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Julien Lapeyre de Cabanes (Traducteur)
EAN : 9782073017840
800 pages
Gallimard (12/10/2023)
3.64/5   181 notes
Résumé :
En avril 1901, il se murmure que la peste s'est déclarée à Mingher, une île au large de Rhodes sur la route d'Alexandrie. Deux éminents spécialistes des épidémies sont dépêchés sur place par le sultan Abdülhamid II.
La maladie infectieuse est rapidement confirmée mais imposer des mesures sanitaires représente un véritable défi, en particulier lorsqu'elles se heurtent aux croyances religieuses. Dans cette île multiculturelle où musulmans et orthodoxes tentent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Prix Nobel de littérature, Orhan Pamuk est né et vit à Istanbul, point de rencontre de l'Orient et de l'Occident, carrefour d'influences culturelles qui ne sont pas vraiment compatibles et dont il est un observateur critique avisé. Pour Les nuits de la peste, son dernier roman, il a imaginé une épidémie de peste en 1901 à Mingher, une île fictive de la Méditerranée orientale, au sein de l'Empire ottoman.

Un gros pavé de sept cents pages, tellement riche et foisonnant qu'il est difficile de le définir ! Essayons d'y voir clair et commençons par le coeur du sujet.

Sur l'île de Mingher, les références spirituelles sont partagées entre l'islam et le christianisme orthodoxe. Une partie des habitants est tentée par la modernité et la libre entreprise, l'autre partie est attachée aux traditions et à la soumission. le Gouverneur, nommé par le Sultan, n'a pas la tâche facile pour répondre en même temps à la raison et aux croyances, pour accompagner les initiatives des uns et respecter le fatalisme des autres. Quand toutefois apparaissent les premiers indices d'une épidémie de peste, la dénégation est unanime : « il n'y a pas de peste chez nous ». le clivage ne se manifeste qu'ensuite ; dans la frange la moins éduquée de la population, on se demande si les médecins, formés en Occident, n'ont pas importé eux-mêmes le bacille ! La suspicion s'étend lors de la mise en place de mesures sanitaires – quarantaine, isolement des malades, destruction d'effets contaminés, fermetures –, chaque groupe y voyant une stratégie complotiste d'un groupe adverse. Contestations, rebellions, violences ; la répression se veut implacable, la tension devient extrême.

Mais à la surprise des observateurs, l'épidémie joue un rôle déclencheur dans la destinée de Mingher. L'auteur a imaginé que face à l'incapacité de l'Empire à endiguer l'épidémie, les institutions basculent : un militaire laïque prend le pouvoir, déclare l'indépendance de Mingher, mais ne parvient pas à améliorer la situation sanitaire ; le théologien islamique qui prend sa place fait encore pire. Puis, dans l'île qu'un blocus isole du reste du monde, s'installe peu à peu un sentiment national autour d'une légende mythologique « minghérienne », dans laquelle finissent par se reconnaître tous les corps sociaux… Un sentiment national assez puissant pour devenir un jour absurde et excessif…

La fiction s'accompagne d'un aperçu documentaire sur un Empire ottoman en déclin, proche de sa chute : bureaucratie ubuesque, pouvoir absolu d'un sultan à bout de souffle, insignifiance d'une famille de princes trop gâtés pour être capables de quoi que ce soit et vanités de princesses plus subtiles qu'il n'y parait, mais recluses dans leurs palais.

Une exception : par la justesse d'observations transcrites dans sa vaste correspondance, la princesse Pakizê, nièce du sultan au pouvoir, marque les événements et leur récit de son empreinte. Élevée à Istanbul, intronisée à Arkaz (capitale de Mingher), puis réfugiée à Hong Kong avant de finir ses jours à Genève, elle mène avec son mari, le docteur Nuri, une longue histoire d'amour, dont l'harmonie tranche avec d'autres, brisées tragiquement.

Réunir dans un même livre le récit des aventures surprenantes d'une princesse-sultane, une spectaculaire fresque sociopolitique et une saga historique authentique constitue une véritable prouesse littéraire. Ajoutons que les péripéties racontées sont l'occasion pour le lecteur de contempler les beautés naturelles de l'île, de respirer l'atmosphère des avenues élégantes et des faubourgs populaires d'Arkaz ; la profusion de détails est telle qu'on en oublie que Mingher n'existe pas. Ajoutons encore que Pamuk fait mine de céder ses talents de conteur et la fluidité de sa plume à une narratrice qui réserve quelques surprises dans le dernier chapitre.

Ma critique, écrite après avoir refermé le livre, pourrait sembler dithyrambique. Je n'oublie pourtant pas l'ennui parfois ressenti au cours de ma lecture, la difficulté à lire plus de dix pages à la suite, l'impression d'errer péniblement sans savoir où j'en étais ni où j'allais. Comment l'expliquer ? Peut-être ai-je été anémié par l'extrême chaleur de ce mois d'août… Et si, tout simplement, lire Les nuits de la peste méritait de prendre tout son temps. Orhan Pamuk lui-même a bien mis cinq ans à l'écrire !

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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« La princesse Pakizê et son mari, tels deux héros de ces romans de détectives dont raffolait le sultan, déployèrent beaucoup d'énergie et d'intelligence pour essayer de résoudre l'énigme du meurtre de Bonkowski Pacha. Parfois, à cause de la haine qu'elle avait de son oncle, la logique de la princesse sultane se laissait égarer par ses sentiments, chose tout à fait indigne de Sherlock Holmes, et elle était alors certaine, à l'instinct mais certaine, que c'était son oncle, le malveillant Abdülhamid, qui avait fait assassiner Bonkowski Pacha. Et quand son mari écartait son hypothèse au motif que, non, impossible, et la preuve c'est que votre oncle nous a engagés comme détectives, elle trouvait son raisonnement stupide, humiliant, et à la fin le fit savoir. »

Le personnage de cette princesse Pakizê est au coeur de ce roman foisonnant. Son père a brièvement été sultan de l'empire ottoman, avant d'être renversé par son frère, le sultan Abdülhamid. Leur famille est depuis tenue en semi-captivité au palais. Nous sommes en 1901. Pakizê a été mariée par le sultan à un certain Docteur Nuri, spécialiste de la peste, au physique ingrat. Contre toute attente, c'est une bonne pioche car ces deux-là deviennent vite inséparables. Alors qu'ils se dirigent vers la Chine pour participer à un congrès, le bateau qui transporte la délégation ottomane est déroutée vers l'île de Mingher, une île (imaginaire) située non loin de Rhodes. Un foyer de peste y a été détecté et les deux plus fameux médecins de l'empire y sont déjà. Mais l'un deux, Bonkowski Pacha est assassiné.

Ohran Pamuk sait dérouler patiemment le fil de ses intrigues, avec lenteur souvent et ici, il faut bien le dire, avec aussi beaucoup de redites imposées par le sujet. Comme c'était pour moi une lecture de vacances, j'ai pris tout le temps nécessaire pour m'imprégner de ce roman. J'ai réellement l'impression d'avoir arpenté les rues d'Arkaz dans tous les sens, en compagnie des nombreux protagonistes de cette satire. Pour cela, je me suis souvent référé à la carte d'Arkaz placée au début.

Sur cette île, où musulmans et chrétiens grecs ont des populations équivalentes, tout est explosif. La peste sera un révélateur terrible de toutes ces tensions et ces manoeuvres politiques. Un nationalisme minghérien verra le jour : les autochtones y parlent une langue ancienne tout à fait originale.

J'ai été séduit par ce roman, à la construction astucieuse, malgré son côté étouffant. Au fur et à mesure de la progression de la peste, beaucoup voudraient fuir cette île et leurs responsabilités. Mais ce ne sera pas possible…
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Il y a des livres vis-à-vis desquels je ressens une forme de loyauté aussi pesante que révérente. Malgré la langueur qui me saisissait systématiquement après trois ou quatre pages, malgré mon incapacité à mémoriser le nom de tous les personnages, et l'impression persistante que, de toute manière, ça n'avait pas beaucoup d'importance car tous finiraient par voir leur statut social cul par-dessus tête voire mourir de la peste, Les nuits de la peste m'ont imposé cette déférente aliénation tout le temps, interminable, qu'a duré ma lecture.
Il faut dire que les circonstances de cette lecture ont compris de longues journées de chaleur suivies d'une véritable canicule ainsi que le passage d'une septième vague de coronavirus. Quoi de mieux qu'une telle analogie de contexte pour goûter l'ambiance fin du monde de cette fictive île méditerranéenne aux prises avec la peste, me suis-je dit ? D'ailleurs, j'ai fini par voir dans le réel qui m'environnait un facteur de démultiplication du cadre romanesque. Ainsi, se renforçant l'un et l'autre, la pandémie fictive faisait grandir les conséquences du covid bien réel dans la représentation que j'en avais tandis que la fournaise qui cramait mon petit jardin accentuait la dimension apocalyptique des descriptions des Nuits de la peste. Un effet réalité augmentée sans lunette ni technologie associée en quelque sorte. Tout à fait saisissant.
Outre l'effet de réel (un peu trop prononcé pour votre serviteur), Les Nuits de la peste ont pour elles aussi l'invention séduisante du cadre romanesque : une île méditerranéenne qui n'existe que dans l'imagination de son auteur mais dont la situation géographique exacerbe tous les enjeux géopolitiques tant du côté des appétits européens colonisateurs que de l'effondrement de l'empire ottoman : délicieuse dystopie dont on savoure d'avance les leçons philosophico politiques. Une épidémie dont la puissance aveugle remet au goût du jour les terreurs ancestrales, emporte n'importe quelle société quelle que soit le ferment cardinal de sa culture, son modernisme ou sa religiosité, vers l'anarchie et la violence. Une narratrice historienne que l'on découvre plus attachée à ses personnages que son rôle initial voulait le faire croire. Une fille de sultan déchu, un médecin progressiste mais amoureux, un gouverneur intransigeant mais perspicace, quelques religieux fanatiques, pharmacien, cochers, soldats, toute une faune pittoresque et charmante, contenant un milliard de potentiel romanesque…
Alors, à quoi attribuer cet ennui presqu'indifférent à son objet, cette forme de fatalisme accablé qui me faisait mollement tourner les pages ? Je crois sérieusement que si l'on prenait n'importe quelle page de ce roman et qu'on en analysait les qualités littéraires, on aurait, à chaque fois, un petit bijou. C'est ce qui m'a fait tenir dans ma lecture aussi : ce livre est constitué de milliers d'extraits tous aussi charmants, spirituels, justes et joliment écrits les uns que les autres. Une fois la dernière page enfin parcourue, j'ai bien pu constater aussi que la structure globale se tenait et que tous les épisodes par lesquels passaient les personnages constituaient, finalement, une fresque chamarrée et pleine de rebondissements. Pourtant, le nez sur chacune de ces péripéties, j'ai eu le sentiment de m'enliser. Malgré les procédés pleins d'ironique intertextualité où la narratrice souligne la grandeur de telle action, le sublime de tel geste, les appels à considérer tel ou tel passages à la lumière que l'Histoire lui conférerait ensuite, l'impression qui a persisté est celle d'une vague impuissance de laquelle ni le fanatisme religieux ni l'hygiénisme, ni la rationalité occidentale ni la science politique ancestrale pas plus que la narration ne parvenait à imprimer un quelconque relief. Finalement, je suis bien contente d'en avoir fini. de la chaleur étouffante et de ce livre que je n'ai pas su comprendre et apprécier malgré tous mes efforts.
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Comme la rose de Mingher qui s'épanouit dans ses pages, ce roman est délicatement sensuel, subtil dans ses nuances, enivrant et complexe dans sa composition.
1901, on débarque à Mingher, île de Méditerrannée tout droit sortie de l'imagination malicieuse du conteur Pahmuk, aux côtés de deux spécialistes des épidémies et d'une princesse ottomane, nièce du sultan Abduhlamid II. C'est lui qui les a missionnés afin de combattre l'épidémie de peste qui se répand inexorablement dans les corps et les coeurs des Minghériens.
C'est le point de départ d'un récit fabuleux et envoûtant, pris en charge par une narratrice-historienne qui s'appuie sur les lettres de la princesse pour reconstituer l'histoire de Mingher, et à travers elle les derniers soubresauts de l'Empire ottoman. Ou quand une pandémie devient le révélateur des luttes de pouvoir entre les communautés religieuses de l'île et souffle sur les braises de l'indépendance.
Grâce à une narration étourdissante qui n'hésite pas à dévoiler les ressorts de l'intrigue, et à faire entrer en résonance passé et présent, l'auteur turc compose une oeuvre protéiforme, tour à tour roman policier, conte oriental, ou récit politique avec un sens de l'intrigue époustouflant.
Il parvient à nous faire parcourir ces nuits silencieuses des villes confinées, décrivant la peur de la contagion, le déni des uns et la paranoïa des autres, les mesures sanitaires, le chagrin des survivants, et la maladie, impitoyable qui balaie les uns après les autres les personnages les plus emblématiques de l'histoire sans distinction d'aucune sorte. Les similitudes avec une récente pandémie sont troublantes évidemment.
Et puis Pahmuk ne laisse rien au hasard, il élabore tout un monde avec minutie et une force d'évocation rare : c'est comme si j'avais parcouru Mingher, ses rues, ses geôles, je suis entrée dans l'intimité des amoureux, l'arrière-boutique des pharmacies, j'ai vu les corps chaulés et senti le parfum de l'eau de rose de Mingher. J'ai fait un fabuleux voyage.
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Ah, l'île de Mingher, "perle de la méditerranée orientale", elle a tant inspiré les peintres et les poètes ! N'écoutez pas les horribles matérialistes qui prétendent qu'elle n'existe que dans l'imagination d'Orhan Pamuk, ils ont évidemment raison, mais cette contrée fictive et paradisiaque est tellement vivante dans Les nuits de la peste qu'il suffit de se laisser porter par les mots du Prix Nobel turc pour la découvrir dans ses plus intimes fragrances. L'écrivain, non sans malice, a choisi une (fausse) historienne comme narratrice de l'année 1901 dans ce territoire de l'empire ottoman vacillant, soudain frappé par la peste. Nullement influencé par la pandémie du Covid, puisque le début de son écriture est antérieur, le roman est une fresque monumentale et détaillée d'une tragédie sanitaire qui embrase une communauté où cohabitent tant bien que mal musulmans et chrétiens. le livre, qui est censé se baser sur les écrits d'une fille d'un sultan déchu, par ailleurs épouse d'un médecin dépêché sur place, peut être rattaché à de multiples genres : récit historique sur la déchéance de la Sublime Porte, "l'homme malade de l'Europe", roman policier placé sous l'aile de Sherlock Holmes, ouvrage politique dont on s'amusera à relever les réflexions on ne plus actuelles sur le nationalisme et l'exercice du pouvoir en temps de crise et même roman sentimental, avec plusieurs couples tendrement liés alors que la mort rôde. Ce livre-fleuve, qui abonde en digressions et décrit un nombre de personnages presque aussi élevé qu'un roman de Tolstoï (référence évidente) n'est pas exempt de quelques longueurs, notamment dans sa première partie, mais il peut s'agir aussi d'un léger coup de "moins bien" d'un lecteur assailli par une narration tellement féconde et généreuse. Quant à savoir démêler le vrai du faux dans cette épopée à la fois grandiose et dérisoire, comme le sont toutes les entreprises humaines, c'est tout bonnement mission impossible, et peu importe, car c'est un vrai plaisir que de suivre Pamuk, dans ses orientales et romanesques arabesques.
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critiques presse (12)
Telerama
16 octobre 2023
"Les Nuits de la peste" est un geste romanesque perspicace, ambitieux, souverain.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeJournaldeQuebec
31 août 2022
Avec ce magnifique roman qui compte près de 700 pages, le célèbre écrivain turc Orhan Pamuk nous entraîne en 1901, à une époque où la peste faisait encore rage dans certains coins du monde.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaPresse
08 mai 2022
Si certains passages du roman sont répétitifs, le livre n’en reste pas moins un savant dosage de réflexions sur la nature humaine, sur le manque d’éducation et sur les périls de l’autoritarisme. Un roman malheureusement très actuel.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Le Stambouliote se mue en Shéhérazade maudite par la peste en 1901, sur l’île imaginaire de Mingher, au large de Rhodes sur la route d’Alexandrie. Un conte à dormir debout.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeDevoir
25 avril 2022
Le 11e roman d'Orhan Pamuk nous plonge dans une épidémie de peste sur une île de la Méditerranée au début du XXe siècle.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeMonde
18 avril 2022
Une fresque somptueuse signée du Prix Nobel 2006, qui évoque le basculement d’un monde.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
21 mars 2022
Le démiurge Orhan Pamuk consacre son livre-monde, Les Nuits de la peste (un "océan de signes" de près de 700 pages, à la fois roman historique, politique, scientifique ou encore policier) au déclin de l'empire ottoman, avec un focus sur la peste et un autre sur l'éclosion des nations et le nationalisme... Un roman "total", aux accents, pandémie oblige, très contemporains.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
17 mars 2022
Le Prix Nobel de littérature imagine, sur fond d’épidémie de peste, l’émancipation d’une île à l’époque de l’Empire ottoman finissant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaLibreBelgique
16 mars 2022
Le prix Nobel turc, Orhan Pamuk, est un fantastique raconteur d'histoires, un Tolstoï ou un Balzac du Bosphore. Il le prouve avec Les nuits de la peste.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
14 mars 2022
Suivant la trame d’un roman policier, le dernier ouvrage de l’écrivain turc Orhan Pamuk [...] évoque puissamment les ravages d’une épidémie et la fin de l’Empire ottoman. Un récit sur la vanité du pouvoir et la survie hasardeuse de l’humanité.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LesInrocks
14 mars 2022
En racontant une épidémie de peste en Turquie, l’auteur met à nu ce qui fait basculer l’humanité dans le pire quand advient une pandémie.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LePoint
03 mars 2022
C'est une somme hallucinante, avec un luxe inouï de détails et des personnages aussi vivants que chatoyants – princesses d'Istanbul sensuelles et avisées, médecins du palais et officiers héroïquement médaillés, bandits grecs en cavale et chefs de confréries mystérieuses, popes et pachas – évoluant dans une construction romanesque impeccable et excitante, à la fois Belle Époque et orientale.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
En 1901, quand un bateau à vapeur parti d'Istambul, après quatre jours de navigation vers le sud, crachant des panaches de fumée noire et laissant derrière lui l'île de Rhodes pour entrer dans ces eaux méridionales riches en périls et en orages, continuait sa course encore une demi-journée en direction d'Alexandrie, ses passagers pouvaient apercevoir les tours élancées de la Forteresse d'Arkaz, sur l'île de Mingher. Au moment où surgissait à l'horizon ce majestueux paysage dont Homère, dans l'Iliade, dit qu'il est comme "un diamant vert taillé dans la pierre rose", certains capitaines, esthètes dans l'âme, invitaient les passagers à sortir sur le pont admirer au loin la sombre et mystérieuse silhouette de la forteresse, l'île de Mingher tout entière, et les peintres en route pour l'Orient, y ajoutant quelques sombres nuages de tempête, faisaient de cette vue romantique des tableaux.
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Mingher n'est pas Smyrne ! s'écria le gouverneur. Nous n'avons pas d'épidémie ici. (.....) Or les médecins sanitaires qui ont répandu la nouvelle de l'épidémie sont tous orthodoxes, ils ont partie liée avec la Grèce, et Sa Majesté Impériale se méfie de la fourberie des consuls, elle vous à même défendu de rencontrer les membres du Conseil sanitaire de Mingher.
- Nous avons d'autres informations, mon pacha.
- Ce sont ces vieux médecins grecs qui ont fabriqué la rumeur, qu'ils se sont bien empressés de faire placer dans les journaux d'Istanbul. Voyez - vous, mon pacha, beaucoup d'hommes rêvent de faire de cette île une seconde Crète, et les consuls ne sont pas les derniers à mettre de l'huile sur le feu. D'abord ils veulent la ruiner, ensuite ils nous l'arracheront. Traitez - moi de fou, mais le monde nous regarde, faites attention !
Etait - ce une sorte de menace ? Les trois fonctionnaires impériaux, un musulman, un catholique et le troisième orthodoxe, se dévisagèrent un moment en silence.
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L'absence de forces de police ou de soldats capables de maintenir l'ordre encourageait les malfrats. Quelques truands hardis et ignorants arpentait le port en cherchant un bateau qui les emmènerait à Smyrne ; des affrontements éclataient sur le quai, aussi bien avec les soldats qu'avec les évadés de la quarantaine. La première empoignade sérieuse opposa des prisonniers à un épicier qui vendait des figues, des noix et du fromage de la campagne, en bas de la montée de Fait-Braire-l'Ane. Un des bagnards était en train de s'envoyer des figues au fond du gosier, un autre ravitaillait sa besace en fromages, lorsque les camarades de l'épicier sortirent et passèrent à l'attaque. Le contact avec les bandits ne leur faisait pas peur ; ils savaient que ceux-là n'étaient pas des pesteux qui sortaient de quarantaine. Un frère de l'épicier et quelques - uns de ses amis, tout à leur joie d'avoir quitté la Forteresse où ils étaient depuis cinq jours à l'isolement parce qu'on les avait "injustement" comptés comme contaminés, se jetèrent à leur tour sur les bandits. L'attroupement se dispersa après cinq minutes de bagarre, une pluie de coups de gourdin, mais déjà le bruit se répandait que des "pesteux" avaient mis en déroute une bande de prisonniers qui attaquaient leur commerce.
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6. « Après le drapeau ottoman, flottèrent successivement sur l'ancien palais du gouverneur : le drapeau minghérien de 1901 à 1912, les drapeaux italien et minghérien de 1912 à 1943, le drapeau allemand entre 1943 et 1945, le drapeau anglais entre 1945 et 1947, et depuis 1947 à nouveau le drapeau de Mingher dessiné par le peintre Osgan. (Notre cher peintre fur arrêté chez lui une nuit d'avril 1915, en même temps que deux mille et quelques autres intellectuels arméniens, sur ordre du "héros de la liberté", le Premier ministre Talat Pacha, et personne n'eut plus jamais de ses nouvelles.)
Toutes ces différentes bannières colorées qui flottèrent sur l'île au fil des années n'accrurent en rien la diversité culturelle et la pluralité des modes de vie à Mingher car, de 1901 à 1952, soit pendant un demi-siècle, le président Mazhar (1901-1932) comme le président Hadid (1932-1943) et les autres prétendus "présidents", semi-présidents et gouverneurs de l'île qui collaborèrent avec les Italiens et les Allemands poursuivirent tous la même politique de minghérianisation systématique, interdisant l'enseignement de l'histoire grecque et ottomane, et enfermant dans des camps de travail Turcs et grecs, dont certains furent de véritables héros. Nous avons fourni une étude détaillée de cette période dans notre livre _La Minghérianisation et ses effets_, ouvrage interdit sur l'île pendant vingt ans, ensuite expurgé de plusieurs passages, et payé au prix fort par son auteure. » (p. 658)
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A présent, songeait le docteur Nuri, la violence de la peste et l'étendue de sa victoire leur avait ôté jusqu'au goût de l'espoir. Les liens se distendaient, les relations s'étiolaient, l'envie était pauvre de se faire des amis, d'apprendre de nouvelles choses, même de réagir aux rumeurs. A chacun suffisait sa peur, ses blessures, son chagrin. Les voisins mouraient dans l'indifférence.
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Vidéo de Orhan Pamuk
Le nouveau roman "Les Nuits de la Peste" de l'écrivain turc Orhan Pamuk se présente comme le théâtre d'une grande fresque historique qui résonne avec l'actualité. La pandémie mondiale est venue donner une actualité poignante au roman qu'il écrivait depuis trois ans.
Son récit mêlant fiction et réalité raconte les ravages une épidémie de peste dans l'île fictive de Mingher en 1901, contrée de l'Empire Ottoman en déclin. Un livre à la croisée des chemins et des genres. Roman historique, roman d'amour et roman politique, ce livre vient interroger notre rapport à la fiction et au réel, l'imaginaire se mélangeant au réel, et le romanesque à l'historique. La véritable prouesse d'Orhan Pamuk consiste à jouer avec les codes de la fiction et à rendre la frontière poreuse entre l'histoire et la grande Histoire. Au milieu de ce drame humain et politique, l'amour est un refuge pour ceux qui se battent contre l'épidémie.
Orhan Pamuk nous livre une réflexion sur le pouvoir et la liberté, à l'heure où s'amorcent le délitement de l'Empire Ottoman et les conflits de succession entre sultans.
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