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Brigitte Bost (Traducteur)Pierre Fédida (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070427635
720 pages
Gallimard (20/03/2003)
3.97/5   18 notes
Résumé :
" Rendre l'autre fou est dans le pouvoir de chacun : qu'il ne puisse pas exister pour son compte, penser, sentir, désirer en se souvenant de lui-même et de ce qui lui revient en propre. " Telle est l'expérience faite par Harold Searles, psychiatre et psychanalyste américain, qui a travaillé pendant quinze ans à Chestnut Lodge, établissement internationalement connu pour le rôle pilote qu'il a joué dans l'approche psychothérapique intensive des schizophrènes. Voici u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La thèse de l'article publié en 1959 par Harold Searles peut se résumer en une phrase :
« L'instauration de toute interaction interpersonnelle qui tend à favoriser un conflit affectif chez l'autre - qui tend à faire agir les unes contre les autres différentes aires de sa personnalité –tend à le rendre fou (c'est à dire schizophrène). »


En s'appuyant sur les travaux de Bateson, Harold Searles souligne l'importance des injonctions de nature contradictoire (le double bind) dans l'étiologie de la schizophrénie. Paul-Claude Racamier définit ainsi le double bind : « le paradoxe se définit comme une formation psychique liant indissociablement entre elles et renvoyant incessamment l'une à l'autre deux propositions ou impositions qui sont inconciliables et cependant non opposables ». Ces injonctions contradictoires peuvent se pratiquer à différents niveaux :
- une demande d'intervention thérapeutique du parent à l'enfant avec rejet des efforts déployés pour aider.
- la technique de la stimulation-frustration.
- la dénégation parentale face aux réalités sensibles.


Harold Searles n'accuse personne et ne cherche pas à culpabiliser l'entourage du schizophrène. Dans sa critique psychanalytique du noyau familial, David Cooper écrira lui aussi que le schizophrène est l'individu, peut-être le plus sain, qui s'est sacrifié pour préserver les dernières parcelles de salubrité mentale de sa famille. Harold Searles dresse alors une liste des motifs sous-jacents à l'effort pour rendre l'autre fou :
- équivalent psychologique du meurtre.
- désir d'extérioriser la folie que l'on sent menaçante en soi.
- désir de voir cesser une situation conflictuelle intolérable et incertaine.
- besoin d'extérioriser des besoins sur le mode psychotique.
- désir de trouver une âme soeur pour adoucir la solitude insupportable de celui qui se sent menacé par la folie.
- désir d'encourager l'autre dans le sens d'une intimité plus saine et d'une meilleure intégration.
- désir d'individuation de l'enfant passant par l'obligation de rendre le parent fou.
- désir de retrouver ou de perpétuer les gratifications inhérentes au mode de relation symbiotiques malgré l'angoisse et la frustration d'une relation psychotique.


Dans la dernière partie de son analyse, Harold Searles évoque les difficultés du travail du psychothérapeute lorsqu'il travaille avec un patient réagissant sur le mode de la relation psychotique. Il faut non seulement résister à l'effort que fait le patient pour rendre le thérapeute fou, mais il faut encore plus résister à ses propres manoeuvres, conscientes ou non, pour conforter le patient dans sa situation psychotique. Les interprétations prématurées avancées par certains psychothérapeutes maladroits peuvent avoir des conséquences désastreuses pour l'équilibre psychologiquement d'un individu sur la sellette.


La dernière raison invoquée dans les motifs expliquant l'effort pour rendre l'autre fou justifie selon lui la longue durée du traitement complet des schizophrènes :


« J'ai depuis longtemps constaté […] que nous sommes particulièrement enclins à développer une attitude de désespoir au cours de notre travail avec un patient, comme moyen de nous accrocher inconsciemment aux gratifications déniées, mais, en fait, profondément valorisées, que nous tirons d'un mode symbiotique de relation patient-thérapeute. […] L'une des raisons pour lesquelles, selon moi, la schizophrénie est si difficile à résoudre est que le thérapeute rencontre tant de résistance interne à aider le patient à sortir de la relation symbiotique patient-parent reconstituée dans le transfert. »


La reconnaissance de l'existence d'une telle phase doit permettre au thérapeute de la dépasser pour procurer au patient ce que son parent n'a pas réussi à lui offrir. Harold Searles recommande enfin : « [L'analyste] doit, pour mieux aider ses patients, être prêt à affronter son propre conflit entre d'une part, son désir d'aider le patient à devenir mieux intégré (c'est-à-dire, plus mature et plus sain), et, d'autre part, son désir de se cramponner à lui, ou même de le détruire, en favorisant la perpétuation ou l'aggravation de la maladie, l'état de mauvaise intégration ». Avec cette analyse, Harold Searles donne une base solide aux réflexions qui formeront plus tard le noyau dur de l'antipsychiatrie.


Ne reste plus qu'à transposer cette analyse aux injonctions contradictoires qui peuplent nos parcours de consommateurs/producteurs pour se rendre compte que la folie nous guette en ricanant derrière ses grands étendards bourgeois…


« En lisant le livre fort intéressant que Meerloo a récemment écrit sur la question, le Viol de l'esprit, j'ai souvent été frappé par les nombreuses analogies entre les techniques de lavage de cerveau qu'il décrit - conscientes et délibérées – et les techniques inconscientes (ou largement inconscientes) que l'on découvre à l'oeuvre dans l'expérience présente et passée des schizophrènes, techniques qui visent à entraver le développement du moi et à saper son fonctionnement.
[…] D'après Meerloo, le lavage de cerveau et les techniques avoisinantes se rencontrent sous la forme a) d'expériences délibérées au service d'idéologies politiques totalitaires; et b) courants culturels profonds agissant dans notre société actuelle, et aussi bien dans les pays démocratiques. Ce sont les mêmes techniques que je décris, mais se rapportant ici à une troisième aire : la vie des schizophrène.»

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Un livre assez ardu à lire pour la profane que je suis. Très orienté sur les entretiens "psy/schizophrène", et à l'attention et pour l'édification des psys qui travaillent avec des schizophrènes. de plus il m'a été très difficile à lire pour une raison personnelle : j'ai grandi dans une famille de fous ( je vous rassure pour eux, très bien intégrés socialement, parfaitement adaptés) qui tentent de rendre leurs enfants fous (tout se passe derrière les portes closes).
Mais il est très pertinent. Je me suis toujours sentie une proximité avec les schizophrènes et une grande partie de ma thérapie a consisté à me convaincre que je ne l'étais pas, folle, et que je n'avais pas "halluciné" quand j'avais eu l'impression, la sensation, le ressenti que quelque part, c'était le "but" de ma mère de me rendre soit "folle", soit "morte", et oui. Inconscient, le but, mais but tout de même, et le tout avec un père absent qui se fichait comme d'une guigne de ce qu'il pouvait bien m'arriver... D'ailleurs, dans certaines parties de la famille, ça a pas mal réussi, et effectivement certains membres ont passé une grande partie de leur vie en asile et/ou sous médocs... Il est bon dans ces familles de regarder la réalité en face, comment les parents désirent inconsciemment la destruction de leurs enfants. Sinon, on est effectivement détruits. Les enfants "fidèles" (et pas les rebelles, dont je suis) devenus grands achèvent le travail :Dépression/suicide, addictions diverses, folie, dépendance exagérée aux parents... Vive la famille !
Et oui, je sais, il semble que pour une "non-psy", j'ai lu énormément de livres dans ce domaine. Besoin de comprendre compulsif...
Par ailleurs, l'auteur ici n'arrête pas de parler de "complexité des relations interpersonnelles". Certes. Cependant, la relation parent-enfant est relativement simple : le parent a tout pouvoir et règle la modalité relationnelle, et l'enfant aime son parent d'une part, et fait tout pour survivre d'autre part. épicétou. Après, tout est question de personnalité de l'un et de l'autre.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Il se peut que le besoin - répandu non seulement chez les schizophrènes mais aussi chez ceux qui les soignent - de nier l'aspect gratifiant de la relation symbiotique, explique en partie la persistance tenace du concept absurde, dit de la "mère schizophrénogène". Il se peut, en effet, que nous soyons si puissamment attirés, à un niveau inconscient, par les gratifications qu'offre une telle mère, avec son mode de relation symbiotique, que nous soyons contraints de nier ce qui nous pousse régressivement dans cette direction, et ainsi consciemment contraints de percevoir cette mère - et, dans nos écrits scientifiques, de la décrire - comme une "mère schizophrénogène" totalement inattrayante avec laquelle ce serait un véritable enfer d'avoir un lien étroit.
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Cette relation infantile omnipotente entre les parties les "plus malades", les moins matures de la personnalité du parent d'une part, et la personnalité du patient d'autre part, constitue le plus grand obstacle au mieux-être du patient. Tout ceci se répète dans le développement transférentiel d'une relation continue patient-thérapeute, et le thérapeute finit inévitablement par baigner dans l'expérience subjective de proximité magique et d'omnipotence partagée avec le patient. Le caractère "ensorcelant" de cette phase explique bien souvent, à mon avis, la longue durée du traitement complet de ces patients.
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Il me semble que, par sa nature même, une relation d’amour implique une réponse à la totalité de l’autre, que cette réponse est même souvent nécessaire (en particulier dans nos rapports avec un petit enfant ou avec un malade psychiatrique adulte, mais, dans une certaine mesure aussi, dans nos rapports avec quiconque) lorsque l’autre n’est pas conscient lui-même de sa propre totalité ; la relation d’amour implique que l’on trouve en lui une personne plus complète qu’il n’a conscience d’être, et qu’on y réponde.

Pour revenir plus spécifiquement à l’effort apparent pour rendre l’autre fou, on s’aperçoit que cet effort peut être très voisin de (peut même comporter un) effort visant, celui-là, à faciliter l’intégration de l’autre, effort que l’on peut considérer comme l’essence même d’une relation d’amour. Le véritable effort pour rendre l’autre fou — pour affaiblir son intégration personnelle, pour diminuer l’aire de son moi et accroître l’aire des processus dissociés ou refoulés de sa personnalité — peut, en revanche, être considéré comme précisément le contraire d’une relation d’amour comme celle que décrit Buber.
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On découvre […] que les patients avaient fini par s'apercevoir au fil des années que tel ou tel de leurs parents était "un peu fou". Ils avaient l'impression – souvent juste, à mon sens - que les signes de la folie du parent étaient si subtils […] qu'ils étaient les seuls à pouvoir en mesurer toute l'étendue. Dans ces cas-là, cette chose que sait l'enfant reste en lui comme un secret chargé de culpabilité; il a une forte tendance à se sentir plus ou moins responsable de la folie du parent et accablé sous le poids à la fois de la folie elle-même - puisque le parent cherche à satisfaire sur cet enfant particulier des besoins exprimés sur le mode psychotique - et sous le poids du fait qu'il sait qu'elle existe. […]
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Mon propre travail thérapeutique et ce que j'ai pu observer du travail des autres thérapeutes de Chestnut Lodge m'ont donné l'impression que toute psychothérapie réussie avec un schizophrène comportait une telle phase [au cours de laquelle se trouve reconstituée, entre le patient et le thérapeute, une plus ancienne lutte entre le patient et le parent pour se rendre mutuellement fous]. Au cours de celle-ci, le psychothérapeute se trouve, dans la plupart des cas, engagé dans cette lutte au point de sentir que sa propre intégration personnelle court un danger réel plus ou moins grand.
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