien ! Donc, une relique de saint ne se trouve point sous les sabots d'un cheval et nous n'avons aucun moyen d'en acheter ..."

A mesure que l'abbé parlait, les yeux du vieux moine [frère Thomas] se plissaient davantage et ses traits exprimaient la plus vive satisfaction.

- "Certes," reprit Thomas après un instant, "on n'en trouve plus qui soient ... librement à disposition ..." Il parut hésiter et regarda ses pieds. Enfin, il leva les yeux vers l'abbé et eut un petit sourire. "Néanmoins, la cause de la Foi autorise un homme de Dieu à ... se servir ... quand il faut ... Là où il peut !"

L'abbé se figea, interloqué. Il posa les fesses contre le plateau de la table, puis il baissa les yeux et se prit à observer le carrelage sombre de la salle capitulaire qui s'étirait à ses pieds. Et il se souvint : non pas d'avoir été confronté à une affaire semblable, mais bel et bien d'avoir lu ou entendu quelques étonnants récits à ce sujet. Il existait une pratique assez courante en ces temps troublés qui précédèrent l'an Mil. Il s'agissait de volet, tout naturellement, des reliques de saints dans des églises ou des abbayes où l'on feignait de considérer qu'elles n'étaient plus assez efficaces et de les ramener en d'autres lieux plus propices à les laisser exprimer leur puissance. Les religieux de ces époques reculées désignaient de tels enlèvements sous le vocable pudique de "translations." L'abbé avait toujours subodoré que la religion en prenait à son aise en la circonstance et que la prospérité des monastères passait en priorité. Frère Thomas mettait aujourd'hui en avant la cause de la Foi. Soit ! Au fond, il avait peut-être raison, d'autant plus qu'aucun vol ne se commettait, aucune relique n'était déplacée sans que le voleur eût sollicité auprès du saint concerné un accord préalable. Le silence étant reconnu comme réponse positive, les doutes étaient aussi rares que les refus manifestes. Par ailleurs, il semblait avéré, à en croire les récits dont l'abbé avait eu connaissance, que les saints ainsi transportés d'un lieu à un autre étaient enclins à montrer plus d'efficacité dans la nouvelle demeure que dans l'ancienne. Soit encore, bien que deux siècles se fussent écoulées depuis la dernière translation connue. Avec une inquiétude qui avait du mal à se dissiper, l'abbé se demanda si quelqu'un se souviendrait encore qu'en ce temps-là, on ne punissait pas, ou rarement, ce genre de délit, et qu'il n'y avait pas de représailles, ou si peu. Il se demanda si les victimes d'un tel vol admettraient encore aujourd'hui, comme elles le faisaient paraît-il jadis, que le souci de la gloire de Dieu primait sur la fortune de leur abbaye et rendait caduque tout sens de la propriété en la matière ... Enfin, n'y avait-il aucun danger à remettre ainsi au goût du jour une coutume certes originale, mais sans doute oubliée ? ... [...]
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[...] ... Leur surprise fut alors totale, quand ils arrivèrent dans la grande salle, de trouver trois sacs neufs emplis de victuailles, posés sur la longue table, sans nul doute à leur intention ... Partout, le sol, les coffres, les bancs même, des écoeurants reliefs de la fête au point qu'il convenait de se déplacer avec précautions pour ne pas glisser sur un morceau de gras ou quelque flaque de vin.

En pleine forme, Crâne-en-Coin [l'un des gardes] était assis près du foyer, et le Balafré, Face-de-Carpe et Vieux-Loup [trois autres gardes] se tenaient auprès de lui. A les voir, on eût dit qu'il ne s'était rien passé de particulier, et qu'ils avaient dormi toute la nuit comme des enfants.

Crâne-en-Coin désigna les sacs.

- "Vous !" dit-il. Et Jérôme songea que l'homme manquait décidément de vocabulaire. A coup sûr, il savait couiner comme un goret, aboyer comme un chien croché à une femelle, braire comme un âne ou hululer comme un hibou, mais il semblait que les bases les plus élémentaires du langage humain lui fissent cruellement défaut.

Vieux-Loup excusa son seigneur, qui se sentait un peu fatigué, après quoi les deux autres s'excusèrent de même avec une exquise politesse pour le tapage de la nuit. Sidérés et penauds d'avoir eu de si mauvaises pensées [ils étaient sûrs qu'un sabbat se tenait au château et qu'ils y perdraient la vie], les moines se retrouvèrent sur le chemin, les sacs neufs bourrés de nourriture à l'épaule ...

Ils n'avaient eu qu'à vider les leurs et mettre dans les nouveaux ce qui leur appartenait.

L'os [...] ne fut pas oublié ...

Dès que les voyageurs eurent disparu dans la forêt, invisibles du château, les choucas revinrent, plus nombreux que la veille.

Quelques grands corbeaux les rejoignirent. Il y eut bientôt sur le donjon des dizaines d'oiseaux noirs, et tous lancèrent au ciel un puissant ricanement, sinistre et ambigu, qui rattrapa les moines et les figea sur place. Blêmes et horrifiés, les trois hommes se regardèrent un instant en silence. La peur les saisit à la gorge, brutale, irraisonnée : où donc avaient-ils passé la nuit ? Abdon fit un rapide signe de croix, et Jérôme, très pâle, se remit en route sans se retourner. De toutes façons, aucun des trois ne serait revenu en arrière ...

Car, après tout ... Qui peut savoir ? ... [...]
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" Ah ! Frère Anselme ! Approchez, je vous en prie..." fit l'abbé, tandis qu'Abdon enfonçait un peu plus sa tête dans ses épaules.

Anselme vint derrière Abdon, s'arrêta, et lâcha un soupir excédé. Le gros moine eut confirmation de son pressentiment: il n'avait pas vu le regard pointu que le frère herboriste venait de lui décocher, mais il entendit le soupir...

Un sifflement de serpent, songea-t-il...

L'abbé regarda Abdon qui torturait de plus belle la gaine de son couteau. " Onze années, frère Abdon ! Des milliers de journées passées parmi nous, et presque autant de catastrophes ! " s'écria-t-il avant d'enchaîner sur un ton faussement suppliant: " Etes-vous ici pour nous faire vivre le Purgatoire sur terre ? "

Abdon releva les yeux vers l'abbé, impressionné par cette drôle d'idée, et les rabaissa aussitôt.

" Nous avons connu le Paradis, néanmoins ", lâcha Anselme, mauvais, " dix jours où il n'eut point à s'accuser de ne s'être pas levé au son de la cloche ! Dix jours où la fièvre le cloua sur sa paillasse ! "

L'abbé haussa les épaules et désigna Abdon.

" Mais depuis, rien ! Pas même un refroidissement ! Il possède la santé d'un ours des montagnes ! " dit-il, sincèrement attristé, avant de hurler soudain, provoquant un mouvement de recul de frère Abdon: " Jamais malade, l'ours des montagnes ! " Là-dessus, excédé, il rejoignit son siège et s'y laissa tomber en lâchant un grognement. Redressant le buste, il déposa doucement ses mains sur les accoudoirs. Il regarda vers les fenêtres du cloître où les marteaux frappaient en cadence. Il revint enfin à Abdon: " Vous aiderez le frère herboriste à réparer les dégâts que vous avez causés, et..." Il s'interrompit en remarquant Anselme, derrière le gros moine, qui faisait désespérément des gestes de dénégation, préférant éviter, à l'évidence, que frère Abdon revînt s'occuper de jardinage. " J'ai dit ! " trancha pourtant sèchement l'abbé.
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Soudain angoissé, il se demanda ce qui l'empêchait de parler : un reste de pudeur, sans doute, ou d'orgueil, de ces sentiments que l'on dit venus du cœur mais qui empêchent en réalité le cœur de parler.
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