Il s'agit là d'un texte très court d'une cinquantaine de pages, en trois parties, issu d'une conférence qui, comme le précise l'éditrice, a été prononcée trois fois en 2010 : à la Bibliothèque nationale de France, à l'abbaye de Lagrasse et à la fabrique de Guéret.
La photographie de couverture représente « Les organistes d'Ancenis sur la levée de la Loire, en 1968 » et l'on suppose qu'il s'agit de l'écrivain jeune et de sa grand-tante Juliette. L'on trouve à l'intérieur de l'ouvrage d'autres photographies en noir et blanc, « d'une tristesse merveilleuse » (p.9).
Ce texte est d'abord un hommage à des hommes et femmes aujourd'hui disparus : Louis-René des Forêts, Gérard Bobillier,
Paul Celan et les trois grand-tantes de l'écrivain : Juliette
Quignard, Marguerite
Quignard et Marthe
Quignard qui ont résidé 10 rue des Vinaigriers à Ancenis – l'écrivain aime la précision surtout lorsqu'il s'agit d'honorer la mémoire des défunts - Ces dernières enseignèrent la musique de manière « très traditionnelle » et eurent comme élève
Pascal Quignard bien sûr mais aussi Louis Poirier plus connu sous le nom de
Julien Gracq. Gracq écrivit des « phrases merveilleuses et terribles » sur les soeurs
Quignard, phrases qui « blessèrent » la famille et qui « révoltèrent » même les habitants d'Ancenis. Il y évoquait en effet de vielles filles ruinées vivant dans une maison glauque, froide, attendant la mort de manière assez passive.
Pascal Quignard se fait l'avocat de ses grand-tantes, à titre posthume.
Dans la deuxième partie de ce livre, est donnée une définition de l'amitié. Ou plutôt plusieurs mais j'ai retenu celle-ci, issue d'une réflexion du philosophe grec Zénon : « L'ami, parmi les personnes grammaticales, n'est ni le tu ni le il, ni l'interlocuteur ni le tiers. L'ami c'est ego, c'est la position sujet. C'est pour ça qu'on souffre quand l'ami disparaît. On est touché au coeur. C'est ego qui est lésé dans la mort de l'ami » (p. 36). L'auteur différencie l'amitié de l'amour : « L'amitié est ce miracle : l'autre surgissant en première personne du singulier dans l'espace des interlocuteurs. L'amour est un tout autre miracle (et un tout autre typhon), c'est tu, c'est la deuxième personne absolue, c'est l'autre, c'est la différence sexuelle, le visage incompréhensible auquel le je s'adresse sans savoir à qui il a affaire et sans savoir comment s'y prendre » (p.38).
Pascal Quignard est un érudit ; les études ont eu, et ont encore, une place considérable dans sa vie. Voici ce qu'il en dit : « L'étude est à l'homme adulte ce que le jeu est à l'enfant. C'est la plus concentrée des passions. C'est la moins décevante des habitudes, ou des attentions, ou des accoutumances, ou des drogues. L'âme s'évade. Les maux du corps s'oublient. L'identité personnelle se dissout. On ne voit pas le temps passer. On s'envole dans le ciel du temps. Seule la faim fait lever la tête et ramène au monde » (p.27).
On aura compris que ce livre est à lire et non à raconter
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