Après Sammy (1938) et
Plus dure sera la chute (1947), deux romans très réussis qui ont donné à
Budd Schulberg un statut d'écrivain sublimant son travail de scénariste pour Hollywood, voici
le désenchanté (1950) qui retrace une expérience vécue par l'auteur en 1939 avec Francis Scott Fizgerald lors de la tentative de collaboration pour un scénario commun. Il est évidemment très intéressant de voir relater cette expérience hollywoodienne commune qui s'achèvera dans le chaos en raison de la dépression et de l'alcoolisme terrifiant de Fitzgerald : celui-ci détestait son travail « alimentaire » pour Hollywood et se méprisait de devoir en arriver là pour survivre après le succès de Gatsby (1924) et la pente descendante que Tendre est la nuit (1934) avait amorcé mais surtout par rapport à l'image (que l'histoire a confirmée) de génie littéraire qu'il avait de lui-même.
Le roman est fait en trois parties (non nommées) : une mise en place de la situation de collaboration entre Budd et Scott (ici nommé Shep et Manley), une série de 4 flash-back intitulés Histoire ancienne, et le dénouement dans le cadre du carnaval de l'université Webster où toute l'équipe s'est portée pour observer la réalité de ce qui devra servir au scénario du film.
C'est bien construit, mais sur ces 3 parties, je n'ai personnellement trouvé réussie que la partie centrale, celle qui décrit l'univers des années de gloire où Scott et Zelda vivent réellement sur une planète délirante et euphorique que l'alcool, les fêtes, les paillettes et la jeunesse contribuent à magnifier (surtout dans le contexte existentiel des souvenirs, comparaison autrefois-aujourd‘hui)
J'ai trouvé le début poussif et mal écrit – un comble pour
Schulberg dont j'ai adoré le style des premiers romans. J'ai trouvé le final larmoyant et trop mélo, avec une tendance à accentuer le parler-alcoolo de Scott machant difficilement ses phrases pendant quasiment les 100 dernières pages (et difficile d'attribuer cela à la traduction de
Georges Belmont qui a aussi traduit Sammy).
Enfin, la question n'est pas vraiment là. le vrai problème est : qu'est-ce qui me pousse, moi, 60 ans, avec cette impression que les meilleures années sont derrière, à m'atteler à un roman dont le résumé m'a clairement fait comprendre qu'il s'agissait d'un homme qui sombre dans le regret de sa gloire passée et que dégoute son présent, tandis que le fantôme de sa femme d'autrefois un peu folle et romantique le dispute à la présence d'une femme réelle actuelle et terre à terre ? Et pourquoi lit-on en général ?
OK, passons, c'est ça le problème avec les alcoolos célestes…