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Marcel Schwob (Traducteur)Eugène Morand (Traducteur)François-Victor Hugo (Traducteur)Daniel Mortier (Éditeur scientifique)
EAN : 9782266082716
257 pages
Pocket (16/10/1998)
4.06/5   18 notes
Résumé :
"Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark ! "
Le soir venu, le spectre du roi défunt hante les brumes du château d'Elseneur.
Il crie vengeance. Honte à son frère Claudius, le lâche assassin !
Hamlet, son fils, a promis...
Ce crime ne restera pas impuni.
Mais au bord du gouffre, le voilà qui vacille : "Etre ou ne pas être ? "
Jeux de miroirs, faux-semblants...
Théâtre dans le théâtre...
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les traductions de Shakespeare par François-Victor Hugo ont généralement l'avantage d'être peu onéreuses. C'est à mon sens leur seul avantage, car je les trouve vieillottes, ampoulées, rigides, rendant l'accès au sens difficile. Bref, pas agréables. Voilà pourquoi, si vous en avez l'occasion, je vous déconseille formellement ces traductions.
J'aurais tendance à préférer de beaucoup celles d'André Markowicz (Hamlet chez Babel et Othello chez Les Solitaires Intempestifs), plus proche du texte original, restituant, autant que faire se peut, la musique et la limpidité de style de William Shakespeare.
Ceci étant mentionné, le rapprochement que propose cette édition d'Hamlet et d'Othello est loin d'être idiot. Ces deux pièces ont en commun un héros bafoué, trahi par ses proches, faisant l'objet d'une machination finement orchestrée et qu'on essaie de faire passer pour fou ou inconséquent. Dans ce qui suit, je vais essayer de montrer que le héros bafoué, c'est Shakespeare lui-même, ou bien, dans un sens plus large, le dramaturge anglais de cette époque. La machination finement orchestrée serait alors celle des puritains qui souhaitent interdire ce type de théâtre qu'ils jugent dépravé et contraire aux bonnes moeurs.

1) HAMLET
J'ai adoré la légèreté, l'humour, la finesse, la profondeur, la qualité d'écriture (pas dans cette traduction) de l'ensemble de la pièce (beaucoup moins le final cependant).
Comment vous dire ?... Il y a des poussières d'Hamlet disséminées tellement partout que c'est à peine si j'ose, que je ne sais par où le prendre. Peut-être par le plus futile de tous ? Pourquoi pas ?
Les clins d'oeil à Hamlet sont fréquents dans les oeuvres destinées à la jeunesse.
Goscinny s'en donne à coeur joie dans l'album La Grande Traversée (Parodiant la réplique de Marcelus de l'acte I, le chef viking Øbsen dit en regardant un crâne : « Il y a quelque chøse de pøurri dåns mon røyåume… » Kerøsen quant à lui dit : « Suis-je un décøuvreur øu ne le suis-je pas ?... Être øu ne pås être, telle est lå questiøn… »). de même, tout le scénario du film de Walt Disney le Roi Lion est une resucée quasi-intégrale de la trame d'Hamlet. Même le fantôme du vieil Hamlet apparaissant à son fils a son pendant dans le film. Chez les écrivains un peu plus chevronnés, on peut mentionner que Rudyard Kipling, dans son ouvrage destiné à la jeunesse Histoires Comme Ça, a inséré le fameux poème « IF » qui est très largement inspiré de la tirade de Polonius (Acte I, Scène 3).
Dans la littérature dite adulte, Hamlet, en époux volage, a aussi fait des petits un peu partout. Mais c'est quoi Hamlet ? À quoi ou à qui peut-il nous faire penser ?
Tout d'abord, si l'on s'intéresse à sa filiation, et l'on sait à quel point Shakespeare était féru de tragédie grecque, on y voit une ascendance très nette en la personne d'Oreste. Lui aussi est fils d'un roi qui s'est fait trucider et dont la mère s'est remariée au nouveau souverain usurpateur. (Oreste, fils d'Agamemnon et de Clytemnestre, frère d'Électre ne supporte pas l'assassinat de son père et décide de devenir le meurtrier de sa mère qui a fomenté le régicide.)
Le thème de la trahison, du doublage par un frère (le vieil Hamlet est assassiné par son frère Claudius) est un thème qui semble fort et important pour l'auteur, c'est d'ailleurs le corps de l'ultime drame de Shakespeare, La Tempête, où Prospero a échappé in extremis à la mort et s'est fait subtiliser le trône par son frère.
Le thème de la mort, ou plus particulièrement de l'inutilité de la vie, est également un sujet de prédilection du grand dramaturge anglais et qui figure au coeur d'Hamlet, d'où cette fameuse tirade du « être ou ne pas être ».
Mais si tout cela est vrai et fort, ce qui me semble plus fort et plus évident que tout — et qui m'avait totalement échappé à la première lecture — c'est la réflexion sur le théâtre qui est contenue dans cette tragi-comédie et c'est la théorie que je vais défendre ci-dessous.
Pour bien analyser la question, observons l'architecture, la structure de l'oeuvre :
Acte I — révélation du meurtre de son père à Hamlet et de l'usurpation de son trône. Hamlet est par conséquent renvoyé à un rôle subalterne.
Acte II — la « folie » d'Hamlet, prise de position sur le théâtre et mise en abîme (le théâtre montre le théâtre). Révélation du stratagème du « théâtre » du roi et de la reine pour cerner Hamlet dans ses amours. Mise en évidence d'un double discours dans ce « théâtre ». Incompréhension d'Hamlet et d'Ophélie.
Acte III — Hamlet, à son tour, utilise le stratagème du théâtre. le théâtre apparaît alors en tant que révélateur de la vérité de l'âme humaine derrière les apparences. Révélation de leur propre trahison au roi et à la reine. Assassinat par Hamlet de Polonius, le courtisan intéressé et qui s'était caché.
Acte IV — le pouvoir veut emmener Hamlet en Angleterre pour le tuer. Réapparition de Laërte, fils de Polonius, sorte de dédoublement d'Hamlet, qui lui aussi veut venger la mort de son père.
Acte V — On en a oublié Ophélie qui meurt sans qu'on s'en soit trop occupé, on ne sait que la pleurer. Réflexion sur la mort à l'occasion de l'enterrement d'Ophélie. Combat organisé par le roi entre Hamlet et Laërte. Mort des deux opposants qui entraînent dans leur fin celle du roi.
Voilà, très grossièrement l'ossature de la pièce. Permettez-moi simplement maintenant de vous dire ce que ces personnages m'évoquent :
Hamlet, C'EST le théâtre, dans l'acception la plus noble du terme. C'est lui le révélateur, c'est lui qui voit clair dans le jeu orchestré par le roi et c'est lui qui est déchu par la vilenie du pouvoir.
Le roi symbolise évidemment le pouvoir, en tant qu'autorité qui muselle l'activité artistique de peur qu'elle ne montre trop explicitement ses propres exactions.
Laërte, c'est l'autre théâtre, le théâtre d'état, le théâtre qui dit ce que le roi veut entendre, celui qui est aux bottes du pouvoir.
Les deux théâtres se livrent une lutte à mort, et qui est sacrifié au milieu d'eux ? le public, évidemment, et ici le public est symbolisé par Ophélie, qui devient folle.
La reine représente la conscience, la morale à qui l'on a tordu le cou pour avaler des couleuvres.
Polonius représente les seconds couteaux, le peuple nombreux des courtisans hypocrites qui lèchent les savates de tout pouvoir, quel qu'il soit, et qui se font étriller par le théâtre (pensez aux bourgeois, aux savants ou aux religieux chez Molière, par exemple) car si l'on ne peut taper sur le pouvoir, on peut tout de même se faire la main sur les courtisans. Mais on peut aussi (et surtout) voir dans Polonius, l'archétype du puritain (voir les conseils qu'il donne à son fils), très en vogue et toujours plus près du pouvoir à l'époque de Shakespeare.
Et la moralité de tout cela, c'est qu'un pouvoir qui n'est pas capable de se regarder en face sous le révélateur, sous le miroir de vérité qu'est le théâtre, tellement il a honte de lui-même est voué à disparaître.
Pour conclure, si l'on recontextualise la genèse de cette pièce avec les événements historiques dont l'auteur était le témoin, ce qu'il faut voir dans Hamlet, ce n'est ni une tragédie (ou tragi-comédie), ni un quelconque message métaphysique, mais bien plutôt une supplique politique pour maintenir les théâtres publics élisabéthains et leur liberté d'expression face aux attaques toujours plus virulentes des puritains qui essaient d'imposer leur théâtre moralisateur. On sait par ailleurs que les craintes de Shakespeare étaient fondées car les puritains obtiendront gain de cause avec la fermeture des théâtres publics en 1642 (notamment le Théâtre du Globe où était joué Shakespeare).
Vu comme cela, cette pièce est absolument lumineuse, forte, pleine de sens et de désillusions, bref, essentielle. Une oeuvre, donc, qu'il faut absolument lire, mais, comme je l'ai expérimenté moi-même, peut-être pas trop tôt et pas sans s'être muni au préalable d'une petite patine en matière de théâtre.

2) OTHELLO
C'est une tragédie sublime, au sens premier, au sens profond, dans l'acception antique du terme, c'est-à-dire, de la création d'une oeuvre artistique capable de susciter les plus vives émotions chez le spectateur, afin de gagner son empathie, de le faire vivre par procuration des émotions aussi fortes que les personnages fictifs qui évoluent devant lui.
Ici, je ne pense pas que le spectateur moderne puisse encore aller fréquemment jusqu'aux larmes, ni à la tristesse ni à l'abattement mais à l'indignation, probablement ; une forte indignation intérieure devant cet infâme complot de cet infâme Iago. Notre sens inné de la justice, même non formulé, même fort enfoui, même inconscient, même volontairement muselé, ne peut que s'insurger face à une telle ignominie, et c'est précisément ce sentiment que recherchait William Shakespeare et qu'il arrive à faire éclore admirablement, aujourd'hui comme hier et pour des siècles encore.
De multiples interprétations peuvent rendre compte d'Othello. On y a souvent trouvé une certaine énigme dans son titre car le protagoniste principal semble bien davantage Iago qu'Othello.
Il est vraiment clair, d'un simple point de vue statistique, que Iago monopolise la scène et qu'Othello n'est presque qu'un personnage secondaire, comme tous les autres d'ailleurs. C'est indéniable.
Par contre, si l'on se penche sur la signification, sur ce qu'a voulu exprimer Shakespeare, là le titre commence à prendre toute son envergure. Car c'est bien à la place d'Othello que l'auteur souhaite nous placer, et non à la place de Iago. C'est bien l'oeuvre de Iago sur Othello qui indigne et non les motifs intimes du fourbe qui présentent un intérêt.
Le message, du moins l'un des messages possibles de cette oeuvre, est le noircissement. Je ne blague pas, et le fait que Shakespeare ait choisi un personnage noir comme héros d'infortune n'a sans doute rien d'hasardeux. L'apparence. Celui qui semble noir l'est-il bien réellement ?
Tous. Tous semblent noirs à un moment ou à un autre : Cassio, Desdémone, Othello. Tous noirs et pourtant tous innocents. Et pourtant, on jurerait, selon l'angle où ils sont présentés les uns aux autres, on jurerait qu'ils sont coupables.
C'est probablement ça, le plus fort du message que souhaite nous donner en pâture l'auteur. Honni soit qui mal y pense ! Il est si facile de nuire, si facile de noircir, si facile de truquer, si facile de faire dire autre chose aux faits pris indépendamment ou hors contexte. C'est cela que semble nous dire Shakespeare. Les apparences sont parfois contre nous et d'autres semblent blancs comme neige, et pourtant… et pourtant…, pourtant, quand on sait tout le fin mot, vraiment tout, la réalité est souvent loin des belles apparences et ce que l'on croyait simple, net, tranché, évident, ne l'est plus tant que cela.
Othello d'emblée est noir, ce qui jette sur lui une indéfinissable suspicion aux yeux des Vénitiens. Tout prétexte sera bon s'il fait le moindre faux-pas. Cassio est un beau subordonné prometteur, donc il est douteux. Desdémone est une noble Vénitienne blanche entichée d'un noir, donc c'est nécessairement une putain. Autant de raccourcis faciles que mais nous avons tous tendance, consciemment ou inconsciemment, à commettre ici ou là. L'histoire a donné plusieurs fois raison à Shakespeare. (Rien qu'en France, au XXème siècle, des Juifs, des Maghrébins en tant que groupe ou des individualités comme Guillaume Seznec ont tous fait l'objet d'accusations plus ou moins calomnieuses ou bâties de toute pièce, basées sur des a priori ou des apparences qui leur étaient adverses. Je ne parle évidemment pas de tous les endroits du monde et à toutes les périodes depuis Shakespeare, car il y aurait de quoi remplir tout Babelio avec.)
Si l'on cherche des fautes à quelqu'un, on en trouvera fatalement. Si l'on sait habilement les mettre en lumière, leur donner d'autres apparences, attiser le vent de la vengeance, mobiliser la justice à son avantage, n'importe qui peut être traîné dans la boue ou commettre l'irréparable.
Quels sont les mobiles de tout cela ? L'auteur reste très discret et très flou sur les motivations de Iago. Cela semble tourner autour de la jalousie, de l'orgueil bafoué, de l'envie inassouvie, du complexe d'infériorité.
Intéressons nous encore quelques instants à Iago. Ce qui est frappant dans le texte, dans les qualificatifs qu'on lui attribue, c'est le nombre de fois où reviennent, les adjectifs noble, honnête, fidèle, courageux, droit, fiable, vertueux, etc. Encore une fois, si l'on se place à l'époque de Shakespeare pour tâcher d'y voir plus clair, la meilleure explication, la principale justification à cette pièce est l'admirable travail de sape réalisé par les puritains à l'égard du théâtre élisabéthain.
Iago, dans cette optique, est donc le symbole du puritanisme, Othello, le noir à qui l'on fait commettre des abjections ne saurait être autre que Shakespeare lui-même, Cassio, représenterait alors quelque autre auteur contemporain de Shakespeare comme Christopher Marlowe ou Ben Johnson. Les abjections des uns et des autres sont les écrits vils qu'ils étaient obligés de pondre, pamphlets notamment, simplement pour pouvoir gagner moindrement leur vie.
Desdémone, celle qui est totalement innocente est qui est sacrifiée serait alors la déesse aux cent bouches, à savoir le public, qui fait les frais des fermetures de théâtres sous la houlette des Puritains.

Ainsi, selon moi, outre tout le reste et qui est magnifique, voici le type de messages que William Shakespeare essayait de faire passer dans ses deux pièces, la dénonciation de la calomnie à l'égard des dramaturges honnêtes qu'on accusait de toutes les perversions et le rejet de la main-mise des puritains sur la liberté d'expression théâtrale, ce en quoi l'avenir lui donna raison et prouva que ses craintes étaient plus que justifiées.
Mais ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose. le mieux sera toujours que vous vous fassiez le vôtre.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
IAGO : Quand ces familiarités ouvrent le chemin, voici vite à portée de main Monsieur le principal exercice, Madame la conclusion, un beau corps-à-corps.
(When these mutualities so marshal the way, hard at hand comes the main exercise, the incorporate conclusion.)

OTHELLO, Acte II, Scène 1.
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Vidéo de William Shakespeare
En Europe comme aux États-Unis, la pièce "Macbeth" de William Shakespeare est entourée de superstitions, au point d'être devenue maudite. Mais d'où vient cette malédiction présumée ?
#theatre #culture #art #shakespeare #macbeth
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