Drapeaux noirs, abordages, jambes de bois, trésors perdus, mers déchaînées… : autant de représentations qui nous viennent aussitôt à l'esprit dès qu'on évoque la piraterie. Mais d'où nous viennent tous ces fantasmes ? Comment la figure historique du pirate est-elle parvenue à atteindre une telle dimension chimérique et à s'imposer dans notre imaginaire ?
Julie Proust Tanguy s'est penchée sur la question et nous livre par le biais de ce bel essai la synthèse de ses recherches et réflexions sur le sujet. La première partie de l'ouvrage est essentiellement consacrée à la définition du terme « pirate » et à son évolution au fil des siècles. On y apprend notamment que ce sont les Romains qui, les premiers, font du pirate un être sans foi ni loi, avide, cruel et donc un danger pour la civilisation. Si les « frères de la côte » laissent peu de traces de leur passage durant la période médiévale, ils refont surface au moment de la découverte du Nouveau Monde qui incarne pour eux l'espoir de l'avènement d'un nouvel ordre. C'est l'époque d'Édouard Teach (plus connu sous le nom de Barbe noire), de Jack Rakham, d'Anne Bonnie, de la colonie de Libertalia… : autant de noms à même aujourd'hui encore de réveiller les instincts d'aventurier de n'importe quel lecteur, petit ou grand. A cet âge d'or des XVIe et XVIIe siècles suit un rapide déclin : paradoxalement, c'est au moment où les
pirates se font plus rares sur les mers qu'ils se mettent à envahir les pages de nos romans.
La seconde partie de l'essai de
Julie Proust Tanguy consiste alors à essayer d'analyser l'évolution de cet archétype du pirate dans les médias. Médias qui, à partir du XIXe siècle et jusqu'à nos jours, se le réapproprient par tous les moyens possibles (littérature, musique, cinéma, jeux vidéo…). L'auteur se lance alors dans une liste détaillée des oeuvres ayant mis en scène de terribles ou sympathiques
pirates durant ces trois derniers siècles. «
L'île au trésor », la franchise «
Pirates des Caraïbes », « Assassin's Creed »… : ce ne sont pas les exemples qui manquent ! Parmi les oeuvres fondatrices, on peut évidemment citer les ouvrages de Defoe,
Stevenson et Barrie qui donnèrent naissance à certains des
pirates les plus célèbres de la littérature (Long John Silver, Flint, Crochet…) Loin d'être lassante, cette abondance de références se révèle au contraire divertissante et permet au lecteur curieux de dresser une liste sélective de romans, films ou titres à lire/visionner/écouter. Il faut dire que l'auteur a fait preuve de beaucoup d'abnégation lors de ses recherches, n'hésitant pas à lire ou regarder nanars sur nanars dans le but de proposer une étude la plus complète possible. Parmi les ouvrages les plus récents, on retiendra surtout le diptyque « Lady Pirate » de
Mireille Calmel mettant en scène Anne Bonnie et Marie Read ; le « Long John Silver » de Bjorn Larsson (que je vais m'empresser de découvrir) ; «
Le déchronologue » de
Stephane Beauverger, et bien sûr l'imposant mais remarquable «
Le vaisseau ardent » de
Jean-Claude Marguerite.
Avec «
Pirates ! »,
Julie Proust Tanguy signe un essai instructif et rend un bel hommage à ce pirate devenu au fil du temps un archétype à part entière dont elle entreprend d'analyser la construction. A noter que depuis la parution de cet ouvrage, une nouvelle série intitulée « Black Sails » mettant en scène le capitaine Flint, Long John Silver, Billy Bones, Barbe Noire ou encore Anne Bonnie a vu le jour et est à visionner de toute urgence !