"I can't sleep 'cause my bed's on fire
Don't touch me, I'm a real live wire..."
(Talking Heads, Psycho Killer)
Charmante historiette.
Je ne connaissais pas du tout
John Saul, mais l'hideuse
créature sur la couverture de "
Hantises" m'avait envoyé un rictus irrésistible depuis les profondeurs de la boîte à livres, et j'ai décidé de tenter le coup. Non sans ronchonner un peu au préalable en ce qui concerne le titre : c'est loin d'être le seul roman d'horreur traduit en français qui le porte, ce qui m'a fait penser à l'inutile facilité commerciale et au manque d'imagination des éditeurs. "The Unloved" mériterait mieux, d'autant plus que dans ce cas précis, le mot "hantise" ne fait que confondre le lecteur. Quoique...
C'est davantage un thriller psychologique adroitement bâti qu'un roman d'horreur surnaturelle ; un bon moment de lecture qui dresse les cheveux sans prétention, comme on savait encore en proposer à la fin des années 80.
Kevin Devereaux n'est pas fier de son nom de famille, même s'il le pourrait. C'est le nom de toute une bourgade fondée par ses nantis ancêtres planteurs. Kevin l'a quittée il y a longtemps, et il ne comptait jamais y revenir. Qu'importe que sa mère et sa soeur y vivent encore ? Sa vie et sa famille sont maintenant ailleurs.
Mais le destin en a décidé autrement... La mère est mourante, et elle veut revoir Kevin. Il ne lui reste qu'à prendre sa famille - Anne et deux enfants - et à retourner à l'endroit qu'il déteste. Vers celle qu'il déteste.
Sa soeur Marguerite est restée pour s'occuper de la mère. Pour se laisser torturer psychologiquement et supporter sans protester les lubies de la vieille mégère. Cette adorable Marguerite qui était promise à la grande carrière de danseuse étoile, dans sa jeunesse... jusqu'au moment fatal de son accident.
Pourquoi Kevin décide-t-il subitement de rester ?
Est-ce que Jeff, son fils de huit ans, voit réellement des fantômes ?
Pourquoi la vieille demeure familiale de Sea Oaks donne la chair de poule à sa femme ?
Et Julie, leur fille ? Est-elle vraiment promise à la belle carrière de danseuse, comme l'était autrefois sa tante ?
Le roman porte donc l'étiquette "horreur"... hm, il faut un brin de patience ! le premier tiers traîne quelque peu en longueur, mais un sombre mystère miroite déjà suffisamment entre les lignes pour que la curiosité vous pousse à continuer. Dès le début on pressent que quelque chose va de travers, et croyez-moi, ce n'est qu'un début ! le deuxième tiers monte en vitesse et en tension, et dans le dernier la gradation est déjà telle qu'il est tout bonnement impossible de lâcher le roman avant de l'avoir fini. Peu importe l'heure tardive et peu chrétienne.
Le Mal absolu respire à travers la mère Devereaux. La nursery est une pièce qu'il vaut mieux éviter. La psychose à la Bloch arrive sournoisement pas à pas (quand est-ce que ça va commencer !?) et la vieille servante Ruby est la seule qui veut bien croire aux fantômes du petit Jeff. Mais qui tire vraiment sur les ficelles, qui entretient l'illusion que tout est parfaitement normal ?
Je recommande décidément Saul à tous ceux qui apprécient les grandes demeures hantées dans le style "southern gothic", les petits garçons futés et les femmes... folles à lier. La seule chose qui m'empêche de coller aux "
Hantises" la note maximale sont les dialogues "de cuisine" vraiment naïfs et peu naturels, et puisque je parle déjà de la naïveté, un bon nombre de personnages adultes peuvent surprendre par leur manque de méfiance dans certains moments particulièrement intenses. Difficile à croire que seul le petit garçon est capable de voir ce qui échappe aux autres, et à mon avis, la phrase ultime (si prévisible !) est tout simplement en trop, mais au diable... cela reste un sacré scénario, et en approchant la fin il est même souhaitable de prévoir en avance quelques sucreries pour calmer les nerfs surmenés.
3,5/5 très honnêtes, en me disant que tout ce cauchemardesque tohu-bohu ferait un excellent film "série B" pour les amateurs du genre.