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sur 5718 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce que j'ai ressenti :…Un coup de coeur ravageur…

Olivier Norek, avec son dernier roman bouleversant, explore l'idée de Frontière, de toutes formes de frontières. Des frontières physiques, morales, géographiques, entre le Bien et le Mal, entre l'enfant et l'adulte, entre l'acceptable et l'inacceptable: toutes sortes de lignes étroites qu'il se plaît à barbouiller dans ses pages noircies d'adrénaline et de violence, pour t'atteindre au plus sensible, à ce qui te touche le plus profondément, à ton humanité… Quand tu lis cet Entre Deux mondes, il te vient une boule d'angoisse, des élans de compassion, une foudroyante prise de conscience et ton coeur s'ouvre en deux…

Bastien, comme le dernier bastion d'une intégrité en perte de vitesse, et Adam, premier homme à tendre la main dans cette Jungle : ce duo improbable de policiers d'horizons différents s'unissent contre l'Innommable, luttant ensemble face au désarroi de Calais et sauver ce qu'il reste encore d'innocence chez le jeune Kilani. Deux nationalités dans une cause commune, deux hommes pour sauver un enfant. Dans cette vocation de flics investis, ils se retrouvent partenaires, unis dans les mêmes valeurs d'entraide et de justice, et affrontent les ahurissantes règles qui régissent un endroit où le meurtre est impuni, ici, en France…

C'est avec beaucoup d'émotions que l'on referme ce livre, des larmes pleins les yeux aussi, parce qu'il est dur d'affronter une réalité aussi cruelle, des injustices aussi grandes, des lois et un système inadaptés face à un phénomène de migration d'hommes et de femmes démunis. En s'infiltrant dans les méandres de cette Jungle, Olivier Norek nous livre un polar excellent, comme il a su si bien le faire avec sa trilogie Coste, mais dans celui ci, il y a une énergie nouvelle, plus humaine, plus intense, plus affirmée. J'aime sa façon de livrer ses messages, la force de sa franchise et la douceur de son idéalisme, cette manière bien à lui, d'être toujours plus proche d'une vérité même si elle dérange.

-Remarque, ça fait presque deux ans qu'on ferme les yeux, c'est pas pour les ouvrir aujourd'hui.

Entre deux mondes, c'est des milliers de coeurs perdus qui battent plein d'espoir vers un meilleur avenir, une Jungle Love qui te bercent de ses bras refluant une odeur de brûlé indéfectible, une forêt d'âmes sans identité qui te hantent dans tes nuits opaques, mais c'est aussi dans cet étrange lieu où j'ai adoré me perdre, et y laisser un authentique coup de coeur!

Ma note Plaisir de Lecture 10/10

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Depuis le temps que je voulais lire Olivier Norek, depuis le temps que les retours des Babelpotes me donnaient envie, je franchis enfin (!) le pas. C'est avec "Entre deux mondes" que je voulais absolument commencer, tellement j'en ai entendu de beaux échos, et je ne regrette absolument pas. Rares sont les polars qui réussissent à m'atteindre, émotionnellement parlant.

"Entre deux mondes", c'est un lieu à part. C'est le lieu qui fait la bascule entre son pays qu'on vient de quitter, pour fuir les horreurs de la guerre, et sa future terre d'accueil, souvent inaccessible. Ce lieu, on l'appelle la Jungle. Ce n'est autre qu'un immense camp de réfugiés à Calais, un grand bidonville qui abrite des hommes, des femmes et des enfants de nationalités diverses, dont l'espoir d'atteindre l'Angleterre s'amenuise de jour en jour. Y règnent la misère, l'insalubrité, l'insécurité et la cruauté des hommes.

C'est de cette Jungle, avant qu'elle ne soit démantelée en octobre 2016, qu'Olivier Norek a choisi de nous parler. Il y met en scène des personnages forts, qu'on ne pourra oublier de sitôt. Adam, migrant syrien qui recherche activement sa femme et sa fille qui auraient dû arriver dans le camp peu avant lui. Bastien, lieutenant de police tout juste muté à Calais et qui découvre une nouvelle facette de son métier. Kilani, enfant au regard aussi noir que sa peau, "enfant jouet" jusqu'à ce qu'Adam le prenne sous sa protection. Mais aussi les collègues de Bastien, et notamment Érika, Passaro, Cortex et Sprinter, ou sa femme Manon et sa fille Jade. Tous ont ce quelque chose qui rendent l'histoire profondément humaine alors que l'on baigne jusqu'aux dents dans un monde où les droits de l'Homme sont bafoués et/ou ignorés.

Ce roman n'est pas un polar. Enfin si, c'en est un mais il est tellement bien plus que ça. le coeur du sujet étant bel et bien inspiré de la réalité, la petite enquête policière, qui elle est fictionnelle, en devient complètement obsolète. Ce que l'on veut, c'est continuer à suivre les protagonistes, s'assurer qu'on ne les perdra pas en cours de route. On s'y attache, on veut le meilleur à venir pour eux, on veut absolument les voir s'en sortir. Rien n'importe plus qu'eux, plus que leur histoire et leur devenir. Notre coeur est surmené, il hésite sans cesse entre la compassion, le désespoir, la colère et la douleur. Heureusement, s'il nous est montré les côtés les plus mauvais des hommes, l'auteur sait aussi nous montrer qu'on est capable du meilleur. La lecture se veut à la fois déchirante et intensément humaine, noire et cruelle, et pourtant si chaleureuse et éclatante.

Meurtres ethniques et viols d'enfant d'un côté, solidarité et entraide de l'autre. On est constamment ballotté entre une émotion et son contraire. Je me suis attachée aux personnages, ils m'ont touchée au coeur et à l'âme. J'ai ressenti avec eux peur, douleur et désespoir mais aussi cet élan d'amour et de solidarité auquel ils ont droit de temps en temps.

L'auteur a divisé son roman en cinq parties, chacune intitulée d'un mot, un simple verbe à l'infinitif qui en dit long sur ce qui nous attend : Fuir, Espérer, Résister, Survivre, Sombrer. C'est fort, terrible, déchirant. Les premières lignes nous mettent directement dans le bain et tout du long, on s'y noie entre deux goulées de cet air putride qui a envahi la Jungle.

"Entre deux mondes" est un polar à part, qui nous prend aux tripes non pas à cause d'un suspense insoutenable, mais parce qu'il joue avec les états d'âme de ses protagonistes aussi bien qu'il le fait avec ceux de ses lecteurs.

"Entre deux mondes", c'est un roman sur la dure réalité de la vie des migrants, leurs combats au quotidien, leurs désillusions.

C'est un roman profondément réaliste. Intense. Puissant. Déchirant. Violent. Et pourtant si humain et si généreux. Il est de ces livres qui marquent à vif et qu'on ne peut oublier facilement.


Jade a lu sur Internet qu'on avait 208 fois plus de chances de gagner au Loto que de naître en bonne santé, dans un pays démocratique et en paix, avec un toit sur la tête. J'ai envie de vous donner le même conseil que son père lui a donné : Profitez. C'est injuste, mais profitez.

Qui sait de quoi sera fait demain ?
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506 critiques, une moyenne de 4,39/5 sur 1315 notes. Je crois qu'il est inutile d'en dire plus, ces chiffres parlent d'eux-mêmes.

Pourtant j'ai attendu avant d'ouvrir ce roman, j'avais un peu peur de ce que je lirais. J'avais raison d'avoir peur, c'est violent et malheureusement bien trop réel. Ma lecture a duré 2 jours. J'ai lu ce roman en deux fois, la première fois jusqu'à la traversée en méditerranée, j'ai refermé le roman déjà triste. le lendemain j'ai terminé ce roman et l'ai refermé une seconde fois triste et amère. Nous sommes là soi-disant sixième puissance économique du monde avec un PIB de 2 775,25 milliards de dollars en 2018 et pourtant on a laissé la jungle s'installer, incapable d'aider des gens qui ont souvent tout perdu et qu'on traite pourtant moins bien que nos animaux de compagnie.

Oui ce roman est triste et décrit une réalité qui n'est pas agréable à lire, ce roman met une histoire, des noms et des prénoms là où souvent on ne voit que des chiffres entendus rapidement à la télé facile à oublier, une histoire qui ne laisse personne indifférent et qui ne peut que marquer. Qui laisse des traces, après avoir lu en effet difficile je pense d'oublier.

Difficile d'en dire plus pour moi, de trouver les bons mots pour parler de ce roman-ci ce n'est de vous recommander si ce n'est pas déjà fait de le lire vous-même.

Olivier Norek, vous êtes un grand auteur et vous avez écrit un grand roman. Merci
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Ça s'est passé chez Babelio, à la remise du premier prix des lecteurs. Venu en personne recevoir son trophée, catégorie polars, Olivier Norek a expliqué combien sont importants pour lui les avis des babelionautes qu'il consulte bien sûr chaque matin. Les avis positifs surtout. Quant aux avis plus… critiques, d'un sourire entendu il a précisé qu'en tant que flic il lui était facile de retrouver les noms et adresses cachés derrière un pseudo… (pour info).

Son humour désinvolte m'a plu (le garçon n'est pas moche qui plus outre, mais ça n'a rien à voir, on est bien d'accord) et je me suis dit comme ça qu'il allait décidément falloir qu'à mon tour je découvre le cas Norek.

Pour commencer donc, je viens de lire « Entre deux mondes ».

Et là je dis ouh-lala.

Pour être plus précise, ouh-lala en voilà un bouquin qu'il est grave bien.

Très rapidement pourtant j'ai failli l'abandonner tant les premières pages sont poignantes, pour ne pas dire effroyables (je suis du genre sensible mais quand même). Et puis j'ai persévéré… et ne l'ai plus lâché.

J'étais à Calais. La jungle. « Ces terres entre deux mondes », flics d'un côté, migrants de l'autre, calaisiens un peu plus loin, où la frontière du désespoir se révèle plus floue qu'on ne veut bien le croire.

Olivier Norek y place une intrigue et deux protagonistes marquants. Un flic, un migrant, deux destins parallèles. Eh oui m'sieurs dames, quand un migrant ou un flic tout d'un coup ont un nom, une histoire, une famille, des galères et des sentiments, on se rend compte qu'un migrant ou un flic ce sont des hommes comme vous et moi (enfin surtout vous). Étonnant non ? Là est le dessein de l'auteur, dont la plume intelligente et l'évidente empathie subliment l'humain ou scrutent les dessous complexes de l'actualité avec la même pertinence.

Rien n'est inventé dans ce livre, dit-il, et c'est aussi l'intérêt et la puissance et de cet inoubliable témoignage.

De par le fait, Monsieur Norek, si vous veniez à me lire un beau matin, pas besoin de venir me fracasser les genoux de manière fortuite, car très sincèrement j'ai passionnément aimé votre bouquin.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Cet excellent thriller semble bien étudié pour que l'on prenne conscience de faits réels et qu'on se fasse une idée de ce que peut vivre un migrant. Bien sûr, on réalise par le biais des médias, le drame de ces hommes et ces femmes amenés à quitter leur pays pour l'inconnu, et qui devront par la suite se battre pour survivre, mais est-ce suffisant pour prendre conscience du problème ?

Ce roman nous plonge au coeur de ce bidonville que l'on nomme la jungle de Calais où aboutissent les migrants de nationalités diverses.

Il débute sur quelques passages clés , comme si l'écrivain déplaçait une loupe pour grossir quelques points précis de son récit, que l'on retrouve en avançant dans le roman, ce qui aide à appréhender certains événements difficiles à accepter.

Puis commence l'histoire d'Adam, policier au service de Bachar-el-Assad, infiltré dans le gouvernement , qui se voit obligé de quitter le pays pour fuir la menace de représailles. Il organise en premier lieu la fuite de sa femme et de sa fille et leur promet de les retrouver en France.

Arrivé à Calais, il se met à leur recherche, bien plus qu'une recherche pour le lecteur qui va visiter cette zone inhumaine : Adam n'est plus rien, il garde tout juste son identité, ce qui n'est pas le cas d'un grand nombre de ses pairs échoués là entre leur pays et l'El Dorado promis : le royaume uni. Mais il n'est plus rien. On constatera les tensions entre Soudanais, Pakistanais, Afghans, on réalisera comment des hommes doivent vivre dans ces lieux insalubres, risquant leur vie pour tenter d'accéder outre-Manche, on observera les effets de la pauvreté qui s'accumule parce qu'on y regroupe la misère. « les hommes, c'est comme les pommes, quand on les entasse, ils pourrissent » affirmera à juste titre, Mirabeau.

Ce roman m'a amenée à me poser beaucoup de questions : impuissance des pouvoirs à aider ces hommes et ces femmes, courage des associations d'aide aux migrants, problème de sécurité dans la ville de calais, particulièrement pour les camions qui ne veulent plus livrer dans cette ville, problème sans fin que cette question des migrants, les personnages nous le feront bien sentir : notre deuxième personnage principal, Bastien, un policier qui arrive de Bordeaux et qui ne connaît pas le problème de la ville, s'insurge et ne comprend pas les réactions de ses collègues à l'égard des migrants. Qui a tort, qui a raison ? On est en droit de s'interroger, et de ressentir des sentiments contradictoires, entre un policier qui possède une foi à soulever les montagnes et des personnes qui se voient obligées d'organiser de véritables guet-apens pour dégager la voie publique et se battre contre des hordes d'individus potentiellement dangereux, bien conscients qu'ils ne peuvent venir en aide à cette foule, et se parant d'une sorte d'armure psychologique afin de pouvoir accepter ce qui est inacceptable.

J'ai beaucoup aimé ce roman dont je garderai un souvenir certain.

L'épilogue m'a laissé perplexe, même si j'ai réalisé que cette issue pour l'un des personnage était logique.

Un roman que tout amateur de thriller devrait lire.
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Que dire , après plus de cinq cent cinquante critiques? Je préfère traduire en poésie mon ressenti pour ce roman crève-coeur, bouleversant, au réalisme violent, tout en immersion de l'auteur au sein de la misère, des drames humains qui se jouent près de nous...

Dans le roulis terrible
Deux corps jetés noyés
Comme des objets sans prix
Deux coeurs broyés niés
Adam pourtant espère
Recréer sa famille
Dans la jungle à Calais
Cet enfer de survie
Il y sauve un enfant
Kilani si meurtri
Il croisera un flic
Généreux et ardent
Mais le destin trop noir
Ecrasera l'espoir
Errant entre deux mondes
Adam fantôme sombre
Hante à jamais ma vie
Protégée, à l'abri...

A lire, absolument! Je suis admirative devant le talent de l'auteur, son humanisme, qui s'expriment ici pleinement!

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Je me pose enfin pour écrire ma chronique de ce livre décapant.
Je mets un fond musical. Les morceaux défilent de manière aléatoire.
L'inspiration me fait défaut ou plutôt m'injecte des idées brouillonnes. Je patauge. C'est laborieux. Je ne sais par où commencer.
Je m'apprête à éteindre la musique pour tenter une meilleure concentration.
Et là... Par "hasard", dans les haut-parleurs résonne "Dark night of the Soul" de Ola Gjeilo... Les frissons parcourent ma peau. Les notes me prennent aux tripes.
Ca y est !
Ce morceau - que je ne connaissais pas auparavant - met en musique et exprime exactement les émotions que j'ai vécues à travers ce roman.
Entre deux mondes ou Dark Night of the Soul...
Et le balancier de l'horloge qui passe d'un monde à l'autre, d'une ambiance à l'autre, d'un univers à l'autre.
D'un côté, la force de la violence qui ravage tout, qui s'exporte au-delà des frontières, qui bouleverse des vies jeunes et assèche des vies mûres, qui ôte l'innocence d'un enfant. La violence de la vie dans un camp de réfugiés, le déchirement au moment de la séparation d'êtres qui s'aiment plus que tout, la folie de la cupidité des hommes, le désespoir des rêves qui avortent.

De l'autre, l'amour d'un homme pour les femmes de sa vie, l'amitié qui ose tous les risques, l'humanité d'un policier pas encore aigri, la confiance absolue d'un enfant qui pourtant aurait tant de raisons de se méfier des hommes, l'espoir d'un monde meilleur, la flamme d'un feu qui réchauffe, le battement d'un coeur qui vit, la quiétude d'un appartement confortable, la chaleur d'une douche qui décrasse.

Olivier Norek a la plume solide et réaliste d'un homme d'expérience et de conviction. Il sait qu'un bon roman doit faire vibrer son lecteur à tout niveau.
Les émotions... J'en ai pris pour ma dose : de la hargne à la tendresse, du dégoût à la beauté, de l'énervement à la quiétude. Je suis passée par tous les stades.
Le monde de la migration, encore à mes yeux bien lointain, a pris ses quartiers dans ma chambre, au coeur de mon confinement et m'a appris que je ne connais pas grand chose de la vie, des espoirs et des douleurs de ceux qui n'ont plus rien, de ceux que l'on regarde avec indifférence ou méfiance, que l'on rejette avec mépris et qui sont comme des points noirs, envahissants et malsains dans nos pays occidentaux privilégiés.

Bien sûr, ce livre est un roman.
Pourtant des histoires comme celle-ci il en existe certainement des centaines, des milliers dans le monde. Pas très loin de moi. Dans mes salles de classe. Dans l'appartement voisin.

Et si Entre deux mondes venait me sortir de ma zone de confort, de mon quotidien bien paisible et me plaçait devant ces interrogations : "Maintenant que tu sais, quel monde vas-tu choisir ? Pour quel monde vas-tu t'engager ?"
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Encore une critique sur ce roman vont dire certains…
Ce roman sommeillait dans ma bibliothèque, dont la caractéristique essentielle est qu'elle déborde à force de lire des critiques positives sur Babelio ou sur les blogs de mes amies… et brusquement, l'urgence s'est imposée à moi, il fallait que je le lise illico car la situation est loin de s'arranger dans ce qui n'est plus la Jungle de Calais…
Deux mondes qui vivent en parallèle, et parfois s'affrontent : d'un côté les habitants de la région qui ne connaissent de la guerre que les infos de la TV, ne se rendant plus compte qu'ils sont quand même privilégiés : ils sont libres, mangent à leur faim, ou à peu près, les yeux rivés sur leurs smartphones, repliés sur eux-mêmes, habités par la peur de l'invasion des migrants, leitmotiv des nationalistes de tout crin.
De l'autre, ceux qui ont fui leur pays en guerre, les tortures en tous genres, parmi lesquels, Adam, Syrien, opposant à Assad qui a infiltré la police d'état pour tenter d'obtenir des informations, et qui décide de fuir avant d'être découvert ; il envoie sa femme Nora et leur fille Maya vers la Lybie pour s'embarquer sur la Méditerranée. Il pensait rester encore quelques jours, mais les choses se sont précipitées mais la traversée sera funeste pour elles… Il ne cessera de les chercher en arrivant à la Jungle.
Une nuit il entend des hurlements « inhumains » et se précipite : un jeune garçon, d'objet sexuel au groupe d'Afghans qui font régner la terreur sur la Jungle. Cet enfant ne parle pas et pour cause, sa langue a été coupée par les barbares de son pays. Une complicité s'engage entre les deux. Adam décide de l'appeler Kilani.
La Jungle est une zone de non-droit, où les policiers n'interviennent pas, même si un crime est commis. Pourtant, un jeune policier, Bastien, fraichement muté dans ce coin où personne ne veut venir, mais pour lui c'est l'occasion d'un nouveau départ car sa femme s'est enfoncée dans une dépression profonde depuis le décès de son père.
Bastien se lie à Adam, (entre policiers on se comprend !) et ils tentent d'élucider ce crime, qui sera bientôt suivi d'un autre.
Ce roman noir est un uppercut : il dénonce les passeurs sans scrupules, les migrants qui meurent en Méditerranée, qu'on n'hésite pas à jeter par-dessus bord s'ils dérangent et risquent d'attirer l'attention (une petite fille qui tousse et qu'on jette à l'eau), l'exploitation des communautés par celle qui est la plus nombreuse, les règlements de compte, les tentatives désespérées pour rejoindre « Youké » (United Kingdom) en prenant les camions d'assaut.
C'est qu'ils sont dérangeants ces migrants, ils font fuir les touristes, les commerçants, vident les plages (comment envisager de se baigner sur une plage qui longe la Jungle n'est-ce pas?)
Il y a quand même des associations, des individus qui se sentent concernés… Une question me hante: aurais-je le courage de faire ce qu'ont fait Bastien et sa femme? « On ne saura jamais vraiment ce qu'on a dans nos ventres… » comme le chante si bien Jean-Jacques Goldmann.
Olivier Norek nous livre un superbe roman, bien écrit, sans tabou, ni pathos, ni bons sentiments : des faits, des ressentis… et au passage il exprime très bien notre sentiment d'impuissance face à tant de souffrance. Il prend une connotation particulière avec le hard Brexit et l'arrivée de BOJO au 10 Downing Street …
Ce roman est un coup de coeur et je vais continuer à explorer l'oeuvre d' Olivier Norek. Je comprends l'engouement des lecteurs…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Entre deux mondes : loin de leur pays ravagé par la guerre ou la famine, souvent séparés de leurs proches... et sans statut en Europe, indésirables, même.
Entre deux mondes : pas tout à fait morts, ayant survécu au pire pour venir jusqu'ici... mais plus vraiment vivants, parce que cette situation d'attente a de quoi les rendre dingues, ces milliers de migrants arrivés difficilement jusqu'à Calais. Beaucoup espèrent encore passer en Angleterre, risquent la mort pour cela - c'est de plus en plus difficile depuis le Brexit. D'autres ont renoncé après moult tentatives infructueuses, certains parmi eux s'enrichissent sur le dos de ceux qui y croient encore...

Dans la Jungle, aussi : des bénévoles, des associations humanitaires.
De l'autre côté : des flics, certains font le sale boulot de la 'chasse au zombie' avec zèle, d'autres contournent ce qu'on exige d'eux comme ils peuvent : « A la fin, il faudra regarder tout ce qu'on a accepté de faire [...]. Et ce jour-là, j'ai peur de me dégoûter. »

L'intrigue policière n'est qu'un prétexte. Cet ouvrage est avant tout un formidable roman documenté sur la vaste problématique des migrants de Calais. Grâce aux regards naïfs des deux personnages principaux (un policier et un exilé récemment arrivés), le propos est à la fois simple et riche d'enseignements : guerre en Syrie, moyens de fuir, business des passeurs sans scrupules, abus sur femmes et enfants, conditions de (sur)vie dans la Jungle, où, là encore, la terreur et l'inconfort règnent, où la loi du plus fort sévit. Il est également question du ras-le-bol de certains Calaisiens parce que l'économie locale s'est effondrée à cause de 'tout ça', de la peur des chauffeurs-routiers agressés, des guerres de clans dans la Jungle (bagarres et meurtres), des terroristes qui profitent du chaos ambiant pour recruter, et bien sûr de la position ambiguë du gouvernement - et de ses mesures qui semblent totalement inacceptables aux citoyens compatissants que nous sommes. Compatissants et indignés, mais peut-être trop éloignés de ces difficultés pour en prendre pleinement la mesure ?

Olivier Norek fait preuve d'une jolie sensibilité dans ce roman qui n'en est pas vraiment un : « Face à la violence de la réalité, je n'ai pas osé inventer », précise-t-il en préambule. Il parvient à faire surgir des moments d'émotion intense, beaucoup d'humanité, au milieu de tant de fange, de noirceur humaine, de misère, d'indifférence. On lit ces pages la gorge nouée de chagrin et de colère, on se sent impuissant, on admire tous les courageux qui parviennent à donner du temps, de la douceur, de l'espoir à ces gens démunis. Bravo et merci à eux. ♥
_____

Lire aussi 'Eux c'est nous' (collectif), 'Les échoués' (Pascal Manoukian), 'Les nouvelles de la jungle de Calais' (Lisa Mandel & Yasmine Bouagga), 'On la trouvait plutôt jolie' (Michel Bussi), 'Tous migrants' (Cartooning for Peace), 'Akim court' (Claude Dubois), 'Police', (Hugo Boris), voir le film 'Welcome' (Philippe Lioret), etc.

Pas sûr qu'on comprenne mieux après, parce que « Tout cela n'[a absolument] aucun sens. Aucune morale. » Mais on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas.
Et pour agir, eh bien je ne sais pas, il y a des associations, il faut trouver la bonne, avec les risques de dérives :
« - C'est une petite ville ici [la Jungle], quand un type s'attaque aux Afghans, c'est assez rare pour se savoir vite. Surtout quand il les attaque seul. Personne ne s'en prend à eux, et encore moins à leur maison de sexe.
- Carrément, c'est officiel ? Tout le monde le sait ?
- Oui, tout le monde sauf toi. Ils l'ont édifiée avec les bénévoles du Secours catholique qui pensaient, eux, construire une école. Cinq euros pour un adulte, dix pour un enfant. Tu as perturbé un marché qui rapporte beaucoup. »
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Bienvenue dans la Jungle de Calais.
Enfin, "bienvenue"... Drôle de mot pour une descente dans l'enfer de la migration clandestine donc illégale. La Jungle, un monde entre deux mondes, entre un pays en guerre ou affamé où le retour n'est pas envisageable, et un paradis rêvé, espéré, fantasmé, peut-être mensonger, en tout cas hypothétique : le Royaume-Uni, UK, Youké. Quelle est la probabilité la plus grande : celle de gagner à la loterie ou de traverser la Manche incognito ?
En attendant, Adam est coincé dans cette Jungle. Policier syrien, opposant au régime de Bachar & Cie, il tente de retrouver sa femme et sa fille, enfuies avant lui. Elles ne sont pas (encore?) arrivées à Calais. En attendant, il prend sous son aile un jeune garçon noir, muet, maltraité par d'autres migrants. Parce que la Jungle est un endroit sans foi ni loi sauf celle du plus fort, où la police n'intervient pas ("Logique, si on refuse de les intégrer à la France, ce n'est pas pour les faire entrer dans le système judiciaire"), Adam veut tenter d'y rétablir quelques atomes de justice, avec l'aide d'un flic un peu plus investi (ou plus naïf) que les autres.

Ce roman fait mal.
Enfin, "roman"... C'est tellement réaliste que c'en est presque un documentaire.
Et ça fait encore plus mal.
De savoir que ça existe et de se sentir impuissant voire coupable.
De lire une telle violence, une telle horreur, permise au nom d'enjeux politico-économiques, et de me demander comment j'ose encore me plaindre de mes tracas quotidiens dans mon pays de cocagne.
L'humain, là-dedans ? Ah oui, l'humain, cette quantité négligeable...

Dans ce roman percutant, Olivier Norek met en lumière la complexité de problématiques qui s'entrechoquent (les migrants qui refusent de demander l'asile en Europe continentale, obsédés par l'Angleterre, la Jungle qui ruine la région de Calais et ses habitants, et qui fait monter la xénophobie, les bons flics et les mauvais, et les blasés,...). Il déroule une intrigue glaçante qui se lit comme un thriller, décrit la Jungle presque mieux qu'un journaliste, et crée des personnages très attachants pour la plupart, suscitant l'empathie. Un roman dérangeant parce que, même si la Jungle a été démantelée en 2016, les migrants en quête de "Youké" continuent d'arriver et de rester en transit de ce côté de la Manche, et les politiques de se voiler la face.
Les migrants restent et les questions "que faire, qu'en faire?" aussi...
Lien : https://voyagesaufildespages..
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