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EAN : 9782070743902
324 pages
Gallimard (15/02/2004)
3.4/5   10 notes
Résumé :

Un auteur, ça invente, c'est bien le moins. Par exemple cette histoire sur un cédérom intitulé Le Vol de Nils, à travers laquelle une ex-petite fille d'extraterrestre rend hommage à son alpiniste de père, disparu en montagne, la privant ainsi de connaître la suite des aventures de Nils Holgersson qu'il lui lisait le soir et dont il avait l'habitude d'enregistrer un épisode avant de partir sur le toit du monde. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Résumer ce livre de Jean Rouaud est une tâche compliquée. de la bouteille à bouchon verseur pour remplir l'encrier de classe au grand-oncle tombé au combat, du père bricoleur au saint Joseph charpentier dans les pénombres de Georges de la Tour, de l'histoire de Nils Holgersson aux apparitions mariales de Bernadette Soubirous, cherchez le point commun, c'est Jean Rouaud en soliste des souvenances et à la baguette de cette investigation : comment l'auteur est-il advenu ? L'orchestration est, comme toujours, parfaite et la symphonie aux motifs éclectiques est inclassable, ce qui contraint Wikipédia, sans trancher pour l'autobiographie familiale ou l'essai, à la ranger à côté des "autres", comme "L'imitation du bonheur" ou "La femme promise".

"L'invention de l'auteur" : invention non pour création de l'esprit mais, selon le sens ancien, découverte de ce qui est camouflé, comme l'invention d'une grotte, d'un corps qu'on déterre. Rouaud explique : "Ici, c'est poser qu'on se découvre, et non qu'on se fabrique, auteur. Rimbaud disait en substance «Je me suis reconnu poète»." Il avoue faire son métier d'écrire comme d'autres lancent des balles en l'air, "ce qui est incongru par les temps qui courent où l'on demande à la parole d'avoir la foi qui sauve", mais "c'est mon art, ces miroitements de la langue, et je n'ai rien d'autre à proposer que ce savoir-faire de verrier pour donner une transparence colorée aux fables du monde."

"Les fables du monde", ce sont ses mots, n'attendez donc pas de Jean Rouaud un essai cérébral sur la notion d'auteur à la Maurice Blanchot ou Roland Barthes, avec l'outillage classique de la réflexion théorique, il aime trop le romanesque, et sa quête des origines de la vocation passe d'abord par l'imagination et le coeur. Et si l'on s'ennuie, c'est que l'on n'aime pas les irisations opalines de sa musique.

Mots justes de "Lectures au coeur" sur cette écriture : "... l'écrivain ne la conçoit que belle, d'une beauté à renverser le souffle, lisse, ample, harmonieuse. Ce n'est pas qu'il ait tant de choses à raconter, mais l'esthétique de la phrase, il y tient." C'est bien comme cela, au bout de longues phrases comme d'une fugue, l'on ne sait plus très bien par où l'on est passé, d'où l'on vient, d'incises en digressions et parenthèses, mais des accointances s'installent et perdurent.

L'écrivain dit par ailleurs que le rapport au réel ne se résume pas à une histoire de vrai ou faux, ce que les romanciers savent depuis longtemps. Et puisque lui revient cette "phrase de bon secours" que "pour aller où l'on ne sait pas, il faut passer par où l'on ne sait pas" (saint Jean de la Croix), il invente un leitmotiv, cette femme aux yeux clairs, cette "pluie de jade", qui célèbre dans un CD-Rom son père alpiniste mort en escalade, l'homme qui lui racontait l'histoire de Nils sur l'oie survolant la Suède lorsqu'elle était petite fille. Cette femme pour laquelle l'auteur a un geste cent fois réécrit et interprété au long du livre : "C'est au moment de vous saluer que j'eus ce geste qui a modifié cette vague idée que vous emportiez et vous a amenée à m'écrire. Constatant que votre main disparaissait sous le poignet de votre blouson, de fait nettement trop large pour vous, j'ai pris sur moi, sans réfléchir, et là, oui, ce fut naturel, de le retourner comme on fait pour les enfants qui bien souvent récupèrent d'un aîné des affaires une ou deux tailles au-dessus, mais en vous disant quelque chose que j'ai oublié mais dont vous m'avez rappelé le sens. Était-ce que maintenant nous étions devenus grands ?"

Rouaud, pour son invention, interroge le procédé de l'hypertexte numérique mais, sur la feuille de son projet, il ne peut ouvrir des images qu'en écartant les mailles du texte. "Car si l'écriture est à deux dimensions – la seule façon d'ouvrir le texte est d'user de l'incise, laquelle ne peut s'étendre longuement sous peine de perdre le fil du récit, et de toute manière elle reste en surface et ne crée pas cet effet de profondeur que vous obtenez par l'hypertexte –, c'est l'empilement des livres, la mise en abîme de la même histoire qui autorise à passer à la troisième dimension."

Parcourir la troisième dimension roualdienne n'est certainement pas le moindre des plaisirs littéraires.
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Avec Kiosque, je suis tombée dans la marmite Rouaud, lequel est entré dans le club très fermé des auteurs français contemporains dont je veux tout lire. Après Etre un écrivain (2015)(pas de billet ici), voici cette Invention de l'auteur (2004).

Dès l'abord, se croisent Jean de la Croix ("Pour aller où l'on ne sait pas il faut passer par où l'on ne sait pas."), Thérèse d'Avila, de Lisieux, et surtout Bernadette Soubirous ("Ce qu'on écrira de plus simple sera le meilleur."). Sa vision de Joseph charpentier (est-ce bien un charpentier sur le tableau? se demande Rouaud) le conduit à Joseph, son père décédé alors qu'il avait 11 ans. Hé oui, après cinq livres, il pensait en avoir terminé avec son père, mais non.

Revoilà le lecteur plongé dans des souvenirs, encore, et ça tourbillonne, et ça se répond, et il rencontre à une reprise une femme, on en saura pas comment elle s'adresse à lui dans sa lettre, tiens, en tout cas voilà Nils Holgersson. Rouaud a voulu être un écrivain, alors il cherche la genèse de cette envie, les signes dans son enfance.

Bon, impossible à résumer, mais auteur il y a. Et puis, il peut raconter ce qu'il veut, je le suis. Peut-être parce que je visualise bien l'environnement de son enfance?
Allez, quand on voit comment il parle de Bach (et sa mère) ou de Mozart (et son père), on en redemande. Fascinant, virtuose.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
"Vous n'avez pas connu non plus cette vie d'avant, mais c'était une recette d'autrefois dans les campagnes quand on ne jetait rien, et surtout pas le pain, dont tout le monde se souvenait qu'il avait tant manqué, et qu'on mettait rassis en tranches à tremper dans du lait parfumé au rhum, mais chez nous, notre mère détestant l'alcool, c'était à la vanille, puis dans des œufs battus en omelette, et qu'on faisait ensuite revenir à la poêle avant de saupoudrer de sucre. Peut-être en avez-vous entendu parler, c'est la recette du pain perdu. Pain perdu, temps perdu, père perdu, rien ne se perd vraiment pour qui s'applique à accommoder les restes, remonter un temple, reconstituer une vie. On peut partir d'une trace, d'un vestige, d'une mémoire enfouie dans une pâtisserie au prénom féminin. Le temps perdu, il faut l'entendre ainsi, comme le pain perdu, comme un dessert, ce n'est ni plus ni moins, ce recyclage de l'émotion, qu'une façon de finir en beauté."
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Vidéo de Jean Rouaud
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Au programme de la rentrée d'automne 2023 : 0:00 Introduction 1:01 *_perspective(s)_ de Laurent Binet* 1:15 *_À ma soeur et unique_ de Guy Boley* 1:29 *_l'enragé_ de Sorj Chalandon* 1:55 *_Rose nuit_ d'Oscar Coop-Phane* 2:30 *_strange_ de Geneviève Damas* 2:50 *_Le Jour des caméléons_ d'Ananda Devi* 3:06 *_Adieu Tanger_ de Salma El Moumni* 3:17 *_Le Grand Feu_ de Léonor de Récondo* 3:47 *_Comédie d'automne_ de Jean Rouaud* 3:58 *_Croix de cendre_ d'Antoine Sénanque* 4:11 *_Impossibles adieux_ de Han Kang* 4:39 Conclusion
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