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EAN : 9782743628635
112 pages
Payot et Rivages (27/08/2014)
3.74/5   19 notes
Résumé :
Linz, avocat mal vu du régime, est enfermé arbitrairement dans la prison de Schendorff, mastodonte pénitentiaire d’un État totalitaire d’un nouveau genre, fondé sur la « séparation préventive » des asociaux, repérés puis enfermés dès leur plus jeune âge. Il ignore qu’il n’est qu’un rouage au sein d’un plan insensé mis en œuvre par F., un faux détenu travaillant en réalité pour le tout-puissant Ministère des Libertés et des privations publiques... Sous la double infl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Notre mémoire collective et notre histoire sont pleines de ces dérives totalitaires et policières dont Orwell et quelques autres ont dressés des portraits des plus inquiétants et qui apparaissent parfois bien en deçà de la réalité. Avec ce premier roman, Luis Seabra, nous emmène dans ce monde et des récits d'une inquiétante étrangeté, dans un univers que l'on ne peut s'empêcher de qualifier de "kafkaïen", avec peut-être encore plus de "réalisme irréel".
Les phrases finales du livre livrent sans doute une clé pour appréhender ce récit démultiplié et et scindé en trois. Trois fois trois même : trois voix et trois moments d'une même chronique, celle d'une ambition, d'une ascension et d'une chute programmée, sinon annoncée.
"Le livre en question ne figurait dans aucun catalogue. Il était posé sur un vieux pupitre, dans une pièce rouge à laquelle on n'accédait que dans son sommeil, au terme de plusieurs cauchemars."
Nous sommes au coeur d'une prison et d'un dispositif pénitentiaire qui masque son nom, et de son organisation administrative et politique. La prison est ici un outil puissant au service d'un pouvoir particulièrement "tordu", qui a dépassé le stade de la répression, ou même celui de la gestion des "lieux de privation de liberté", pour la PNRP, la "politique nationale de regroupement préventif". Entre police courante et services secrets très politiques, très liés au pouvoir (style KGB, Stasi, ou leurs équivalents "libéraux"), les techniques les plus sophistiquées de soumission à l'autorité et de ré-éducation semblent bien opaques, mais terriblement efficaces.
Trois voix s'élèvent de ce lieu où tout, absolument tout ce que vous pourrez dire ou faire, voire penser, pourra être retenu contre vous.

Linz, un avocat gênant qui ne sait plus de quoi on l'accuse mais qui finit par se vivre comme destiné à l'enfermement carcéral. Boehm, directeur modèle d'une prison qui ne l'est pas moins et qui va devoir aller jusqu'au sacrifice de lui-même pour accomplir sa mission. F, prisonnier qui est sans doute plus qu'un simple prisonnier. On ne sait qui ou quoi tient les fils de toutes ces marionnettes... s'il existe quelqu'un ou quelque-chose qui serait au coeur du dispositif. le monde de cette prison et de cette administration qui semblent sorties d'un cauchemar froid, méthodique et incompréhensible, existent-ils seulement pour de vrai? Pour de bon? N'existent-ils pas trop?
F peut être lu dans la fascination d'une angoissante vision, du passé, du présent et de l'avenir, ou comme une allégorie de nos peurs de l'autre et de la soumission. de notre rapport incrédule, inhumain, trop inhumain, au réel.

Une réussite que l'on peut savourer sans chercher de références mais dans laquelle on peut aussi retrouver les ombres de Kafka, de Maurice Blanchot, de George Orwell ou des travaux de Michel Foucault sur la prison.
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«La certitude que tout est écrit nous annule ou fait de nous des fantômes» (Jorge Luis Borges, Fictions, « La bibliothèque de Babel »)

Cette phrase en épigraphe à F., le premier roman de l'écrivain français Luis Seabra, à paraître le 27 août 2014 aux éditions Rivages, est un défi en même temps qu'un aveu d'humilité, pour un roman qui court en effet le risque d'apparaître comme un pâle fantôme dans l'ombre de ces aînés extraordinaires, «Le procès» de Kafka et «Fictions» de Borges.

Prolongeant ces idées chères à certains hommes politiques de détecter la délinquance dès le plus jeune âge et de façon préventive, et de multiplier le nombre de prisons pour "défendre" la société, Luis Seabra imagine un monde totalitaire et effrayant apparenté au nôtre, un pays recouvert de centres de réclusions, où tous les individus, enfants ou adultes, potentiellement asociaux ou dangereux pour la société peuvent se retrouver enfermés entre quatre murs sans savoir pourquoi, et soumis à des programmes barbares de «reconditionnement», comprenant notamment des séances de lecture contraintes, pour leur faire accepter docilement leur destin de prisonnier.

«Il fallait pour commencer se débarrasser de la notion de faute et de ses corollaires, tout le lexique lié au châtiment. le criminel n'était pas plus fautif de commettre un délit qu'un chien enragé de mordre un passant. Tous les experts s'accordaient désormais pour dire qu'il existait des prédispositions irréversibles à l'asocialité, à la marginalité et au crime, qui faisaient de certains individus des dangers permanents pour l'ordre social. […] Plus d'un dixième de la population se retrouvait à présent en situation de "séparation effective", euphémisme utilisé par l'administration qui avait banni le terme d'enfermement.»

Linz, un avocat, est l'un de ces détenus, ignorant les causes de son enfermement, ainsi que, semble-t-il, l'administration pénitentiaire.
Au fur et à mesure qu'on avance dans ce récit en trois parties, autour des voix de trois narrateurs, et que les éléments de l'histoire se dévoilent au lecteur dont la vision devient panoptique, les chausse-trappes et passages souterrains se multiplient à l'intérieur du récit, et tous les personnages porteurs d'un espoir initial s'avèrent finalement non fiables ou manipulateurs, révélant leurs masques grimaçants et leur double ou triple fond.

F. donne envie de suivre le parcours à venir d'un écrivain apparemment fasciné par Foucault. Mais à ce roman bref, d'une centaine de pages, écrit de manière froide, quasiment clinique, construisant dans les pas de Borges une histoire-labyrinthe aux multiples angles morts, il manque la limpidité du récit, si magique chez le grand maître argentin, pour réussir totalement cette alchimie complexe du clair et de l'obscur.
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Adeptes des sociétés de type répressif, carcéral et « kafkaïen », vous allez être comblés si vous arrivez à cerner l'objectif poursuivi par l'auteur et à établir l'identité et le rôle des personnages. Autant le dire, ce roman, la dernière page tournée, est pour moi une énigme et j'ai du sérieusement m'accrocher pour aller à son terme.
C'est en plein cauchemar que le lecteur va se trouver plonger dans cet univers, dont on n'arrive pas distinguer le vrai du faux, les menteurs, les personnages réels, les récits originaux. Description à charge d'un monde où la violence a totalement disparue, en dehors du monde carcéral et où l'on détecte dès l'enfance les individus potentiellement nuisibles ou dangereux. Seule la carrière dans le domaine carcéral, soumis à une continuelle pression qu'elle soit politique, sociétale et concurrentielle entre chacun de ses cadres, semble être, ici, la plus courue et enrichissante.
• On ne peut pas parler de véritable trame ou fil conducteur dans ce récit choral de détenu, de directeur, de surveillant et de politique. Trois interlocuteurs sont ici les narrateurs de ce récit et constituant chacun une partie de ce livre. Entre les témoignages de Linz, Boehm et un mystérieux F, c'est un jeu de pouvoirs, de violence mentale et physique qui s'installe dans cette prison qui est le cadre principal du roman, successivement prisonnier, directeur, gardien. Les objectifs et tests entrepris dans ce seul cadre sur les captifs se multiplient, se contredisent, les alliances se nouent pour mieux se dénouer, le Ministère de la Justice se joue de chacun en se montrant tel qu'un marionnettiste, utilisant les uns contre les autres pour mieux annihiler les tentatives de prise de pouvoir.
• Critique en bonne et due forme d'un système où les fonctionnaires de justice ne sont que des pions et le bras armé du pouvoir. Mieux diviser pour régner est la seule règle mise en place, on n'est pas très loin des dérives et institutions des anciens modèles politiques communistes et totalitaires. Kafka ou « Z » restent à l'esprit du lecteur. le seul centre de formation de ces fonctionnaires carcéral dispense cette unique maxime.
• Les personnages repris sont multiples, on ne sait plus vraiment qui ils sont et avec la meilleure volonté possible, on ne peut que se perdre dans les arcanes du récit, le jeu des identités, les faux témoignages, un rythme échevelé de changement de main du pouvoir et les vrais / faux journaux de bord.

Louable mais vaine tentative de mettre en perspective l'horreur d'un tel système politique totalitaire. J'ai le regret de confirmer que je suis passé totalement à côté de ce livre.

Lien : http://passiondelecteur.over..
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on est happé dès les premières pages par ce court mais très dense premier roman, au style clinique et à la construction maîtrisée. J'ai particulièrement apprécié la deuxième partie narrée par Boehm, le directeur de la prison de Schendorf, qui raconte dans son journal comment il a fini enfermé dans sa propre prison et qui se termine circulairement sur son propre début. Et l'épilogue qui émet l'hypothèse que F. l'agent infilitré serait l'auteur véritable du journal de Boehm. La composition en miroir du récit révèle un auteur fin et virtuose. Pourtant ces constructions en trompe l'oeil sont bien plus que des exercices formels, elles renvoient à des vertiges d'enfermements mentaux et intellectuels dont l'auteur se délecte à nous faire partager les méandres. Un vrai régal de lecture.
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un livre étrange, prenant et apeurant. On prend un plaisir presque malsain à suivre ces personnages qui sont comme des marionnettes d'un jeu qui les dépasse. Les mises en abymes sont constantes, mais la construction très bien maîtrisée du livre leur donne tout leur sens. Sans manichéisme aucun ( car l'auteur ne dénonce rien, son style n'est pas polémique) l'auteur campe dans un style froid et laconique un univers dont on ne sait s'il est réaliste, futuriste ou autre. Un auteur original, à suivre.
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critiques presse (1)
Lexpress
08 septembre 2014
Émaillé de références littéraires assumées, le premier roman de Luis Seabra sur l'univers carcéral fait alterner les points de vue illustrant la question de la frontière entre fiction et réalité.
Lire la critique sur le site : Lexpress

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Voyage vers l'Est Festival du Premier Roman animé par Sophie Quetteville avec Éric Richer et Luis Seabra "Une folle plongée dans des mondes de fous"
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