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EAN : 9782246732617
193 pages
Grasset (09/01/2008)
3.13/5   40 notes
Résumé :
Ce livre raconte l'histoire d'une femme (1891-1942) qu'on a tour à tour nommée Edith dans sa famille, Fraulein Edith Stein au lycée, Doktor Edith Stein à l'université, sœur Thérèse au Carmel, matricule 44 074 à Auschwitz, et sainte Thérèse Bénédicte de la Croix au ciel.
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Yann MOIX a un talent insolent.

Pour l'insolence, personnellement, je m'en doutais déjà : depuis la première fois où je l'ai vu dans le petit écran, et toutes les très nombreuses fois qui ont suivi, j'en étais de plus en plus persuadé. Insolent, imbu de lui-même, impertinent (dans le sens pas pertinent) et finalement - plus embêtant - aussi inoffensif qu'un littérateur précoce.

Mais pour le talent...

J'avoue : je me suis laissé surprendre par la lecture de Mort et vie d'Edith Stein, son dernier bouquin, fini en septembre et publié en décembre 2007.

Dans un premier temps, l'écriture surtout m'a terriblement agacé. Et dans l'écriture, soyons précis : la ponctuation. Et parmi ces ponctuants, soyons précis : les ":" intempestifs. Eh bien oui : Yann Moix se fend d'un usage très abusif et pour tout dire : compulsionnel des : ":". C'est non seulement incorrect sur le plan syntaxique (le plus souvent), mais ça peut en outre paraître : complètement gadget.

Mais zut : il écrit bien tout de même. Dans une langue variée, bourrée d'images qui télescopent l'hier et l'aujourd'hui, la mort d'Edith Stein en 1942 dans une chambre à gaz et la France de 2008. Et puis il a bien le droit d'user de la ponctuation comme il l'entend : depuis quand les oeuvres littéraires les plus percutantes seraient-elles celles qui utilisent la langue avec la plus grande correction, au sens scolaire du terme ?

« Ce livre raconte l'histoire d'une femme (1891-1942) qu'on a tour à tour nommée Edith dans sa famille, Fraulein Edith Stein au lycée, Doktor Edith Stein à l'université, soeur Thérèse au Carmel, matricule 44 074 à Aushwitz, et sainte Thérèse Bénédicte de la Croix au ciel ». Voilà le pitch. Béatifiée en 1987, Edith Stein entre en sainteté en 1998, sous Jean-Paul II.

Et Yann Moix donne raison à cette sanctification. Ce qui le préoccupe ici, c'est de retracer la vie et l'oeuvre d'Edith Stein en 194 petites pages, elle qui en noircit des milliers. Ce qu'il se met en tête, c'est de démontrer à travers cette hagiographie moderne qu'on peut être juive et chrétienne, femme et sainte, morte et immortelle, individuelle et collective.

Seul reproche, au final : Edith meurt à la page 151, et par un curieux phénomène d'empathie, ou que sais-je, Moix divague ensuite jusqu'à la page 187 incluse, essayant d'établir des équations à quatre termes : Israël, temps, espace, France, et n'y arrivant pas, et se gargarisant visiblement de ne pas y arriver. C'est soûlant pour le lecteur aussi, mais pas dans le bon sens du terme.

Pour conclure, je ne résiste pas à la tentation de vous citer une pleine page d'aparté :
« Hé, lecteur, tu as fait quoi de ta vie ?
Je sais que tu triches, que tu n'es pas très sincère. Que tu (te) mens. Tu ne sais pas que faire de tes journées, tu as peur de rester tout seul chez toi. Tu sembles peureux, et je sais que : tu as peur de la peur. Vaguement, tu déprimes. Tu te promènes, tu fais des « achats », tu te trémousses dans quelques lits, avec des corps frôlés : tu jouis, hop hop (c'est fait, arrrgh). Tu te fais croire, parfois, devant une feuille blanche, que toi aussi tu es un gros malin, que tu as des choses politiques, thermodynamiques, poétiques, philosophiques à dire.
Tu prends des notes. Tu écris ton journal. Tu confies des choses à ton « blog ». Ça pour bloguer tu blogues. Tu dois pas prier des masses, tel que je te connais (je ne te jette pas la pierre, je ne prie pas non plus).
Je voudrais que, pour une fois, tu t'intéresses à une sainte : que tu te passionnes pour : Edith Stein. C'est une femme extrêmement originale. Un individu totalement individuel. C'est une philosophe très, très spéciale : elle mêle Husserl au Christ, la phénoménologie à la Croix. C'est assez fascinant. Tu n'entres pas dans une église. Mas dans une vie : une vraie. »
Yann Moix, Mort et vie d'Edith Stein, éd. Grasset 2007, p. 47-48.

Des passages dans ce goût-là, il y en a plusieurs. Ce sont eux qui m'ont convaincu de suivre attentivement cet auteur dont la voix m'avait tant plu, un beau matin de 2003, à la radio, sur une route du Loiret.


194 pages, éd. Grasset - 14,90 €
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Edith Stein est née en 1891, à Breslau ville qui fut en Prusse puis en Pologne, dans une famille juive. Elle suit des études brillantes de philiosophie à Göttigen où elle a Husserl comme professeur. Edith est fascinée par la phénoménologie qui "s'intéresse au transcendant, au révélé, au divin: elle n'est pas la seule. Elle opère un retour aux choses "elles-mêmes", à la conscience intime "elle-même". Elle opère par forage dans la vérité intime de l'être. Elle fouille et triture les abîmes de la conscience: la foi habite par là, un recoin. La phénoménologie aime les recoins: elle les visite. Elle les ausculte." (p 53)
"La phénoménologie, c'est un regard simple sur les choses. Voilà ce que c'est. dans le but de découvrir leur vérité propre. ce qu'il y a dedans. A l'intérieur. Ce qu'elles recèlent. Ce qu'elles cachent. Ce qu'elles dissimulent." (p 55)
En travaillant sur sa thèse sur "L'Einfühlung, la sympathie ou perception intuitive", en côtoyant étudiants et professeurs, Edith Stein s'intérresse de plus en plus au catholicisme, elle qui ne fut jamais pratiquante. Peu à peu elle se "déjudaïse" tout en gardant son identité culturelle juive. Elle se convertira en 1931 au catholiscisme, "Edith adore ce contraste (qui est tout sauf une opposition, tout sauf un paradoxe, tout sauf un oxymore): être chrétienne: et juive. Edith est chrétienne parce que juive. Et redevient juive parce que devenue chrétienne. La foi chrétienne prend sa source chez les juifs: elle ne l'oubliera pas. Plutôt mourir. Que peut-on lui reprocher?" (p 103 et 104)
Edith Stein entrera dans les ordres, au Carmel et en 1942 périra à Auschwitz en martyre chrétienne et juive. Elle sera béatifiée par Jean-Paul II le 1er Mai 1987 et canonisée le 18 octobre 1998.
Yann Moix ne s'est pas donné une tâche facile en écrivant la biographie de cette femme extraordinaire, féministe avant l'heure, éprise de liberté intellectuelle et religieuse, passionnée de philosophie, au parcours plus qu'atypique. Or, il réussit à rendre lisible le parcours d'Edith Stein en racontant sa vie de fillette, de jeune fille, de jeune femme à l'intelligence vive et sagace, à la puissance de travail étonnante, au caractère emporté et entier, tous ces petits riens qui sont les traits essentiels de la femme qu'elle deviendra et de la voie qu'elle choisira de suivre.
Le style de Yann Moix est très déroutant avec ses répétitions et surtout l'utilisation, agaçante au début, des ":". Ce signe de ponctuation s'avère bien choisi au fil de la lecture. Grâce à lui, le lecteur devient attentif et l'auteur, de cette manière, met en exergue ce qui lui semble important à souligner.
La biographie d'Edith Stein a le mérite d'amener le lecteur à s'interroger sur un certain nombre de choses: Qu'est-ce qu'être juif? Que devient un juif devenu catholique? Quelle est la dictinction entre le sacré et le profane: comment devient-on une sainte après avoir vécu une vie ordinaire? Comment peut-on être fidèle en ayant été infidèle? Qu'est-ce l'éternité ou l'immortalité pour un saint ou pour un homme? Autant de questions auxquelles les réponses peuvent être ressenties une fois la lecture achevée et digérée. En effet, sous des aspects, au début, légers parfois anecdotiques, Yann Moix amène le lecteur à aborder la complexité de la philosophie, la complexité du cheminement intellectuel d'une femme engagée d'une grande culture, et il est parfois bien difficile, lorsque les notions philosophiques abordées au lycée sont bien loin, de saisir la subtilité d'un raisonnement pointu.
Ce qui permet, dans l'ensemble, la fluidité de lecture est le côté romancé de la biographie. Est-ce une hérésie ou pas? Toujours est-il que la narration "romanesque" permet de tenir jusqu'au bout du récit sans s'ennuyer ni être perdu dans les multiples références philosophiques, religieuses ou historiques. Yann Moix offre un portrait émouvant, complet d'Edith Stein tout en s'autorisant une drôlerie intime avec elle. Ce qui ne fait que la rendre, paradoxalement, encore plus grande et plus humaine. Seuls les ultimes chapitres de la biographie m'ont parus non pas inutiles mais inappropriés au propos: la justification d'Israël me paraît être en trop et j'ai eu du mal à suivre le fil de sa pensée car ces derniers chapitres parasitent la biographie. Etait-ce essentiel pour illustrer le parcours d'Edith Stein? Rien n'est moins sûr, à mon humble avis. Cependant, malgré ce petit bémol, je trouve que Yann Moix parvient à titiller sérieusement non seulement les consciences mais aussi à provoquer le désir, chez le lecteur, de savoir qui était vraiment Edith Stein et c'est ce qui fait la réussite de son livre!
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Davantage qu'une biographie d'Edith Stein (née à Breslau en Allemagne en 1891), ce livre est une méditation sur le chemin spirituel qui a conduit cette jeune juive athée à se convertir au catholicisme, puis à entrer au Carmel en 1933. Etudiante et collaboratrice d'Edmund Husserl, le fondateur de la phénoménologie, elle fit aussi partie avec sa soeur Erna, de l'aile féministe la plus radicale (on appelait "radical" le mouvement qui militait pour une égalité de droits entre les sexes).
Son approfondissement de la phénoménologie et de la théologie l'ont conduite à reconnaître puis à épouser la figure christique, vécue par elle comme un aboutissement de sa judéité.
Elle fut arrêtée le 2 août 1942 par les S.S et assassinée le 7 dans les chambres à gaz d'Auschwitz.
L'auteur célèbre ce parcours extraordinaire dans un style concis, didactique, clair, qui est d'une grande efficacité.
On sort de ce livre avec l'impression d'avoir cheminé en des contrées où l'esprit et le coeur se rejoignent.
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N°1792– Novembre 2023

Mort et vie d'Édith Stein – Yann Moix- Grasset.

J'ai, à titre personnel, au regard des religions un avis bien établi. Cela dit, je suis toujours dubitatif devant les motivations de ceux qui choisissent d'en changer soit par opportunité ou par réelle conviction.
Étonnant parcours que celui d'Édith Stein (1891-1942) née dans une ville de l'actuelle Pologne, dans la religion juive et convertie au christianisme après être passée par une période marquée par l'athéisme. Elle entrera au Carmel sous le nom de Marie-Bénédicte de la Croix et sera arrêtée par la SS et gazée à Auschwitz « Pour son peuple». Elle a été canonisée par le pape Jean-Paul II en 1998.
L'auteur, à travers des citation d'Édith, nous la présente comme une jeune fille solitaire, extrêmement douée, caractérielle, travailleuse, passionnée, que le judaïsme ennuie et qui se jettera dans l'étude de la philosophie.
J'ai lu cette biographie avec curiosité mais le mysticisme dont parle Moix abondamment dans ce livre ne m'a jamais ému ni même intéressé. En revanche, en savoir davantage sur un personnage exceptionnel m'attire, surtout si, comme c'est le cas ici, s'il tranche sur la noirceur ordinaire de l'espèce humaine sans pour autant la racheter. Même s'il s'agit d'un message religieux que pourtant l'auteur distille largement à longueur de chapitres avec sans doute la volonté de convaincre son lecteur (on ne choisit pas par hasard d'écrire une telle biographie) j'y suis resté relativement indifférent.
Un saint, ça donne l''exemple et celui d'Édith est d'autant plus emblématique qu'elle est une femme que l'Église catholique maintient constamment en état d'infériorité (Édith militera en faveur du droit des femmes avant d'entrer au Carmel), qu'elle est une brillante intellectuelle, une mystique animée d'un esprit de dévouement de sacrifice et de charité sans faille, un personnage d'exception mais surtout parce qu'elle est juive et qu'elle a choisi volontairement et en toute liberté le catholicisme (On se souviendra que ce genre de conversion n'a pas toujours été volontaire comme le montre le film de Marco Bellochio « L'enlèvement »). On n'oubliera pas non plus que l'Église a nourri l'antisémitisme (on se souvient du silence assourdissant de Pie XII au regard de la Shoah) et que celui-ci est particulièrement fort en Pologne, même si depuis le concile Vatican II un dialogue fraternel a été ouvert entre catholiques et juifs.. Quant à l'exemple d'Édith, il est plutôt le bienvenu face à une hiérarchie qui semble avoir oublié le message de l'Evangile dont par ailleurs elle se recommande. En témoignent les nombreux scandales qui ont émaillé son histoire dont le plus récent d'entre eux a bouleversé notre société.
Édith reste une sainte controversée puisque si elle a embrassé le catholicisme elle n'a jamais renié ses origine juives et a protesté vigoureusement contre les mesures nazies à l'encontre des juifs. Elle a accepté la mort « Pour son peuple » c'est à dire les juifs. Elle n'en a pas moins été reconnue comme coprotectrice de l'Europe ce qui lui donne une dimension à la fois actuelle, immortelle et universelle.
C'est bien écrit et bien documenté et je garde de cette rencontre l'extraordinaire empreinte qu'à laissée cette femme lors de son passage sur terre. Je retiens entre autre chose qu'elle a été une sorte de synthèse spirituelle entre le catholicisme et le judaïsme, Jésus étant lui-même juif. ;
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Je ne sais plus pourquoi j'avais acheté ce livre, sans doute parce que sa quatrième de couverture évoquait le parcours d'une femme, juive allemande devenue catholique, morte en déportation et sanctifiée par l'Eglise, et parce que je m'intéresse à la fois aux récits de vies et aux conséquences de la Shoah.
Je ne connaissais pas non plus l'oeuvre littéraire de Yann Moix, hormis peut-être sa fonction de polémiste et de chroniqueur sur différentes chaînes TV.
Ce fut donc une découverte à double titre.

Découverte d'une femme hors du commun (1891-1942), juive devenue athée, puis catholique baptisée devenue carmélite et vivant sa foi comme l'expression logique et pratique d'une conscience juive ayant évolué vers une mystique christique. Pour ma part, je suis athée, et j'ai eu un peu de mal à suivre le propos de l'auteur sur ces différentes questions religieuses (mais, il faut dire que son écriture est loin d'être claire)...

Hors du commun aussi, car elle sera très tôt en butte contre les diktats de sa famille, de sa religion, de son époque, de sa condition de femme dans une société patriarcale peu encline à la voir devenir philosophe, théoricienne de la religion, féministe radicale engagée politiquement pour faire en sorte que la femme ait une vraie place, à part égale.

Yann Moix propose donc un balayage (et non une réelle biographie comme peut le laisser penser la 4e de couverture) de cette vie qui fut courte (elle meurt en déportation en 1942), en assortissant son propos de nombreuses citations de l'intéressée (d'autres citations sont également présentes - de lui ou d'elle, on ne sait pas trop ? - mais on ne comprend pas bien leur raison d'être) et de considérations ou interprétations personnelles sujettes à caution.

En effet, dès que j'ai refermé ce livre, je suis allée sur Wikipédia, et j'ai eu le sentiment d'en apprendre beaucoup plus et de façon tellement plus documentée sur Edith Stein que dans ces quelques pages (194) dont presque la moitié ne la concernent que de très loin.

En fait, j'ai eu le sentiment que le véritable sujet de ce livre était surtout Yann Moix qui tend à se valoriser, en tant qu'écrivain, pseudo philosophe, et adorateur de la sainte, en évoquant un sujet sérieux et compliqué à comprendre.

Très vite, j'ai failli lâcher ce livre tant le choix stylistique de l'écriture m'était insupportable. Pourquoi ce choix des ":" intempestifs et à tout bout de champ, sinon pour montrer une pseudo virtuosité dans l'écrit ? Pourquoi ces répétitions à tout bout de champ d'une même idée, dans des jeux de mots, de sonorités, dans des inversions de membres de phrases ? Très vite, on perd le fil et tous ces jeux stylistiques (douteux) desservent l'objet de son étude, à savoir Edith Stein.

Et que penser des derniers chapitres ? On a vraiment le sentiment que, là, Yann Moix a fumé la moquette. Il se perd (et perd donc aussi son lecteur) dans des considérations alambiquées tendant à faire du lien entre Israël, espace-temps et espace-géographique, entre le passé et l'avenir...

Quant à savoir pourquoi et comment elle a été sanctifiée par l'Eglise et est devenue sainte Thérèse Bénédicte de la Croix au ciel, ce n'est pas bien clair. Il m'a fallu lire Wikipédia pour le comprendre.

Que dire donc ?
Je ne regrette pas de l'avoir lu, car j'ai découvert l'existence d'une femme (que je ne connaissais pas) connue, érudite, qui a marqué son temps, et très rapidement, de son parcours. Cela m'a donné envie de connaître ses propres écrits, si tant est qu'ils me soient accessibles intellectuellement.
Je regrette toutefois d'avoir fait confiance aux Editions Grasset et à Yann Moix pour avoir accès à ces connaissances. Son écrit qui se veut un hommage n'est rien de moins qu'une manifestation de son propre ego, de sa propre arrogance (voyez ce que je suis capable d'écrire et que vous n'êtes pas capable de comprendre... et pour cause, tant son propos n'est pas concis et clair).

Néanmoins, si vous vous intéressez à la religion et à la théologie, à la philosophie et à la phénoménologie, à la condition de la femme et à ses revendications, ce livre peut constituer une première ouverture sur les thèses développées par Edith Stein. Mais, ma suggestion serait que vous alliez directement puiser à la source, plutôt que dans ce livre, particulièrement rébarbatif à lire et confus dans sa forme.


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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Hé, lecteur, tu as fait quoi de ta vie ?
Je sais que tu triches, que tu n'es pas très sincère. Que tu (te) mens. Tu ne sais pas que faire de tes journées, tu as peur de rester tout seul chez toi. Tu sembles peureux, et je sais que : tu as peur de la peur. Vaguement, tu déprimes. Tu te promènes, tu fais des « achats », tu te trémousses dans quelques lits, avec des corps frôlés : tu jouis, hop hop (c'est fait, arrrgh). Tu te fais croire, parfois, devant une feuille blanche, que toi aussi tu es un gros malin, que tu as des choses politiques, thermodynamiques, poétiques, philosophiques à dire.
Tu prends des notes. Tu écris ton journal. Tu confies des choses à ton « blog ». Ça pour bloguer tu blogues. Tu dois pas prier des masses, tel que je te connais (je ne te jette pas la pierre, je ne prie pas non plus).
Je voudrais que, pour une fois, tu t'intéresses à une sainte : que tu te passionnes pour : Edith Stein. C'est une femme extrêmement originale. Un individu totalement individuel. C'est une philosophe très, très spéciale : elle mêle Husserl au Christ, la phénoménologie à la Croix. C'est assez fascinant. Tu n'entres pas dans une église. Mas dans une vie : une vraie.
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Dans un entretien télévisuel de 1974, Gustave Thibon, qui l’avait recueillie chez lui pendant quelques mois, raconte comment elle a exigé de lui qu’il lui installe, au milieu des rats et devant une rivière, un lit de camp percé dans une masure délabrée, cernée par les ronces, les orties et détrempée par l’humidité, alors qu’il avait tout simplement installé à Simone une chambre d’amis sobre et propre à l’étage de sa propre maison. Il avait ainsi passé deux jours à faire en sorte que mademoiselle Weil soit la plus mal installée possible !

Et encore : être la plus mal installée, Simone ne l’eût pas supporté non plus ! Car il y a un orgueil dans l’inflation du pire. Le plus mal, c’est ce qui se fait de mieux. C'est du confort, c’est du luxe à l’envers. C'est encore du domaine de la compétition, de l’excellence, de la perfection, de la vanité, et par conséquent de la : petitesse : il fallait donc que Gustave l'installât le moins bien possible. (A lui de zigzaguer, de se perdre, dans les nuances, dans la marge séparant le plus mal du moins bien. Pas le problème de Simone !).

– Ah non Gustave, non ! Merde ! Tu déconnes, là...

– Ben quoi ? T’es très mal installée là...

– C'est justement le problème ! Je veux être « pas bien installée ». Le moins bien possible. J’ai jamais dit le plus mal. Car le plus mal : c’est le mieux mal installée que tu puisses faire. Le plus mal, Gus, c’est encore du mieux. Ça appartient au domaine du mieux. Or, le mieux, même quand c’est dans le mal, c’est du ressort de Dieu. Moi, je suis pas Dieu, je suis qu’une pauvre femme, donc je veux quelque chose qui soit pas abouti, dont la finition est pas certaine, quelque chose qui est pas de l’ordre du palmarès, tu vois ? Tu comprends ? Hé ! oh ! Gus ! Tu comprends ?

– Oui, mais alors à ce moment-là, pourquoi tu accepterais pas d’être la « moins malinstallée » : c’est ce que je te propose, là, dans la chambre d’amis.

– Mais parce que je suis pas maso !

– Pardon ?

– Ben oui : j’ai jamais demandé à ce qu’on m’installe mal ! J’en veux pas, moi, de ton mal ! Je veux que le bien ! En donner et qu’on m’en fasse ! Si tu m’installes mal, c’est dégueulasse, ça veut dire que je suis pas la bienvenue chez toi ! C'est nul ! Non, moi, ce que je veux, c’est que tu m’installes bien, mais du moins bien que tu puisses faire ! Bien, parce que je suis pas maso, et du moins bien que tu puisses faire, parce que j’ai su rester simple et que je suis qu’une pauvre mortelle... Si tu m’installes au mieux, tu pars du principe que je mérite le mieux et que je suis d’essence divine : donc, en tant que catholique, mon bon Gus, tu as tout faux !... Si tu m’installes au plus mal, tu pars du principe que je suis masochiste et divine : et tu as encore tout faux. Si tu m’installes au moins mal, tu m’enlèves le côté divin, merci, ok, mais tu fais toujours de moi une maso ! Il reste donc plus qu’une seule option afin que je me sente à la fois humble et bien accueillie : que tu m’accueilles et que tu m’installes du moins bien que tu puisses faire !
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L'inventeur du christianisme : c’est lui. La « question juive » : c’est lui qui l’a posée le premier. Saint Paul est un génie parce qu’il est l’auteur d’un des plus grands tours de passe-passe de toute l’histoire de l’humanité.

Avant lui, avant sa théorie, avant son tour de passe-passe, quand on disait « Israël », on voulait dire « les juifs » : et quand on disait « les juifs », on disait « Israël ». Il y avait équivalence entre les deux dénominations. Pour Paul, c’est la venue du Christ qui a tout chamboulé : Israël est toujours bien l’élu, mais plus les juifs, car « les juifs », ça ne veut plus dire grand-chose par rapport à Dieu : être juif redevient possible à condition de reconnaître le messianisme de Jésus ! Avec ce système, un païen qui reconnaît le messianisme du Christ est plus juif qu’un juif ! Il devient juif : à la place du juif.

C'est un judaïsme new-look qui émerge, dont la particularité est de se substituer au judaïsme des juifs « d’avant » : pour être un vrai juif, pour Paul, il suffit de cesser de l’être ! Les juifs, ce sont les chrétiens ! Les juifs de l’ancienne conception, les juifs « ringards », les juifs qui ne regardent pas vers l’avenir (c’est-à-dire vers le Christ), les juifs vieux jeu, les juifs passés de mode, ne sont plus des juifs : ce sont des tocards voués à une errance bien méritée, et qui ne viendront pas pleurer si un jour on les persécute, c’est vrai, quoi, ils l’ont bien cherché, aussi : il suffit juste d’accepter qu’un homme, fils de Dieu, est mort sur une Croix et qu’il reviendra tout à l’heure, bientôt, demain, et c’est marre. C'est quand même pas la mer Morte à boire !
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(Heureusement pour Edith, et heureusement pour son incarnation d’une « synthèse » possible entre les deux religions) Abraham a fait une deuxième découverte : l’homme est capable de connaître au minimum deux attributs de Dieu : la justice et la charité.

On peut même écrire (c’est la deuxième invention géniale d’Abraham) : justice + charité = Dieu.

Car (« en réalité ») justice et charité ne sontpas que des attributs divins : ils sont : Dieu. Ils définissent Dieu de la même manière que deux points en géométrie suffisent à définir une droite. Le seul accès qu’on puisse avoir, dans le judaïsme, à Dieu, c’est par l’intermédiaire, non de la réflexion intellectuelle, mais de la justice et de la charité. Les juifs, en « pratiquant » la justice et la charité, actualisent Dieu sur la terre. Ils le rendent : présent. Le judaïsme est un monothéisme éthique : la morale est partie intégrante du judaïsme. Le judaïsme n’est pas la religion d’une morale : mais de la morale.

Les chrétiens ont le culte de Jésus : les juifs ont le culte de la morale. Edith va, bientôt, faire se rejoindre incroyablement les deux. La valeur suprême du judaïsme, ce n’est pas : le corps du Christ, c’est : la morale. La morale est le but ultime de tous les efforts des juifs. Dieu, pour les chrétiens, c’est : le Dieu de Jésus. C'est le Père de son Fils. Dieu, pour les juifs, n’est pas seulement : le Dieu d’Israël. Dieu, pour les chrétiens, est : le Dieu des chrétiens, défini sur mesure pour et par, par et pour les chrétiens. Dieu, pour les juifs, n’est pas : le Dieu des juifs : il est : le Dieu adoré par les juifs : il est : le Dieu adoré par Israël.

Dieu, pour les juifs, n’est pas : le Dieu des juifs. Il est : le Dieu adoré d’une certaine manière, et cette manière est la manière d’ : Abraham. Si, chez les juifs, Abraham est le préféré de Dieu, c’est parce qu’Abraham est celui qui (c’est dans la Torah) enseignera le chemin de Dieu (Dieu n’est pas fou, il sait ce qu’il fait, il sait très bien où se trouvent ses intérêts).
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Edith marche dans la neige et sur sa robe. De mariée. C'est aujourd’hui qu’elle l’épouse. Elle ne s’apprête pas à épouser n’importe qui. Pas Günter, ni Klaus, ni Manfred, ni Wilfrid. Edith a visé plus haut : elle épouse : le Christ. Elle se marie à : Jésus. Sa robe est extrêmement blanche (avec des reflets roses). Pour tous les hommes qui auraient bien passé leur vie avec Edith, c’est une humiliation : pour eux, là voilà enchevêtrée dans des lumières sans commencement ni fin : une absurdité. Un homme qui n’a pas existé, et n’existera jamais, leur subtilise Edith. A tout jamais.

Edith, qui vient de passer des années et des années à donner des conférences dans toute l’Allemagne sur le droit des femmes, va s’unir à un homme qui a eu des mains clouées sur un morceau de bois. Dont la plupart des mains ont été clouées à un morceau de chêne. Ce fut quelqu’un de crucifié, et Edith, son genre d’hommes, ce n’est pas compliqué : ce sont les crucifiés. Si tu n’as pas (d’abord, en premier lieu, avant toute chose) la particularité d’être, d’avoir été, crucifié, oublie : c’est mort. Edith ne te regardera même pas. Tu n’es pas son genre. Pas la peine de tenter ta chance. Il lui faut de la Croix, du corps en Croix.

Ce n’est pas tout : il faut que tu sois capable de dire des choses qui sont, non seulement vraies, mais qui sont : la vérité. Il faut, en plus, que tu sois : le Fils de Dieu. J’avoue que ça fait beaucoup de conditions : mais si ces critères ne sont pas remplis, je te conseille d’aller voir ailleurs, Edith ne sera pas ta femme : Edith ne sera jamais : tienne.
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Vidéo de Yann Moix
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