Heureuse année 1973, au cours de laquelle, après avoir assisté au concert des Stones le 17 octobre à Bruxelles, au Forest National Arena, nous avions la surprise de rentrer en France pour découvrir la publication par cette admirable collection BIBLIOTHEQUE MARABOUT fantastique d'un recueil de 34 contes dit « fantastiques » de Guy de
Maupassant.
La France de 1973 rattrapait ainsi, grâce à cet éditeur, la folie furieuse de notre Ministre de l'intérieur Raymond Marcellin , le bien nommé qui avait interdit de séjour les Stones à cause de leur consommation prosélyte de substances illicites.
Les Belges, eux, s'en foutaient complètement. Quelques mois plus tard, l'affaire des « plombiers du Canard » faisait passer Raymond de « la matraque à la charrue » (sic), pour cause de « Watergaffe », et d'augmentation du tirage du Canard de 450 000 à un million d'exemplaires.
Il remplaçait
Jacques Chirac à l'agriculture, mais n'avait pas le même toucher que ce dernier pour flatter le cul des vaches au salon de l'agriculture.
Nous sommes loin, me direz-vous, des contes fantastiques
De Maupassant, pas si loin vous répondrai-je, en effet, dans
Maupassant, vous trouverez toujours une dose de ruralité, une double dose de personnages avides de pouvoir, une triple dose de héros en butte à l'ordre moral ou à l'ordre établi, un soupçon de dérision, un zeste d'amertume, et parfois une larme d'amour.
En 1973 en France, nous étions encore dans une société à la
Maupassant que le rabot élitiste de 1968 avait à peine effleurée.
D'ailleurs,
Anne Richter, la femme qui a eu l'idée de cette compilation des contes fantastiques nous dit, dans une post face que seul le lecteur attentif dénichera cachée dans une des dernières pages sous le titre baroque mais se voulant flatteur d'un certain regard :
« Longtemps pris pour un auteur « secondaire », voire même pour un esthète chez qui on ne voyait que les côtés tapageurs, il a été en quelque sorte réhabilité à notre époque, surtout après les progrès révolutionnaires de la psychologie moderne, qui ont véritablement mieux fait comprendre l'homme
Maupassant. »
Nous avons compris
Maupassant à un tel point que nous portions au pouvoir en mai 1974, VGE, un thuriféraire de cet auteur longtemps oublié. Mais n'allez pas me demander s'il y a un lien entre Marabout,
Anne Richter et VGE, je serai incapable de vous sortir autre chose que la comptine connue, bout de ficelle etc…
Voir ci-joint le 199ème épisode d'Apostrophes ou VGE nous parle
De Maupassant. Un exercice rare pour un Président.
https://www.youtube.com/watch?v=Mx6¤££¤50BIBLIOTHEQUE MARABOUT 60¤££¤
Poursuivons avec le regard d'
Anne Richter : « Son oeuvre, faite de clair-obscur et de flambées fuligineuses, est en premier lieu l'expression de la déroute des êtres et des choses qui peuplent notre monde. »
Je me demande comment cette inconnue peut à ce point exprimer avec un talent rare ce que je pense
De Maupassant, à l'époque j'ignorais encore la signification de fuligineux, mais j'étais assez en phase avec la déroute des êtres.
Les 34 nouvelles présentées dans le recueil ont été écrites entre 1875 et 1890, elles sont classées par ordre chronologique, et en fin d'ouvrage, un appendice critique en fait un court résumé, et propose quelques clefs de lecture.
Ce recueil est une véritable mine de renseignements sur l'auteur et sa façon d'écrire, le contexte de la publication des nouvelles.
L'inconvénient de ce genre d'ouvrage est l'hétérogénéité de la qualité des textes présentés, mais ne boudons pas notre plaisir, plongeons dans l'univers fantastique
De Maupassant.
Parmi les 34 récits, il y a les modèles du genre,
le Horla,
La Peur, Lui ? « Alors il me sembla sentir derrière moi quelqu'un qui se tenait debout, dont le figure riait d'un rire atroce, immobile et nerveux. », mais aussi des contes moins connus, publiés à la hâte dans divers journaux : l'almanach lorrain, la revue de Paris, le Gil Blas, certains publiés sous des pseudonymes, d'autres du temps de la gloire
De Maupassant.
Malgré cette hétérogénéité, chacun de ces récits nous permet de retrouver la patte
De Maupassant, cette façon bien à lui de nous entraîner dès les premières lignes dans un univers où l'interrogation se transforme en angoisse, puis l'angoisse en panique, et la panique en déroute.
A mesure que l'on progresse dans la lecture, on voit se fissurer la personnalité
De Maupassant, ce « snob à l‘élégance douteuse » nous dit
Anne Richter, à « la coquetterie de portefaix et de garçon boucher », « dandy aux idées courtes et aux dents longues » ; apparait derrière, en filigrane, une personnalité autre « un artiste extrêmement humain, extraordinairement habité, engagé dans une lutte sans merci contre un envoutement progressif. »
Ces contes fantastiques seraient la « part maudite »
De Maupassant, celle qui lui permet de lâcher du lest, de s'affranchir des conventions, d'échapper aux désillusions de la vie en société, quand bien même elle peut le choyer.
Homme du XIXème siècle,
Maupassant a déjà une longueur d'avance sur ses contemporains, il ouvre avec ces contes la porte du XXème siècle, montrant par avance de quels maux nous souffrirons dans ce siècle d'abondance de plaisir et de vie facile, qu'il entrevoit pour nous.
Et au fond, le graphomane estampillé « Babelio », le bloggeur impénitent, n'est-il pas une sorte de Horla, je me le demande parfois !
« Je ne peux plus vouloir ; mais quelqu'un veut pour moi ; et j'obéis. »
Guy de
Maupassant le Horla
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