AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782266335133
272 pages
Pocket (21/09/2023)
4.02/5   60 notes
Résumé :
Dans la tourmente d'une guerre sans nom, durant le temps suspendu de ceux qui ne sont pas sur la ligne de front, le parcours hors du commun d'une jeune femme qui s'émancipe par une maternité inattendue et la résistance, dans tous les sens du terme.

Rose a dix-neuf ans et refuse d'être une cocotte, de celles qui attendent qu'on les épouse. Son village est trop petit pour elle, qui rêve d'une ferme rien qu'à elle dans le Sud. Peu lui importe que la plup... >Voir plus
Que lire après Valse fauveVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
4,02

sur 60 notes
5
13 avis
4
7 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis
Au village, les filles vont au bal pour accomplir leur destinée : trouver un mari pour fonder une famille. Rose s'y rend à contre-coeur. Les hommes qui ne sont pas sur les champs de bataille ne risquent pas de lui faire tourner la tête. Ses rêves sont ailleurs dans une ferme du sud, qu'elle compte un jour exploiter seule. Mais André est beau parleur et garde en lui une part de mystère qui attire la jeune fille. Une enfant secrète, un mariage et une adoption : Rose et André vivront peu ensemble Il part pour tenter de sauver l'honneur de son pays. Seule avec la petite Michèle, Rose doit composer avec les Salauds, qui ont pris possession des lieux. Un accordéon et la voix mélodieuse d'une fillette vont changer sa vie.

D'emblée le caractère rebelle de Rose séduit. Malgré la pression familiale et le contexte, elle est indépendante et volontaire. Un secret enfoui a façonné sa personnalité et son attitude avec les hommes.

Le contexte d'une guerre qu'on ne nomme pas mais que l'on reconnaît aisément est bien retranscrit. On vit avec Rose les restrictions, la peur de l'envahisseur omniprésent, les drames qui surviennent et tuent des innocents.
On aime aussi la découverte de la ville par Rose et sa fille et le destin qui l'attend.

Un premier roman réussi, avec un ton juste et une histoire que l'on découvre avec intérêt.

272 pages Plon 25 Août 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          630
« Un jour, je t'offrirai la lune »

Quand Rose rencontre André, elle sait que ce sera l'homme de sa vie. Mais leur lune de miel, dans un pays en guerre, sera de courte durée. En explorant la guerre et ses conséquences, Pénélope Rose nous offre un conte très riche et très noir.

Rose est dans le train avec sa fille Michèle. On ne sait pour quelle raison, mais on la sent inquiète, car André manque à l'appel. de sa destination, on n'apprendra rien dans les pages initiales, car Pénélope Rose a choisi de revenir en arrière, au moment où les chemins de Rose et d'André, le petit vannier, se sont croisés.
Devant la montée des périls, sa mère espère la marier et l'envoie au bal. Mais tous les hommes vaillants sont partis, alors Rose ne se fait pas beaucoup d'illusions sur ses chances de trouver le prince charmant. La suite va lui prouver qu'elle avait tort. Ce petit vannier qui ne danse pas à un charme fou, un regard attirant.
Dès lors, la jeune fille sait qu'elle fera sa vie avec lui. Et qu'elle aimera sa fille Michèle comme la sienne.
Leur union sera toutefois de courte durée, car André à son tour doit partir rejoindre les troupes combattantes, essayer d'arrêter "les Salauds" qui prennent leurs aises, tuent à tour de bras et s'installent dans le pays. Rose cherche alors à adapter la réalité à ses attentes. Écrit des lettres dont elle sait qu'elles ne trouveront pas leur destinataire. Alors pour Michèle, elle écrit aussi les réponses d'André. Qui va bien, forcément.
"La vérité, c'est surtout que je refuse qu'il ne revienne jamais. Alors il reviendra."
La réalité pourrait cependant revêtir des habits moins reluisants. Celle que les voisins observent et lui reprochent: "tu vends des meubles à nos ennemis, tu les invites à boire le café, tu fais chanter ta gamine, tu les salues le matin."
Comment dans ce contexte ne pas passer pour une traître, une lâche? D'autant que «l'accordéoniste tueur» va lui offrir billet de train, hôtel et inscription à un concours de chant qui se déroule dans la capitale. Voilà donc la raison de sa présence dans ce train.
À l'arrivée, c'est un véritable «manège émotionnel» qui l'attend et dont je ne vous dirai rien, sinon pour souligner combien Pénélope Rose réussit à mettre en lumière «toutes ces choses qui existaient en silence» et transforment la vie, les vies. Alors les certitudes s'effacent et laissent place aux questions. Alors un nouvel éventail de possibilités s'ouvre aussi. Pour Rose et Michèle l'avenir, ponctué de rencontres improbables, va soudain se dessiner de manière très différente à ce qu'elles avaient imaginé jusque-là.
Les trois temps du roman nous offrent une réflexion sur la guerre et ses déchirures, reprenant ainsi l'un des thèmes déclinés de plusieurs manières en cette rentrée, depuis le soldat désaccordé de Gilles Marchand à Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon en passant par le colonel ne dort pas d'Emilienne Malfatto ou encore L'Archiviste d'Alexandra Koszelyk. Mais la parenté et la filiation, l'exil et les migrants viennent ici compléter ce riche tableau. On y ajoutera la fidélité, ici réinventée avec poésie.


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          332
Alors qu'elle revient du Sud, après avoir passé quelques mois dans la ferme de son oncle, Rose a des envies de liberté, d'autonomie, d'espace. Elle sait qu'elle peut y arriver, seule, sans devoir compter sur un homme, qui discuterait ses décisions, qui minimiserait son travail… Mais elle n'avait pas prévu de rencontrer André, le petit vannier qui fait chavirer son coeur… Alors que le pays sombre dans la guerre, que va-t-il advenir de leur amour, de leur rêve, de leurs espoirs…

Valse fauve est un premier roman qui m'a conquise. Que ce soit l'écriture de Pénélope Rose, enlevée, travaillée, maîtrisée, ou l'histoire qu'elle nous raconte, avec ses personnages attachants, drôles, courageux, tout est parfaitement à sa place.

L'histoire de Rose n'a pourtant rien d'exceptionnelle. Elle est jeune, pleine de fougue, et elle rencontre l'amour alors que ce n'est pas sa priorité. Cet André change alors sa vision de la vie, ses rêves, ses projets. Et puis la guerre gagne du terrain et les sépare… Oui mais…

Rose, cette étincelle de vie, cette âme pétillante, cette énergie ingénieuse, Rose illumine chaque mot, chaque phrase, chaque page du roman. Elle est une amante attentionnée et patiente, une mère dévouée et entière, une amie généreuse et fidèle.
Attachée à son homme parti bien vite, elle va apprendre de la vie. Celle qui fait avancer, celle qui fait grandir, celle qui voit loin. Elle va s'adapter et accepter de reprendre sa liberté, celle qui l'a menée là où elle est, qui fait d'elle cette jeune femme attachante et forte…

Jamais vous ne pourrez l'oublier… Et vous chérirez son souvenir, pour la fougue, pour l'élan, pour la lumière dont elle nous fait cadeau…
Commenter  J’apprécie          280
Un premier livre que j'ai lu rapidement, un roman historique rempli d'émotions et d'espérance.

Le récit se déroule en temps de guerre, pas de détails précis.
Rose, poussée par sa mère, rejoins son amie Christiane. Elles se rendent au bal, là où tous les célibataires doivent se retrouver.
"Aussi, depuis quelques mois, depuis cette drôle de guerre, nos mères étaient prises de panique, persuadées qu'elles ne caseraient jamais leurs filles car les seuls mâles restants n'étaient pas très soyeux. Alors les hommes et le mariage étaient devenus des sujets de prédilection. Dans notre village, c'était la guerre aussi : la guerre des poupées en fleur. A celle qui serait la première mariée avec le dernier pas trop mal en point."

Rose ne voulait absolument pas devenir une cocotte, elle voulait être libre et ne pas sacrifier sa vie au mariage et aux enfants. Mais le destin ne se commande pas, elle croisa la route d'André, un bel accordéoniste et le jour où il prononça son prénom...
"Il avait prononcé mon prénom et j'ai été surprise de sentir mes viscères se retourner tout à fait. Ce n'étaient pas des papillons qui dansaient, c'était une multitude de fleurs qui s'étaient mises à éclore, ça et là, dans mes intestins. Il a dit Rose, et j'ai découvert mon prénom. J'ai vu une graine couleur de blé dans une terre boueuse. Puis une goutte est tombée du ciel comme un encouragement. Alors la graine s'est ouverte pour laisser éclore une tige effarouchée. Je me suis vue pour la toute première fois, à travers ses yeux."

Elle acceptera le mariage, par amour et pour pouvoir adopter une petite Michèle, adorable et très attachante.
Le bonheur est de courte durée, André rejoindra les insurgés et l'attente commencera.
Les personnages qui évoluent tout au long de ce récit, font sa force avec leurs émotions à fleur de peau.

Les salauds sont partout, s'insinuent dans le moindre espace.

Rose est courageuse, elle se créera une longue liste à tenir en attendant le retour et les lettres d'André. Elle est combative et authentique. Michèle, sera toujours celle qui la poussera à aller plus loin et à se battre contre les salauds.

Un livre sensible et poétique malgré la noirceur du contexte.
Personnellement, cette histoire est plutôt basée sur la résilience de Rose, sa force, sa résistance, son amour de la vie, plutôt que sur la guerre.
Je vous le conseille, bonne lecture.

Commenter  J’apprécie          2126
En plein conflit mondial, Rose est une jeune femme de dix-neuf ans affirmée et sûre d'elle. Elle refuse de devenir une cocotte, de faire comme toutes les femmes, se marier, fonder une famille. Elle veut se sentir libre. Pourtant, la rencontre avec un accordéoniste prénommé André va faire vaciller ses certitudes. Pour lui, elle va accepter le mariage, pour lui, elle sera la maman adoptive de la petite Michèle. Lorsque son mari va décider de rejoindre les Insurgés, la jeune femme devra faire montre d'un courage indicible pour protéger sa fille des dangers extérieurs,

Ce roman a été un coup de coeur absolu. L'auteure m'a profondément bouleversée, et malgré l'horreur ambiante, l'espoir garde une place très importante dans ce récit.

L'histoire est portée par Rose, et ce personnage va me rester en tête pendant longtemps. L'auteure a su remarquablement brosser son caractère, avec toutes les nuances qui en découlent. Cela donne ainsi un personnage inspirant, charismatique. Je me suis totalement attachée à elle, et ce dès les premières pages. J'ai été admirative devant tant de courage, et tant d'authenticité.

L'auteure livre ici un roman terriblement émouvant, mais également lumineux malgré toute la part d'ombre qui parsème les pages. Pénélope Rose ne va nous donner aucune temporalité, ne va jamais nommer cette Guerre. Si cela peut perturber au début, on s'y retrouve très vite, ne vous inquiétez pas. Au contraire, ici ce sont les personnages qui participent à l'évolution de l'intrigue et tout est centré sur leurs émotions.

Je ressors bouleversée et chamboulée. Avec beaucoup de réalisme et de sensibilité, l'auteure aborde plusieurs thématiques, notamment celle de la maternité, de l'amour marital. Rose, bien qu'éprise de liberté, saura prendre ses responsabilités.

Plusieurs passages de ce roman m'ont paru d'une intensité émotionnelle rarement vue dans mes lectures. Je n'ai pas de mots pour vous exprimer cela. Il faut vraiment découvrir ce roman.

La plume de l'auteure m'a tout simplement conquise. Avec un style généreux et authentique, les pensées de Rose nous sont retranscrites avec beaucoup de réalisme. le récit est narré à la première personne.

Un roman vibrant, douloureux mais où l'espoir demeure très présent. J'ai été bouleversée par ce roman historique fort, servi par une héroïne charismatique.


Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
Commenter  J’apprécie          244

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Dans un autre monde, dans un autre temps, la petite trépignerait. Elle sautillerait de wagon en wagon. Elle se régalerait de sandwichs, nous regarderions le paysage en rêvassant. Devant nous, il y aurait un paquet de cartes, et tout cela ne serait qu’un grand jeu de joie. Nous aurions réservé un hôtel miteux mais nous y serions heureux car nous serions tous les trois. Nous irions au cinéma regarder des choses qui n’existent plus, voir des visages qui ont disparu. Nous nous régalerions dans des bistrots qui sentent le tabac noble, nous irions visiter des musées qui possèdent des collections venues du monde entier.
Mais nous étions dans ce train, dans ce monde, dans ce temps. Michèle ne sautait pas ni ne rêvait de la ville. Elle était blottie contre moi, elle ne prononçait pas un mot. Les cartes à jouer étaient restées dans mon sac à main. Je regardais les Salauds passer dans les allées et je tremblais à chacun de leurs contrôles. Parfois, je me laissais aller à rêvasser un peu, imaginant André, là, dans le fauteuil d’en face, avec une pipe et un journal. Je le voyais faire semblant de ne pas nous connaître, puis baisser légèrement son journal pour m’adresser un de ses regards, de ceux qui me font danser l’estomac. L’homme qui m’avait offert les tickets de train nous avait parées d’un laissez-passer digne de ce nom. Dès qu’un Salaud l’examinait, il disait à Michèle : «Bravo, et bon courage!», puis il se tournait vers moi en souriant: «Ça doit être la plus jeune du concours! Félicitations!» J’acquiesçais et forçais un sourire. Mais ma fille était moins bonne actrice que moi. Son visage réprimait difficilement les méchantes grimaces qui se dessinaient sur ses traits chaque fois que l’un d’entre eux s’adressait à elle. «Ma cocotte, sois plus discrète, tout de même», je lui chuchotais à l’oreille. Elle haussait les épaules: «Ce n’est pas moi, c’est ma peau qui ne les supporte pas.» Je rouspétais: «Eh bien, maîtrise un peu ta peau.» Ma fille était devenue plus intègre que moi. Car, à force de feindre parfois, il m’arrivait de croire qu’ils n’étaient pas si dangereux que cela. Il m’arrivait de me laisser berner par l’envie de vivre tranquillement, comme avant. Il m’arrivait de m’inventer une existence paisible dans un pays paisible, dictée par des Salauds paisibles, qui tuent des gens mais qui ne tuent ni ma fille ni moi. Il arrivait que cela puisse me convenir. Ce sont des choses que je n’avouerai jamais. Même sous la torture. Je ne l’avouerai jamais car je passerais pour un monstre. Je ne crois pas avoir été un monstre. Je crois avoir été fatiguée d’avoir l’espoir que cela cesse. Je crois avoir été lasse d’espérer qu’André revienne. Je crois avoir été bien usée de me battre contre le vide. Au point que mon palpitant me glissait: «Il faut se faire une raison, Rose. La vie, c’est comme ça, désormais.» Je ne laisserai personne juger mes moments de résignation. Dans ce train, le sens des choses m’échappait encore une fois. Alors, comme souvent, je replongeais dans mes souvenirs et me refaisais le chemin.

Premier temps
Les bûches palpitaient. Le feu illuminait leur cœur et les colorait. Elles semblaient reprendre vie au sein du brasier. Les écorces valdinguaient à travers la cheminée. Il se créait un rythme musical dans toute la maison. Les percussions de l’hiver. L’odeur se baladait dans la cuisine, crapahutait dans l’escalier et parvenait à ma chambre. «ROSE!» L’hiver, comme toutes les odeurs de toutes les saisons, s’accompagnait du cri de ma mère. «ROSETTE!» Elle parlait peu, alors elle parlait clair. Pour être sûre de ne pas avoir à se répéter, elle propulsait les mots de ses tripes. Sa voix transperçait les pierres campagnardes et on y percevait le trémolo de ses angoisses. «Elle a mis sa robe? Il faut qu’elle se lave les mains, elle ne va pas se laver les mains…» Je me suis décidée à descendre, enfin. En bas des marches, ma mère avait les poings sur les hanches et son torchon humide coincé entre sa jupe et son chemisier. Son air insatisfait. «Va falloir changer cette démarche, bon sang, Rose! Dix-neuf ans que tu te dandines comme un oisillon blessé.» Chaque pas était un calvaire à cause de cette robe qui me cachait les pieds. Deux fois j’ai manqué tomber et, je l’avoue, j’aurais bien aimé trébucher de tout mon poids pour me casser deux ou trois orteils. Ma mère ne m’aurait pourtant pas dispensée d’aller au bal ce soir-là. Même avec des orteils en moins: «Fais voir un peu. Tourne-toi. Ben tourne-toi donc, enfin, cocotte!» J’ai tourné, j’ai soupiré. Elle m’a filé un coup sur la tête, avec un sourire en coin. Au fond, j’aimais cela. Il se passait toujours quelque chose entre elle et moi. Une sorte d’amour si intense qu’il ne fallait surtout pas l’étaler. Je l’exténuais, elle ne me comprenait guère mais elle m’adorait. Plus j’étais une étrangère à ses yeux, plus elle savourait nos différences. Puis elle a sorti une cigarette d’entre ses seins. Elle s’est assise et s’est mise à fumer. Elle m’a désigné la porte d’un geste sec, la clope entre ses doigts me montrait la sortie. «Allez, hop. Va… La paix!» Je la regardais s’enfumer le cœur.
«Mais tu ne viens pas avec moi?
— Et ça va aller, non? Si ta mère t’accompagne à ton âge, qui, tu crois, va vouloir danser avec une fille pareille?
— Je n’ai pas envie de danser.
— Dis-moi, Rosette, tu veux finir avec un mari comme celui que j’ai trouvé?
— Certainement pas…
— Alors va au bal toute seule, je te dis!
— Qui veux-tu que je rencontre là-bas? Les jeunes, les beaux, y en a pas, en ce moment. J’irai au bal quand la guerre sera finie.
— Et si ça se finit dans dix ans? Comment je vais faire, avec toi dans les pattes? Ceux qui ont réussi à rester, ce ne sont pas que des vieux ou des estropiés! Y a des malins, aussi… comme ton père.
— Des fourbes, en somme.»
Elle a ri. J’insultais mon père, et ma mère riait. Je crois que ça lui faisait du bien d’entendre à haute voix des choses qu’elle n’osait pas penser toute seule, en bêchant son jardin. Le bal, je n’en avais que faire. Je détestais les bals car je redoutais l’Amour. Ça ressemblait plutôt à de la compagnie. J’avais vu ma mère. J’avais vu ma mère avec mon père, j’entends. Il disait peu de choses, les mêmes à moi qu’à elle: «Embrasse le maire», «Fin de la discussion», «Ça suffit avec le pain». Voilà. Quitte à choisir, si l’amour était un moyen de combler la solitude, j’aurais préféré un chien. Si j’avais été ma mère, je n’aurais pas choisi mon père mais un bouvier bernois.
Je sortais de la maison en traînant les pieds quand sa main m’a rattrapée par l’épaule. «Tu as changé.» Elle ne m’avait pas vue durant six longs mois mais, plutôt que de me dire: «Tu m’as manqué, Rose», elle m’a scrutée, a cherché dans mes yeux ce que je voulais lui cacher. «Tu as vu un garçon?
– Certainement pas!» Silence. Savait-elle me lire? Non. Et c’est pour cela qu’elle m’aimait tant. «Alors c’est bien, mais ne change pas trop non plus.»

Dehors, le froid pénétrait sous mes frous-frous pour me geler les cuisses. Christiane était adossée au lavoir. Elle a ri en me voyant me battre avec mes jupons. Elle était devenue violette par ma faute. Cela faisait une demi-heure qu’elle m’attendait devant la maison. Frapper à la porte pour croiser le regard accusateur de ma mère, jamais! «Plutôt crever!», s’exclamait-elle. Elle grelottait, le bout de son nez, ses mains, son visage tout entier étaient devenus aussi pourpres que sa robe. Elle n’était plus qu’une grosse robe de fille avec des pieds et des dents.
Nous nous sommes étreintes comme deux vieilles amies se retrouvent après vingt ans. Je n’étais partie que six mois, mais nous n’avions jamais été séparées une seule journée depuis notre naissance. Je revenais ce jour-là de chez mon oncle, de là-bas, du Sud. Il y possédait des terres majestueuses entourées de collines. Il y faisait pousser des légumes dont le goût n’avait rien à voir avec ceux d’ici. Les tomates étaient les fruits sucrés du quatre-heures et détrônaient les fraises de ma région. Six mois chez mon oncle, six mois de labeur, sans une plainte, et mon père acceptait enfin de discuter de mes ambitions. Cette période aurait été la plus heureuse de ma jeunesse si cet homme, celui qui apportait le foin, n’avait pas existé. Un dégueulasse qui faisait les choses comme bon lui semblait, même celles pour lesquelles il était nécessaire de demander l’autorisation. Lui n’attendait pas la réponse, ou plutôt, il ne se fatiguait pas à poser la question. Ce dont j’avais le plus souffert, c’était du silence qui avait pris place en moi. Un silence auquel je me sentais contrainte, par honte et par détermination. Je n’avais pas osé dénoncer ce dégueulasse à mon oncle. J’avais eu peur qu’il me trouve fragile. En ce temps-là, j’étais la première levée, la dernière couchée, je gagnais face au soleil. J’étais plus éveillée que lui. Je tenais tête à la sécheresse sans verser une larme sous cet astre de plomb. Et pourtant, je n’avais pas su me défendre contre un imbécile.
Sur le quai de la gare, mon oncle m’avait serrée dans ses bras. Il m’avait promis que cette ferme serait la mienne un jour, si cela était vraiment mon rêve. Puis il avait ajouté que les rêves ne servent qu’à se donner des directions. Qu’il ne fallait pas que je m’écorche le cœur à m’y cramponner. Que la vie offrait découverte sur découverte, que c’était mieux que les rêves car c’était imprévisible. J’avais ri car je trouvais ça idiot, puis j’avais sauté dans le train. La bienveillance de mon oncle avait effacé mes idées noires. Le temps du voyage m’avait permis d’extraire les souvenirs désagréables de ma cervelle. J’étais arrivée dans mon village, j’avais retrouvé ma mère en même temps que j’avais oublié l’inconfort des nuits précédentes. Déjà, si jeune, j’avais le talent d’effacer tout ce qui pouvait entraver ma joie.
Christiane me parlait des lettres qu’elle m’avait envoyées, elle savait que je n’en avais lu aucune. Je n’ai jamais supporté les séparations. E
Commenter  J’apprécie          10
Toutes ces choses qui existaient en silence. Cela donnait le vertige. Tant d’histoires, de réalités différentes qui vivaient les unes à côté des autres. Des réalités parallèles, comme des frontières, des barrages, des barbelés divisant le monde des autres et le mien. Fallait-il ne jamais croire tout à fait quelqu’un, ni une idée, ni un argument ? Existait-il un endroit où une vérité était absolue ? Alors je rêverais de m’y rendre. J’aurais aimé que mon bon Dieu soit un lieu et qu’il soit celui-ci.
Commenter  J’apprécie          101
Quitte à choisir, si l’amour était un moyen de combler la solitude, j’aurais préféré un chien. Si j’avais été ma mère, je n’aurais pas choisi mon père mais un bouvier bernois.
Commenter  J’apprécie          232
Ma région avait des allures épiques. Les grandes plaines touchaient le ciel comme le font les océans. Les moutons postés à leurs cimes se prenaient pour des nuages. Les pommiers dansaient. Ils faisaient tournoyer leur chevelure et les pommes rouges décoraient leur tignasse. Le paysage entier était une femme amoureuse.
Page 52
Commenter  J’apprécie          103
Isabelle a regardé sa petite-fille avec dureté. Elle l’a saisie vigoureusement. Elle ne l’a lâcherait pas. Elle ne laisserait pas la souffrance dévorer son esprit. « Au contraire, tu es victorieuse ! Tu commences ta vie par la victoire car tu as survécu. Voilà une chose dont peu de gens peuvent se targuer. Tu peux te faire confiance, faire confiance à ton instinct, ton espoir, ton courage, ton optimisme, ta résilience. Tu pars gagnante car tu as quelque chose à transmettre au reste du monde. »
Commenter  J’apprécie          60

Videos de Pénélope Rose (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pénélope Rose
Découvrez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/penelope-rose-valse-fauve-53517.html Dans un monde qu'elle ne comprenait pas toujours, la petite Pénélope s'était inventé un univers parallèle dans lequel les histoires qu'on lui racontait lui permettaient de s'évader, de rêver et de croire que tout est possible. Par le roman, par la musique, par le cinéma, elle s'imaginait autre. Adolescente, elle fait même l'acquisition d'une petite caméra pour filmer ses propres histoires. Et tout naturellement, elle fait le choix de s'immiscer dans cet univers professionnel. Cinéma, télévision, chanson, théâtre, Pénélope Rose aime transmettre et partager ses émotions avec le public. Avec cette même idée, formée à la technique de l'image, elle passe aussi à la réalisation et plusieurs de ses courts métrages ont été primés. Voici que la jeune femme ajoute une corde à son arc avec ce premier roman « Valse fauve » paru chez Plon. Nous sommes dans un espace-temps indéterminé. Au fil des pages, chacun pourra comprendre qu'il s'agit des années 1940 mais peu importe puisque l'histoire est intemporelle. La jeune Rose se veut rebelle et ne compte pas s'encombrer d'un mari. C'est bien mal connaitre le destin qui met sur sa route le séduisant André. C'est le coup de foudre. Mais dans la corbeille de mariage se trouve aussi la petite Michelle née d'une précédente liaison d'André. Qu'à cela ne tienne. Rose est heureuse, amoureuse et considère l'enfant comme la sienne. Mais ce bonheur tranquille qui ne ressemble en rien aux rêves de gamine de Rose est balayé par la grande Histoire qui met le monde en guerre. André part combattre. Rose, restée seule avec la petite Michelle devra elle aussi combattre, résister à sa façon et prouver que malgré toutes les atrocités, toutes les trahisons, toutes les douleurs, la vie continue. Voilà un premier roman très réussi, à l'écriture poétique et originale. La plume de Pénélope Rose est belle et sensible. Au-delà de la tragédie que raconte le livre, le roman reste lumineux et positif et Rose fait partie de ces personnages de papier qui vous accompagnent sur le chemin, transmettant au lecteur force et enseignement. Une belle réussite donc, à découvrir absolument. La jeune femme avait déjà séduit en tant que comédienne, elle fait une belle entrée en littérature. Nul doute qu'elle n'a pas fini de nous surprendre. « Valse fauve » de Pénélope Rose est publié aux éditions Plon.
+ Lire la suite
Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus

Lecteurs (148) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5266 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}