Premier roman d'
Orhan Pamuk, publié en Turquie en 1982, il n'est paru en France qu'en 2014, sans doute grâce à la notoriété apportée à l'auteur par son prix Nobel de littérature. le livre est en effet très long : presque mille page dans la version poche, et fait beaucoup référence, pas toujours de façon explicite, à l'histoire de la Turquie.
Il s'agit d'une grande saga familiale, sur trois générations, chaque partie du livre se place à un moment crucial de l'histoire du pays. Dans la première partie, nous faisons connaissance avec le Cevdet Bey du titre, sur le point de se marier, de donner les assises à sa vie future, en 1905, au moment de la prise de pouvoir par les Jeunes Turcs, amenés par Mustafa Kemal, et la déposition d'Abdülhamid II.
Dans la deuxième partie, la plus longue, et qui se déroule sur plusieurs années, dans les années trente du siècle dernier, nous retrouvons Cevdet Bey, devenu un vieil homme, entouré de sa femme, de ses trois enfants, des premiers petit-enfants, dans sa luxueuse maison. Il a su faire prospérer son commerce, la succession est assurée. Cette partie est plus chorale, même si petit à petit, Refik, le fils cadet, apparaît comme le personnage principal, d'autres se voient accorder beaucoup de place, que ce soit dans la famille, où à l'extérieur, comme les deux meilleurs amis de Refik. Mustafa Kemal est sur le point de mourir, certains vont prendre la succession, l'Europe se dirige pendant ce temps vers la deuxième guerre mondiale.
Dans la troisième partie, qui conclut le roman, nous retrouvons certains personnages, nous avons les nouvelles d'autres, mais le récit suit Ahmed, le fils de Refik, jeune peintre. Nous sommes en 1970, à la veille du coup d'état militaire.
Les personnages du roman sont issus de la riche bourgeoisie qui va prendre son essor grâce aux changements initiés par Mustafa Kemal, qui s'occidentalise, dont la richesse et les modes de vie la coupent du reste de la population, dont le quotidien est bien plus difficile. Cette façon de suivre une famille de bourgeoisie aisée sur plusieurs générations, avec en arrière plan l'histoire du pays et du monde, rappelle bien sûr un certain nombre de livres célèbres : les Buddenbrook de
Thomas Mann, les Forsyte de
John Galsworthy, les Thibault de Roger Martin du Gard etc. de grands cycles romanesques qui ont marqué plusieurs générations de lecteurs et qui ont valu la reconnaissance à leurs auteurs.
Mais ces grands cycles romanesques centrés sur une classe moyenne aisée, qui ont marqué la première moitié du vingtième siècle, ont un côté un peu anachronique dans les années 80. Ce que reconnaît l'auteur lui-même. le livre n'est pas dépourvu de certaines maladresses de construction : la deuxième partie tellement plus longue que les deux autres, qui se passent elles, sur une seule journée, des longueurs dans cette deuxième partie, des répétitions, et le personnage principal, Refik, même s'il est sympathique, n'a pas une personnalité suffisamment forte pour le nombre de pages qui lui sont consacrées.
Néanmoins, cela fonctionne très bien, le livre est très prenant et très agréable à lire.
Orhan Pamuk sait maintenir l'intérêt du lecteur, ce qu'il évoque lui tient à coeur : il est lui-même issu du même milieu que ses personnages, et c'est un peu ses souvenirs, son histoire et ses questionnements qu'il nous dit à travers des héros imaginaires.
J'aime beaucoup les livres d'
Orhan Pamuk et je suis heureuse d'avoir pu découvrir son premier roman, qui même s'il ne sera pas mon oeuvre préférée de l'auteur, a été un bon moment de lecture, et m'a permis de voir le chemin qu'il a parcouru dans sa création littéraire.