L'auteure est aussi une traductrice de
Dante, ce qui laisse entendre qu'elle connaît plutôt son affaire. Elle précise bien dès le départ la difficulté de réunir des informations sur le poète (archives brûlées, etc.).
Aussi, choisit-elle, comme au temps de
Dante, de donner l'image qu'il devait avoir, en laissant les flous artistiques que nous ne pourrons jamais combler. Un élément essentiel est la ville de Florence, aimée et haïe par le poète, elle l'exilera puis finalement, alors qu'elle lui proposera de rentrer sous certaines conditions, il refusera avec dédain (si bien que même ses enfants seront à jamais interdit à la ville !).
Car
Dante est la figure du poète intransigeant, total. Il croit à la force de la poésie et son emprise sur le monde, à la vision du poète, à sa vertu. Vous me direz, on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Mais question vision,
Dante s'impose. N'a-t-il pas dix ans qu'il tombe en amour pour la jeune Béatrice, qu'il ne pourra jamais voir que de loin, approchera à peine (et quelle émotion à ce moment là), et lui brisera le coeur lors de son décès en pleine jeunesse (la vingtaine). Or,
Dante eut une vision d'elle qui donna un de ses premiers grands poèmes, qui contribua a sa renommée et notamment son amitié avec un autre poète intransigeant,
Guido Cavalcanti. Au 13e siècle Florence est en plein essor, tant financier qu'intellectuel, les moeurs évoluent, la poésie aussi.
Mais les querelles entre Guelfes et Gibelins vont tout assombrir.
Dante, pour le court temps qu'il fut au pouvoir (car c'est un des rares poètes à passer à la pratique) condamnera à l'exil son ami Guido (séduit par l'hérésie averroïste), exil qui tuera de malaria le malheureux (maladie qui tuera
Dante à son tour, on mesure l'insalubrité des campagnes et villes italiennes).
Dante est celui qui s'opposera au pape Boniface VIII, à l'appétit et aux ambitions féroces, aussi peu vertueux que
Dante est intransigeant. A tel point que d'abord guelfe (pro-pape),
Dante, au nom de sa vision idéale, il deviendra Gibelin (pro-empereur) et verra en Charles VII (qu'il incitera à attaquer Florence !) l'empereur parfait, avant que ce dernier ne meurt de malaria à son tour.
C'est donc un homme de lettres, de politique, de guerre, de deuil qui rédige
la Divine Comédie, oeuvre dont aucune page ne nous parviendra directement à travers le temps. Pourtant il fut, et son Enfer pèse encore dans l'histoire de l'Occident (Machiavel, se réclame de
Dante). Un Poète.