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Frédérique Ildefonse (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080707611
265 pages
Flammarion (23/09/1997)
3.54/5   63 notes
Résumé :
« Protagoras est arrivé » : c'est par cette « bonne » nouvelle que le jeune Hippocrate tambourine à la porte de Socrate, que débute l'un des plus fameux dialogue de Platon. Il n’en faut pas plus à Socrate pour conduire son disciple à la rencontre du sophiste, il n’en faut pas davantage à Platon pour introduire son lecteur dans un tableau pittoresque de l’Athènes intellectuelle de son époque. Chez Callias se retrouvent, et s’opposent, les « philosophes », groupés der... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
« L'homme est la mesure de toutes choses : de celles qui sont, du fait qu'elles sont ; de celles qui ne sont pas, du fait qu'elles ne sont pas (... ) des dieux, je ne sais ni s'ils sont ni s'ils ne sont pas ».
Voici -à peu de choses près-en deux phrases ce que L Histoire aura retenu de Protagoras, l'un des plus grands sophistes de son temps. Son scepticisme religieux et son relativisme nous sont surtout parvenus par l'intermédiaire de son plus grand détracteur : Platon.

Comme à son habitude, dans Protagoras ou Les Sophistes, Platon met en scène son maître Socrate dans une joute polémique contre Protagoras, et plus globalement contre les sophistes, ces professeurs d'éloquence itinérants de l'antiquité grecque. Si les sophistes sont de nos jours assimilés à des personnes utilisant des arguments ou des raisonnements spécieux pour tromper ou faire illusion, ayant donné naissance à la rhétorique romaine et à nos démagogues modernes, on le doit sans doute en grande partie à ce dialogue et au Théétète.

Socrate va interroger l'art et l'éloquence de Protagoras en remettant l'excellence et la vertu au coeur du questionnement. Faisant d'abord admettre qu'il faut pouvoir définir le fond de ce dont on parle avant de pouvoir l'enseigner, il montre que, pour les sophistes, le fond importe peu, et qu'ils sont donc incapables de justifier ce lien nécessaire.

Protagoras, de son côté, explique qu'il saura enseigner à chacun l'art de "bien diriger sa maison", ce qui, au sens large, renvoie à l'économos et au politis, ou politique. Il entend par bien l'efficacité. Grâce au mythe de Prométhée et à son éloquence, il semble un instant l'emporter en expliquant que, si chaque citoyen dispose d'un sens politique inné, celui-ci peut néanmoins s'enseigner. Mais au final, Socrate, le confrontant aux contradictions de son propre raisonnement, finit par démontrer que la vertu ne peut se diviser, et est consubstancielle du savoir. L'idéalisme platonicien est donc sauf.

En dépit de l'image négative qui poursuit aujourd'hui les sophistes, il est intéressant de constater que, d'abord, Protagoras aura été le maître du jeune Aristote, que l'enseignement sophistique se sera perpétué jusqu'à nous, et que le positivisme juridique, comme en philosophie politique, depuis Machiavel (et déjà avec Saint Augustin), l'aura finalement progressivement emporté sur les thèse naturalistes et idéalistes de Platon.

Moralement, on peut le regretter, car ces pratiques poussées à l'extrême conduisent au cynisme le plus total et pervertissent les démocraties contemporaines ; mais leur modernité n'en est pas moins réelle : notre monde actuel est totalement emprunt du scepticisme et du rationalisme prôné par les sophistes , et, depuis l'époque des Lumières, ce sont aussi ces caractéristiques qui ont favorisé la fin des monarchies et du dogmatisme religieux en occident, qui a fait avancer la science contre les croyances a priori, et favorisé la prise de conscience du relativisme culturel.

Ce que Platon critiquait tant se révélerait-il à l'usage vertueux ? Quoiqu'il en soit, ces dialogues de Platon sont parmi les plus finement écrits, constituent toujours des fondamentaux quant aux question métaphysiques, et peuvent aussi être vus comme prémisses à des réflexions politiques, sociétales ou théologiques plus modernes.
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Le "Protagoras" de Platon est un de ces textes philosophiques dont l'intérêt réside moins dans le propos de l'auteur que dans les réflexions qu'ils suscitent.
Socrate débat ici avec Protagoras de la vertu, embrassant au passage pas mal d'autres sujets.
Je ne suis pas d'accord avec tout ; mais il y a là d'innombrables pistes de réflexion.
A méditer !...
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Comme vous l'aurez compris, ce dialogue ci, narré par Platouné, a lieu entre Socrate – le vieux sage – et Protagoras, le pro des sophistes, un vendeur d'aspirateurs qui ne perdent pas l'aspiration et surtout l'inspiration en somme. L'aspirateur, de l'inspiration? Non, laissez tomber, c'était un jeu de mot pourri, une paronomase un poil ratée, j'avoue.

De quoi discutent-ils donc?? Vous voulez vraiment le savoir?

Sans déconner, c'est réellement passionnant : ils échangent sur l'enseignement, Socrate explique, en très gros, que Protagoras ne peut pas appliquer ce qu'il prétend enseigner. Je m'explique, allez suivez, vous allez voir, c'est drôle. Comment ça, mon humour n'est pas fiable ??? Sortez d'ici !!!

En effet, Protagoras veut enseigner, aux petiots pendus à ses lèvres, ce que sont les vertus. Les vertus, mais c'est quoi une vertu? Voici la réaction de Socratouné, en simplifiée.

C'est la bonne question puisqu'ils ne sont pas d'accords sur la nature de la vertu mais aussi sur l'unicité de celle-ci. Comment dès lors débattre sur son possible enseignement?! Ben, euh, cela devient difficile !

Quid du ressenti de lecture?? Amusant ! Franchement, je me suis pris au jeu ; j'ai presque (oui, tout de même faut pas déconner) eu envie de noter sur papier, dans un joli tableau – que j'imaginais rose et violet avec des bordures en pointillés irréguliers… mais WTF !! – les arguments de chacun pour essayer de voir qui était cohérent, qui ne l'était pas.

Sans cela, on se rend compte tout de même que Socrate, si intelligent qu'il soit, tombe parfois dans la sophistique lui aussi ! Oui, je vous passe les détails parce que d'une part, je ne m'en rappelle plus suffisamment et que d'autre part, je doute que vous en ayez réellement cure… Oui, j'ai également certaines opinions préconçues et j'adresse un joli mais néanmoins cordial fuckouné au gentil bachelier qui croyait pomper des infos pour faire sa « dissert' à la maison d'philo » qu'il a d'ailleurs attendu, le dimanche soir pour commencer, alors qu'il doit la rendre demain matin 8h !! Bonne nuit blanche mon petit

Non, allez, tiens une petite info tout de même petit gars, ou petite meuf, sache que Platon, le transcripteur des dialogues de Socrate, prenait souvent un malin plaisir à déformer les propos des sophistes, tout simplement parce qu'il ne pouvait pas les voir en peinture et éprouvait pour son maître Socrate, une admiration sans bornes. Pour Protagoras, c'est différent, Platon l'estimait et donc, le dialogue semblerait, d'après les experts et ma mémoire, plutôt bien retranscrit Si tu ne le savais pas, je suis content de t'avoir aidé. Si tu le savais, tu n'as rien à faire sur cet article et retourne bosser ta dissert' !!

Ouf ! Bon, je suis un fada de philo, j'essaye de limiter les publications en la matière mais parfois mes doigts glissent tout seul…. Niark niark niark !

Finem Spicere,

Monsieur Touki.
Lien : http://monsieurtouki.wordpre..
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Je ne suis pas d'accord avec tout ce qui est écrit dans le "Protagoras" ; mais, néanmoins, je juge ce dialogue intéressant.
Il y a énormément de pensées qui font réfléchir. Je ne suis pas forcément d'accord avec lesdites pensées, mais les réflexions qu'elles suscitent, les questionnements qu'elles posent sont intéressants.
Le "Protagoras" n'est donc, pas dépourvu de défauts, mais, n'est pas plus dépourvu de qualités. Platon a écrit là un dialogue intéressant à certains égards ( mais moins à d'autres… ), qui, à mon avis, est relativement bon, avec des pensées intéressantes, qui cause de la réflexion.
Il y a même beaucoup de pensées et de sujets abordés, d'ailleurs.
Un dialogue platonicien relativement passable !...
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"C'est l'histoire de Socrate qui apprends qu'il y a Protagoras, la star des Sophistes, en ville.
Socrate étant un sophiste repenti et un brin taquin, décide d'attendre le soir pour s'incruster dans une soiré privée où il pourra le rencontrer.
Ça sera pour lui l'occasion de le défier et lui mettre la honte dans un battle d'arguments logiques (voir rhétoriques ou capillotractés)..."

Vous l'aurez compris, le Socrate de "Protagorias" est un personnage facétieux et arrogant.
Sa confrontation/débat avec Protagoras est intéressante et aborde des thèmes tels que la transmission du savoir, la vertu, le choix de l'homme face au bien et au mal.
Les arguments utilisés sont parfois un peu abscons mais s'enchaînent dans une démonstration en plusieurs étapes.

Les règles du débats 'Socratique' sont mêmes codifiées explicitement au milieu du dialogue afin d'assurer que les 2 participants ne s'éparpillent pas dans leur interventions.

La principale chose qui m'a échappée dans ce texte est la motivation de Socrate. En acculant Protagoras de la sorte pour démonter les Sophistes, j'ai eu l'impression qu'il avait un motivation personnelle de nuire.
A trop vouloir faire 'sortir' la vérité, il donne l'impression de descendre/cuisiner son interlocuteur pour s'attirer les honneurs.

En plus de sa nature philosophie, Ce dialogue a des aspects historique (pour les sophistes) et théâtral (dans sa forme).

J'ai bien aimé ce dialogue qui contient beaucoup de choses en seulement une centaine de pages.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Qu’entendez-vous donc par ce que nous avons appelé jusqu’ici être vaincu par le plaisir ? voici comment je leur répondrais : Écoutez, nous allons tâcher, Protagoras et moi, de vous l’expliquer. N’est-il pas vrai, mes amis, que cela vous arrive dans les cas suivants, par exemple dans le cas fréquent où vous vous laissez vaincre par le manger, le boire, l’amour, qui sont choses agréables ? Vous avez beau connaître que ces choses sont mauvaises, vous les faites quand même.
Ils en conviendraient.
Nous leur demanderions ensuite, toi et moi : Pourquoi tenez-vous ces choses pour mauvaises ? Est-ce parce qu’elles vous procurent ce plaisir du moment présent et parce que chacune d’elles est agréable, ou parce qu’elles ont pour suite dans l’avenir la maladie et la pauvreté et qu’elles causent beaucoup d’autres maux du même genre ? Si elles n’occasionnaient pour l’avenir aucun de ces maux et n’engendraient que du plaisir, quoi qu’on puisse penser de la cause et de la manière, seraient-elles encore mauvaises ? Pouvons-nous penser, Protagoras, qu’ils nous feraient une autre réponse que celle-ci :
Ce n’est pas à cause du plaisir même qu’elles procurent sur le moment qu’elles sont mauvaises, c’est à cause de leurs suites, maladies et autres maux ?
– C’est vraisemblablement, dit Protagoras, ce que répondrait la foule.
– Mais en causant des maladies, elles causent de la douleur, et en amenant la pauvreté, elles amènent du chagrin.
Ils en conviendraient, je crois.
Protagoras acquiesça.
– Il vous paraît donc, mes amis, comme nous le soutenons, Protagoras et moi, que ces choses ne sont mauvaises que parce qu’elles aboutissent à la douleur et vous privent d’autres plaisirs ? En conviendraient-ils ?
Ce fut notre avis à tous deux.
– Mais si, prenant la contrepartie, nous leur disions : En reconnaissant, amis, que certaines choses bonnes sont douloureuses, n’entendez-vous pas par là des choses comme les exercices physiques, les expéditions guerrières, les traitements médicaux par cautérisation, amputation, médication, abstinence ; n’est-ce pas cela que vous appelez bon et en même temps douloureux ?
Ils en conviendraient.
Protagoras fut de cet avis.
– Les appelez-vous bonnes parce qu’elles causent sur le moment des douleurs et des peines d’une extrême acuité, ou parce qu’elles sont pour l’avenir la source de la santé, du bien-être physique, du salut des États, de la domination sur les autres et de la richesse ?
Ils diraient oui, je pense.
Protagoras fut de mon avis.
– Mais ces choses sont-elles bonnes pour une autre raison que parce qu’elles se terminent au plaisir et délivrent ou préservent de la douleur, ou avez-vous en vue quelque autre fin que le plaisir et la douleur pour les appeler bonnes ?
Ils répondraient non, n’est-ce pas ?
– C’est mon avis, dit Protagoras.
– Vous poursuivez donc le plaisir comme un bien, et vous fuyez la douleur comme un mal ?
Il en convient avec moi.
– C’est donc la douleur que vous regardez comme un mal, et le plaisir comme un bien, puisque le plaisir même est un mal à vos yeux, quand il vous prive de jouissances plus grandes qu’il n’en offre lui-même, ou occasionne des douleurs plus grandes que les jouissances qu’il contient ; car, si, pour appeler ainsi le plaisir même un mal, vous aviez quelque autre motif ou considériez quelque autre fin, vous sauriez nous le dire ; mais vous n’en trouverez point d’autre. – Je ne le pense pas non plus, dit Protagoras.
– Ne faut-il pas en dire autant de la douleur en elle-même ? N’appelez-vous pas la douleur même un bien, quand elle vous délivre de douleurs plus grandes que celles qu’elle cause ou qu’elle amène des plaisirs plus grands que les souffrances qu’elle suscite ? car, si vous songiez à quelque autre fin que celle dont je parle, quand vous appelez la douleur même un bien, vous sauriez bien nous le dire ; mais vous n’en trouverez pas d’autre.
– Cela est vrai, dit Protagoras.
– Que si de votre côté, ajoutai-je, vous me demandiez, amis, pourquoi je traite la question si longuement et sous autant de formes : Pardonnez-moi, vous dirai-je ; car tout d’abord ce n’est pas une chose aisée de montrer en quoi consiste ce que vous appelez être vaincu par le plaisir ; ensuite c’est sur ce point que roule toute ma démonstration ; mais il est encore temps de vous rétracter, si vous avez quelque raison de croire que le bien est autre chose que le plaisir et le mal autre chose que la douleur. Vous suffit-il au contraire de passer toute votre vie agréablement et sans chagrin ? Si cela vous suffit et si vous n’avez pas d’autre définition à donner du bien et du mal que celle qui les ramène au plaisir et à la douleur, écoutez la suite. En m’appuyant sur cette définition, je soutiens qu’il est ridicule de dire, comme vous le faites, que souvent un homme qui connaît le mal pour ce qu’il est, ne laisse pas de le commettre, bien qu’il ait la liberté d’agir autrement, parce qu’il est entraîné et subjugué par le plaisir, et pareillement qu’un homme qui connaît le bien se refuse à le faire, parce qu’il est vaincu par le plaisir du moment.
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Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d’un mélange de terre et de feu et des éléments qui s’allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Épiméthée de les pourvoir et d’attribuer à chacun les qualités appropriées. Mais Épiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. « Quand j’aurai fini, dit-il, tu viendras l’examiner ». Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force ; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d’autres moyens de conservation ; car à ceux d’entre eux qu’il logeait dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain ; pour ceux qui avaient l’avantage d’une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eût fourni les moyens d’échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les saisons de Zeus ; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à chacun d’eux ; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de corne, soit des peaux calleuses et dépourvues de sang ; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les espèces, aux uns l’herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines ; à quelques-uns même il donna d’autres animaux à manger ; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de leurs victimes, pour assurer le salut de la race.
Cependant Epiméthée, qui n’était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage ; il voit les animaux bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couverture, et le jour fixé approchait où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour donner à l’homme le moyen de se conserver, vole à Héphaïstos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile ; et il en fait présent à l’homme. L’homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie ; mais il n’avait pas la science politique ; celle-ci se trouvait chez Zeus, et Prométhée n’avait plus le temps de pénétrer dans l’acropole que Zeus habite et où veillent d’ailleurs des gardes redoutables. Il se glisse donc furtivement dans l’atelier commun où Athéna et Héphaïstos cultivaient leur amour des arts, il y dérobe au dieu son art de manier le feu et à la déesse l’art qui lui est propre, et il en fait présent à l’homme, et c’est ainsi que l’homme peut se procurer des ressources pour vivre. Dans la suite, Prométhée fut, dit-on, puni du larcin qu’il avait commis par la faute d’Épiméthée. Quand l’homme fut en possession de son lot divin, d’abord à cause de son affinité avec les dieux, il crut à leur existence, privilège qu’il a seul de tous les animaux, et il se mit à leur dresser des autels et des statues ; ensuite il eut bientôt fait, grâce à la science qu’il avait, d’articuler sa voix et de former les noms des choses, d’inventer les maisons, les habits, les chaussures, les lits, et de tirer les aliments du sol. Avec ces ressources, les hommes, à l’origine, vivaient isolés, et les villes n’existaient pas ; aussi périssaient-ils sous les coups des bêtes fauves, toujours plus fortes qu’eux ; les arts mécaniques suffisaient à les faire vivre ; mais ils étaient d’un secours insuffisant dans la guerre contre les bêtes ; car ils ne possédaient pas la science politique dont l’art militaire fait partie. En conséquence ils cherchaient à se rassembler et à se mettre en sûreté en fondant des villes ; mais quand ils s’étaient rassemblés, ils se faisaient du mal les uns aux autres, parce que la science politique leur manquait, en sorte qu’ils se séparaient de nouveau et périssaient.
Alors Zeus, craignant que notre race ne fût anéantie, envoya Hermès porter aux hommes la pudeur et la justice, pour servir de règles aux cités et unir les hommes par les liens de l’amitié. Hermès alors demanda à Zeus de quelle manière il devait donner aux hommes la justice et la pudeur. — Dois-je les partager, comme on a partagé les arts ? Or les arts ont été partagés de manière qu’un seul homme, expert en l’art médical, suffit pour un grand nombre de profanes, et les autres artisans de même. Dois-je répartir ainsi la justice et la pudeur parmi les hommes, ou les partager entre tous ? — Entre tous, répondit Zeus ; que tous y aient part, car les villes ne sauraient exister, si ces vertus étaient, comme les arts, le partage exclusif de quelques-uns ; établis en outre en mon nom cette loi, que tout homme incapable de pudeur et de justice sera exterminé comme un fléau de la société.
Voilà comment, Socrate, et voilà pourquoi et les Athéniens et les autres, quand il s’agit d’architecture ou de tout autre art professionnel, pensent qu’il n’appartient qu’à un petit nombre de donner des conseils, et si quelque autre, en dehors de ce petit nombre, se mêle de donner un avis, ils ne le tolèrent pas, comme tu dis. Et ils ont raison, selon moi. Mais quand on délibère sur la politique, où tout repose sur la justice et la tempérance, ils ont raison d’admettre tout le monde, parce qu’il faut que tout le monde ait part à la vertu civile ; autrement il n’y a pas de cité.
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Protagoras me répondit : « Je loue, Socrate, ton ardeur et ta manière de traiter les questions. Car, sans parler des autres défauts dont je me flatte d’être exempt, je suis le moins envieux des hommes. Aussi ai-je dit souvent de toi que, de tous ceux que je rencontre, tu es celui que j’estime le plus, et que je te mets bien au-dessus de ceux de ton âge, j’ajoute que je ne serais pas étonné si tu te plaçais un jour au rang des sages illustres. Quant à ces questions, nous les traiterons, si tu veux, une autre fois, pour le moment, j’ai autre chose de pressé à faire.
– Va donc, dis-je, si tel est ton plaisir, aussi bien il y a longtemps que, moi aussi, je devrais être rendu où j’avais dessein d’aller, mais je suis resté pour faire plaisir au beau Callias. »
Après avoir ainsi parlé et écouté tour à tour, nous nous séparâmes.
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Les hommes mauvais, s'ils se trouvent dans ce genre de situation (le mal ou le bien avec sa famille , patrie ou autre...) regardent avec joie la méchanceté de leurs parents ou de leur patrie, qu'ils exhibent et mettent en accusation, par leurs critiques, afin que les hommes ne puissent les critiquer pour leur négligence et les en blâmer, si bien qu'ils peuvent multiplier les critiques à leur égard et ajouter de leur plein gré des motifs d'inimitié à ceux que leur dictait la nécessité ; les hommes de valeur, en revanche, ferment les yeux, se contraignent à être élogieux, et s'ils s'emportent à cause des torts que leurs parents ou leur patrie leur font souffrir, ils se calment et se réconcilient avec eux, en exigeant encore d'eux-mêmes d'aimer les leurs et des les louer.
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Discuter, tout en restant bienveillants, c'est le fait de gens amis ; se quereller est le fait d'adversaires ou d'ennemis.
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