Lorsque l'on achève la lecture de
Phèdre, on ne peut s'empêcher d'être stupéfait par une oeuvre aussi puissante. D'autant plus que l'histoire de cette pièce est tout à fait sidérante: en 1677, une véritable machination est orchestrée par les ennemis les plus acharnés de Racine afin de battre en brèche son influence. Lors de ses débuts de dramaturge,
Jean Racine avait été accueilli à l'Hôtel de Bourgogne. Mais au fil de son ascension, ce lieu était devenu le point de ralliement de ses ennemis. C'est ainsi que l'on chargea un jeune écrivain du nom de Pradon de rédiger une pièce nommée
Phèdre, afin de l'opposer à celle de Racine, qui allait être jouée le premier janvier 1677 à l'Hôtel de Bourgogne. La pièce de Pradon éclipse celle de Racine qui décide de se retirer quelque temps de la vie parisienne, avant de revenir au théâtre à la demande de Madame de Maintenon.
Phèdre, en grec ancien, signifie "la brillante", ce qui est tout à fait paradoxal, lorsque l'on observe le personnage éponyme et le déroulement de la pièce: à Trézène, dans le Péloponnèse, l'épouse de Thésée est en proie à des affres accablantes. Elle est éperdument éprise de son beau-fils, Hippolyte, et est horrifiée par cette "flamme si noire" allumée par Vénus. Rongée par le remord,
Phèdre se confie à sa confidente qui l'exhorte à dévoiler ses sentiments, après avoir eu vent que Thésée aurait péri.
Phèdre cède à ses sentiments, et fait une déclaration saisissante à Hippolyte (Acte II scène 5), qui prend la fuite, terrifié par ce qu'il vient d'entendre. Ce que j'aime le plus dans
Phèdre, c'est la déconstruction de l'héroïsme de Thésée; ce dernier a beau avoir triomphé du minotaure, ses aventures galantes sont subrepticement évoquées dans la pièce, et contribuent à sa déchéance, de même que le dénouement de la pièce. Car lorsqu'il réapparaît, c'est un homme prompt à s'emporter, inapte à raisonner, et qui prend pour argent comptant les calomnies de la confidente de
Phèdre. Conformément aux règles du classicisme, la pièce renoue avec les sources antiques (
Phèdre, à l'origine, est une pièce de
Sénèque). Pourtant, je ne peux m'empêcher de la trouver en avance sur les autres dans les registres pathétique et tragique sont transcendés par Racine, afin de susciter en nous un émoi plus fort que la terreur ou la pitié.