Encore des histoires de bourgeois richissimes qui se posent des questions soi-disant existentielles... Sagan commence à me fatiguer, et ce n'est pas cette troisième pièce qui va me donner envie de lire ses romans. Mais après tout, elle est sans doute meilleure romancière que dramaturge, du moins je l'espère. Pas sûr que je tente le coup pour autant !
Donc là, on est en plein dans les clichés, pour changer : une femme d'une trentaine d'années, bourgeoise, riche, vient de sortir d'hôpital psychiatrique au bout de trois ans. Devinez son prénom... Zelda. Devinez ce qu'elle avait fait pour se retrouver en hôpital psychiatrique : mettre le feu à sa chambre. Je rappelle en passant que Zelda Fitzgerald avait fichu le feu à la maison qu'elle louait avec son mari dans le sud de la France, et qu'elle s'était retrouvée à la suite de cet incident internée en asile psychiatrique, comme cela lui arriva trop souvent. Sans parler des circonstances de sa mort. Tout ça est un peu gros. Tellement gros que Sagan en vient à expliquer à la façon d'une blague que le personnage principal de sa pièce se prénomme Zelda à cause de son père, ou de son grand-père, ou de je ne sais plus qui - de toute façon on s'en fout. Ça ressemble assez grossièrement à une justification du genre :"Ah oui, j'ai donné comme prénom Zelda à une folle, mais en fait c'est fin, subtil et drôle."
Pour ne rien gâcher, la Zelda en question ressemble étrangement à Françoise Sagan : bourrée de fric, se droguant, buvant, multipliant les accidents de voiture, faisant ce qu'il lui plaît et, forcément, menant une vie qui est la marque des gens qui sortent de la norme, des gens au-dessus du commun, qui s'interrogent de temps à autre sur le sens de la vie, mais tout en pratiquant l'autodérision, intelligents, malins et modestes comme ils sont.
Et ne voilà-t-il pas que Zelda découvre qu'elle n'a jamais été folle. Pour confondre les proches qui l'ont trompée, elle organise donc, en une scène finale sans intérêt, un psychodrame. Alors là, encore une fois, je dis : non ! Non, non, non ! C'est quoi cette manie, hein, d'aller piller Nathalie Sarraute, qui avait eu l'idée d'utiliser les psychodrame dans son théâtre plus de dix ans avant Sagan, mais de façon autrement plus intelligente ??? Je vais faire une liste des plagiaires de Sarraute, et Sagan se trouvera juste en dessous de Reza. Que les candidats suivants se fassent connaître !
Je trouvais déjà un bon goût de déjà-vu à cette pièce. Je trouvais les personnages insipides au possible, et tout aussi caricaturaux. Je ne voyais pas du tout l'intérêt de la forme dramatique... Mais maintenant si, j'ai saisi, l'intérêt c'est d'imiter Sarraute avec cette histoire de psychodrame totalement inutile, qui donne l'illusion du théâtre dans le théâtre si on n'y regarde pas de trop près - faut vraiment être au poulailler, pour le coup -, sans qu'aucune réflexion ne vienne étayer le procédé.
Que Sagan ait été mal dans sa peau, c'est une chose. Qu'elle nous inflige du théâtre médiocre pour le dire et que rien n'en ressorte, c'en est une autre. Bon, les histoires de bourgeoises malheureuses de Sagan, je crois que je vais pouvoir m'en passer à l'avenir. Si je veux me délecter d'une analyse subtile de la haute société, j'ai déjà... voyons... ben Edith Wharton, tiens, sur mes étagères. C'est bien, Edith Wharton. "C'est biiiien, ça... "
* Oui, grosse référence bien lourde à Pour un oui ou pour un non de Sarraute, vu qu'y a pas de raison que Sagan et Reza sortent leurs gros sabots en étant acclamées, et moi pas.
Challenge Théâtre 2020
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DORIS. Ah çà ! Moi, j'étais, je reste mariée à Tom, je lui suis fidèle ; toi, tu changeais d'amant tous les soirs, et c'est moi qui serais facile ?
ZELDA. Mais oui, bien sûr : facile à garder ! Tu sais ce que ça veut dire, une femme facile ? C'est la femme qui se couche, celle qui refait le lit, après, qui attend, qu'on est sûr de retrouver au pied de ce lit. La femme facile, c'est celle qui supporte les rires bêtes, les genoux gras, la prétention, l'indifférence. Ça, oui, c'est une femme facile. Appelle-la femme dévouée, patiente, ce que tu veux, mais ne me dis pas que c'est une femme difficile.
Acte I, scène 1
Zelda
Ces branches de pommier sont un peu compactes, là, non ? Je ne suis pas sûre de ce rouge...
Oh! et puis ça m'est complètement égal, moi ! Je m'en fiche de ce bouquet. Qu'est-ce que ça peut bien faire, je vous le demande, l'ordre réussi ou pas de toutes ces fleurs ? Je me demande comment les femmes qui ont une vie dite normale ne deviennent pas zinzins pour de bon. Les besognes ménagères demandent un comportement de maniaque, de psycho-maniaque, extravagant, vous ne trouvez pas ?
Etienne
...Et c'est toi qui l'as choisie.
Zelda
Peut-être, c'est vrai, peut-être... Personne ne sait ce que recouvre le verbe "choisir", s'il n'en est pas frustré. Et pourtant, depuis toujours, je déteste l'idée de tous ces plaisirs dont on ne découvre le sel, soit-disant, qu'une fois qu'on en est privé. C'est comme ces gens qui ne se savent amoureux que lorsque l'autre les quitte. Ils manquent d'imagination.
Etienne
Ne confonds pas tout, ma chérie : tu n'as jamais été bête, tu as été folle, ça n'a rien à voir. C'est plus grave, la folie, mais c'est moins humiliant que la bêtise.
Extrait du livre audio « La Laisse » de Françoise Sagan lu par Stéphane Ronchewski. Parution numérique le 27 mars 2024.
https://www.audiolib.fr/livre/la-laisse-9791035413873/