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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Un homme qui dort » décrit par le menu une non existence, la tentative de négation d'une vie par un homme à qui le narrateur s'adresse directement en lui disant tu, un étudiant de 25 ans pour qui tout commence dans ce récit par le refus de se rendre à un examen. Mais d'après mes rapides soupçons (confirmés par la 4ème de couv' elle-même), le narrateur s'adresserait à lui-même, dans un monologue schizophrène et sans aucune altérité, en l'absence de dialogues cela va de soi. La boucle est donc bouclée en ce qui concerne les personnages (1+1=1), dans une 'figure de style' finalement bien sentie. Sinon, tout semble être passé au crible le long de ses 150 pages qui peuvent paraître longues : les pensées, les actions, l'environnement, le quotidien, les promenades. De détails en... détails, de gouttes d'eau qui fuitent du robinet en striures au plafond de la chambre que le héros examine, le temps semble prendre l'essor d'un élastique infatigable qui revient inlassablement à sa position de départ. Sauf à la fin, où le narrateur prend conscience de la vacuité de son entreprise, comme dans une démonstration par l'absurde.
Au final le récit me semble très réussi, perché quelque part entre exercice de style et entreprise métaphysique, dans une adéquation entre fond et forme. De là à dire que cela m'a plu, il faudrait pour cela aimer la sensation de malaise amer et glauque qu'il m'a laissé en bouche.
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Un Homme qui dort. Ce livre de Perec m'a dans un premier temps complètement déroutée. Pas de chapitres, mais des paragraphes espacés de zones blanches plus ou moins longues. le tutoiement. L'emploi du présent de l'indicatif. le personnage principal dont on ne connaît jamais le nom. le titre du livre.
Un étudiant, qui vit dans une petite chambre à Paris, refuse un matin de se lever et de se présenter à un examen. Tout le livre découle de ce premier acte. Nous assistons lentement à la mise entre parenthèse de sa vie, la vacuité des instants, un repli sur lui-même et le refus de fréquenter les autres, la description de comportements répétitifs. Grâce à des séries d'accumulations, Pérec nous fait toucher du doigt le mal être qui s'apparente probablement à la dépression.
Tout le génie de l'auteur est bien présent ici. A partir de cette trame, qui peut se suffire à elle-même, Perec renvoie en permanence à d'autres oeuvres qui s'enchâssent de façon spontanée. du grand art.
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Georges Perec, avec ce récit à la deuxième personne du singulier, offrait une de ces gageure littéraire dont il avait le secret.
Son histoire d' un homme qui dort se situe quelque-part entre l' Enfer de Barbusse et La banlieue de Sternberg, tout en étant sensiblement différente.
Le héros de cette histoire se trouve, dirait-on actuellement, en mode pause.
Le personnage semble se recroqueviller en se réduisant à lui- même, dans une sorte d'ascèse.
Le talent de Perec, c'est de captiver le lecteur sur cette quasi-non existence.
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La tentation de l'indifférence.
En creusant plusieurs sillons, certains grands écrivains n'hésitent pas à prendre des risques, à se remettre en cause, et c'est en partie par cela qu'ils sont grands. Ils ne craignent pas de se renouveler, quitte à déconcerter leur lectorat très friand de cultiver ses habitudes. Georges Pérec fait indiscutablement partie de cette catégorie. Après s'être fait connaître en 1965 avec Les Choses, roman tourné vers l'extérieur, vers la société de consommation naissante, il publie deux ans plus tard son troisième roman L'Homme qui dort, roman tourné vers l'intérieur, vers l'intime, vers la réflexion existentielle. Il met en scène un jeune étudiant en sociologie qui sombre dans une indifférence généralisée, concernant d'abord sa vie quotidienne la plus banale, puis s'étendant à ses relations amicales, à sa pensée et à son esprit. On assiste à une sorte d'immersion dans les eaux sombres et inquiétantes de la mélancolie et de la dépression. Heureusement, son esprit continue à fonctionner et il va finir par toucher le fond pour remonter lentement à la surface où il retrouve peu à peu le monde des vivants. Sur cette expérience de la vacuité et du danger de se laisser dominer par le repli sur soi même et par la sensation réconfortante de l'indifférence végétative, Pérec crée un roman à la fois foisonnant d'accumulations en tout genre et déconcertant par son titre et par l'emploi systématique de la deuxième personne du singulier.
A la lecture, ce qui saute aux yeux, c'est tout d'abord les accumulations : accumulation de descriptions (de la chambre, des animaux, des rues, des gens, des listes,…), accumulation des attitudes du personnage principal qui permet de le suivre dans ses moindres faits et gestes, l'accumulation de ses pensées face à la vie qui continue imperturbablement autour de lui et l'entraîne à mettre toujours davantage de distance avec le monde pour mener une survie élémentaire , sans raison et sans conviction. « Ici, tu apprends à durer » (p.61). Ivre de l'absence de contrainte, de la vacance des pensées, il n'a plus rien à accomplir, aucun objectif à atteindre, il se contente de vivre. La belle vie ? Pas si sûr ! On comprend que le désir du personnage principal (qui n'a pas de nom) qui consiste à ne pas subir de contraintes, à devenir indifférent à tout, ne le satisfait pas et que peu à peu il perd le goût de vivre. Ces différents types d'accumulation traduisent de façon obsédante cette vie qui s'écoule quand même et qui fait sentir sa présence à celui qui la refuse dans ses aspects banals, quotidiens, domestiques et qui cherche vainement à la dépasser, à la transcender.
Ensuite, on est surpris par le titre de ce roman. En effet, Un Homme qui dort n'est pas un titre très accrocheur, il ne donne pas franchement envie d'aller au-delà de la première de couverture : que peut-on écrire d'intéressant sur un homme qui dort ? Va-t-on avoir droit au récit de ses rêves ? Rien de palpitant et il faut bien que l'auteur soit Georges Pérec connu pour ses défis littéraires pour aller voir plus loin ! de plus, quand on referme le livre, on se pose encore la question : Pourquoi un tel titre ? On peut considérer que le personnage principal se confine dans une extrême passivité, qu'il subit son désir d'être indifférent, son sommeil est comme une métaphore de son absence volontaire au monde. Malgré cette tentative d'explication, on reste dubitatif devant ce choix inaugural.
Enfin, ce qui surprend le plus demeure l'utilisation constante du « tu » qui donne à ce roman un caractère qui lui est propre. C'est le genre de contraintes qu'affectionne Pérec. Cependant, on s'aperçoit très rapidement que ce « tu » lancinant n'est pas seulement une contrainte extérieure appliquée au texte, une sorte de jeu, un exercice de style mais qu'il fait partie intégrante du roman et probablement lui donne son sens profond. On a d'abord l'impression que l'auteur parle directement à son personnage, un auteur qui le comprend car il le connait parfaitement. A force de retrouver ce « tu » au fil du roman, on en vient à se dire que l'auteur s'adresse directement à quelqu'un qui lui est extrêmement familier : lui-même. Et cette hypothèse qui prend consistance au fur et à mesure des pages nous fait beaucoup mieux comprendre ce roman. Il apparaît alors que Georges Pérec se livre à une sorte d'autobiographie de ses années de jeunesse et d'étudiant où il aurait probablement vécu une expérience approchante ce qui expliquerait la grande diversité de ses accumulations observées dès le début. Cette formidable indifférence apparaît comme un chemin vers un à-quoi-bon-? nihiliste et désespérant conduisant implicitement mais profondément vers une sorte de volonté suicidaire. On retrouve ici une des grandes qualités littéraires dont l'oeuvre de Georges Pérec est nourrie : sa pudeur à évoquer ce qui lui tient réellement à coeur tout en le manifestant et en le l'évacuant grâce à l'écriture. Les écrits de Pérec ne sont jamais anodins.
Malgré toutes ses qualités intrinsèques,'Un Homme qui dort demeure malaisé à lire et il faut parfois s'accrocher pour arriver au terme de l'ouvrage. Ce livre ne trouve son intérêt que lentement mais il réussit à stimuler la réflexion. Il demande certainement à être relu à la lumière des questions et des hypothèses qu'il suscite et voir si celles-ci sont justifiées Dans ce cas, elles apporteraient une profondeur et une richesse insoupçonnées à la première lecture … et probablement une cinquième étoile dans mon appréciation pour Babélio !!
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"Tu as vingt-cinq ans et vingt-neuf dents, trois chemises et huit chaussettes, quelques livres que tu ne lis plus, quelques disques que tu n'écoutes plus. Tu n'as pas envie de te souvenir d'autre chose, ni de ta famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis, ni de tes vacances, ni de tes projets. Tu as voyagé et tu n'as rien rapporté de tes voyages. Tu es assis et tu ne veux qu'attendre, attendre seulement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre : que vienne la nuit, que sonne les heures, que les jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent."

C'est l'histoire d'un jeune homme, étudiant à Paris, c'est le narrateur. Dès la première page, il se parle à lui-même, se pose des questions sur tout ce qui fait son quotidien, sa vie, son entourage, le milieu dans lequel il vit, les sentiments qu'il ressent chaque jour.

Puis, il s'interroge : pourquoi ne pas être indifférent à tout cela ? et être "un homme qui dort".

Écrit en 1967, c'est le troisième ouvrage de Georges Perec. le roman a la particularité d'être écrit à la deuxième personne. de cette façon, l'auteur guide le lecteur dans l'introspection de son jeune narrateur qui semble ne trouver aucun sens à sa vie.

Il s'agit d'un écrit très court, sans histoire centrale mais abordant toute une série de routines qui n'a plus d'intérêt. Une solitude pesante règne au fil des pages. J'ai beaucoup aimé la plume de Georges Perec que je découvre avec ce texte et dans lequel son personnage morose sombre progressivement dans une grande tristesse.

Une première approche de l'univers particulier d'un auteur connu pour son originalité et son style d'écriture.

À connaître.
Lien : https://labibliothequedemarj..
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Je ne connaissais pas ce petit livre, quasi contemporain du drolatique « Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? », à lire pourtant pour comprendre l'habile caméléon qu'était Perec. Il s'agit de lui-même, dans sa chambre de bonne de 5 m2, qui renonce à tout contact et s'astreint au minimum. Un budget de 15 francs par jour. Toujours les mêmes repas médiocres. La même discipline quotidienne vis-à-vis de l'hygiène et de l'ordre. Et pour le reste, rien. L'observation passive de son visage, des murs, des rues, des gens. Non pas une démission, qui supposerait une décision et son affirmation à autrui, ni la dépression, il n'y a pas ici de douleur morale, mais l'introspection, puis le doute, enfin le gel de la pensée, gelée sans saveur, lâcher-prise. Perec tue les mots : « Tu lis à voix haute, tout le jour, en suivant du doigt les lignes du texte, comme les enfants, comme les vieillards, jusqu'à ce que les mots perdent leur sens, que la phrase la plus simple devienne bancale, chaotique ». Il passe dans sa piaule un temps indéfini, de jour ou de nuit, se figure son corps sur sa couche, détaille longuement ses phosphènes, les fissures de la peinture du plafond. Il marche interminablement, traverse les musées (il décrit sans le nommer le splendide Condottière d'Antonello de Messine du Louvre), fréquente les cinémas. Puis viennent les rats, les monstres, et pire, la tristesse, enfin l'écoute patiente du voisin à travers la mince cloison. le travail d'imagination reprend et le maintient en vie. Dans les dernières pages viennent les réminiscences, Roquentin, Bartleby, et finalement l'humour qui le sauve : « nul vautour ne s'est vu infliger l'indigeste pensum de venir te boulotter le foie, matin, midi et soir ». La dernière page évoque le final du Cimetière marin : « Regarde, regarde-les. Ils sont là des milliers et des milliers, sentinelles silencieuses, Terriens immobiles, plantés le long des quais, des berges, le long des trottoirs noyés de pluie de la place Clichy, en pleine rêverie océanique, attendant les embruns, le déferlement des marées, l'appel rauque des oiseaux de la mer ».
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Tellement insolite que je l'ai lu d'une traite sans aucune envie d'assoupissement.
Un récit clinique d'un repli, d'une réduction, d'un reniement, d'une négation...
Dans ce recroquevillement propre et figuré, les sens s'aiguisent pour faire pénétrer le narrateur dans un monde paradoxalement augmenté.
Un homme qui dort, c'est un éveil à une sensibilité exacerbée par une forme d'ankylose psychologique et l'analyse pathologique d'une angoisse d'affronter ce monde tout en découvrant l'écriture sans pareil de Perec.


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De la mi-conscience du quasi-sommeil à l'indifférence du refus de la vie, Perec décrit là une situation ultime, avec une langue ultime. Expérience littéraire abscons qui fleure bon les années 60, on peut-être rebuté par cette vision descriptif et introspectif du monde. Expérience ultime, non seulement dans la trame de l'histoire, mais bien également dans la langue, construite d'accumulation déclamatives.

La vie n'existe que par les détails que l'on observe, tout détail étant égal à un autre. Dans cette narration hypnotique, où toute intrigue est absente, où les activités du personnage sont insignifiantes, sans valeurs, nivelant tout acte au niveau des autres, est-ce vraiment l'indifférence, dont se revendique le personnage qui prédomine, ou au contraire une haute conscience de soi ?

A voir, le film, qui rend accessible d'autres hypnotismes que Perec n'a sur rendre (le son notamment, mais aussi, celui de l'image) : http://www.dailymotion.com/video/x3svpv_georges-perec-un-homme-qui-dort_shortfilms
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Réduit à un discours du narrateur à son personnage, ce texte est à rapprocher des récits-monologues où le narrateur s'adresse directement au lecteur comme Les Carnets du sous-sol de Dostoïevski, Dernier jour d'un condamné de Hugo, le Bavard de des Forêts, La Chute de Camus... sauf qu'ici il n'y a plus mention du « je » car c'est sans doute à lui-même comme un autre que parle le narrateur, comme parfois nous le pratiquons en guise d'encouragement à soi, de reproche ou de construction de soi comme un autre (à la manière de L'Inconsolable d'Anne Godard). Il se pourrait que Perec raconte sa propre expérience de perte d'intérêt pour le monde. À rapprocher ainsi de Kafka, de L'Étranger de Camus ou de la Nausée de Sartre... pour leurs personnages en crise existentielle.
D'un autre point de vue, le personnage-monologuant mène également une certaine réflexion philosophique à la manière par exemple du Descartes des Méditations métaphysiques, il s'arrête de vivre pour mieux repartir en quête du sens de l'existence. Il expérimente dans sa vie et sur lui le détachement des choses de la réalité. Détaché de ce qui serait susceptible de l'affecter, il fuit les lourdeurs de la vie, ce qui pourrait provoquer chez lui de la souffrance en appliquant le principe hédoniste jusqu'à l'extrême. Mais ce mode de vie l'amène à un non-sens en tant qu'homme et aucune vérité nouvelle. Dans cette perspective, ce roman s'inscrit bien dans la lignée de son premier roman Les Choses, le personnage essayant de s'échapper des contradictions et impasses du monde moderne, sa société de consommation et son mode de vie préprogrammé, sans succès.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Aussi sublime que sibyllin

La littérature est avare de tuer. Comprenez « tu es ». Hormis Julien Green (qui connaît encore Julien Green ?) ou plus récemment (et déjà mort, suicidé) Edouard Levé, le tutoiement en littérature demeure rare. Et souvent, lorsqu'on dit « tu » en littérature, c'est pour mieux dire « je »…Un homme qui dort de Georges Perec est de cette race là. Sublime reliquat du tutoiement qui pense « je »....

http://www.denecessitevertu.fr/
Lien : http://www.denecessitevertu...
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