Dégustée en prenant mon temps, j'ai découvert une écriture qui court facilement, qui coule de source, même si le sujet devient parfois ardu. En effet, je me suis laissé porter par ce fleuve laissant sur ses rives les alluvions de mes incompréhensions et de mes manques de connaissances.
Tel le sculpteur de glaise qui fait surgir sous ses mains une statue,
Atiq Rahimi, avec ses mots charnels, sculpte pour nous les traits littéraires de la poète persane Mehsti.
Honnête, il nous explique comment il a procédé pour nous faire assister à la naissance de cette Grande dame parmi les grands (
Omar Khayyam, entre autres). Sous ses mots,
Atiq Rahimi donne vie à cet être qui le fascine, le passionne, qu'il aime profondément.
L'auteur nous montre qu'une fois de plus, que l'Histoire est toujours écrite par les vainqueurs : ici les phallocrates jaloux (tu penses, c'est une femme qui lâche des mots crus), les ulémas et les religieux radicaux. Ils ont tant agi qu'ils ont pratiquement réussi à l'effacer des patrimoines littéraires persan et moyen-oriental, poussant le bouchon jusqu'à la fatale question : a-t-elle vraiment existé ?
Atiq lui donne vie dans un barzakh, espace imaginal, un inter-monde, entre l'être et le néant, le réel et l'imaginaire, l'essence et l'apparence. Une sorte de taverne dont le clair obscur est rendu par une lampe tempête pendue au plafond.
Un inter-monde où on est à la fois dehors et dedans, le domaine des formes et des images en suspens !
C'est théologiquement un lieu où l'âme quitte le corps et subit certaines épreuves pour l'absolution des péchés. Pour m'arranger avec ma très chrétienne culture occidentale : une sorte de purgatoire !
L'ensemble de l'oeuvre est parsemée de rubaï (s ?), francisés en « quatrains », composés de deux distiques, les deux vers du premier rimant avec le dernier vers du second, vers lui même précédé d'un vers libre.
Rimailleur à mes heures, je m'y suis essayé ! Si, si pour le plaisir de suer ! Modestement, voici ma production :
Les voilà donc pondus, ces quelques vers
Qui m'ont conduit aux portes de l'Enfer :
Feuille blanche, inepte, inapte: tête pleine de toi ô Mehsti
Me suis donc essayé, rimailleur du pré vert.
Offert pour les fêtes, ce livre n'est toutefois pas un cadeau ! En ce sens que je n'ai pas su extraire toute la matière (la glaise à réflexions) façonnée par l'auteur.
Alors, outre mon invite à lire ce beau livre, il me faut l'étoiler !!!
Ambiance à bord : je ressens une puissance sans pouvoir la percevoir pour l'écrire, si ce n'est son point d'origine Mehsti ! Je le relirai, en condition plus ensoleillées.
En conséquence, je ne peux sanctionner l'auteur et l'ouvrage pour mes manques. Donc cinq étoiles (ainsi je ne me mouille pas trop :-)) )
Ancelle, le 9 janvier 2024