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4,3

sur 1391 notes
Plus je lis Lionel Schriver, et plus j'apprécie son écriture si particulière. J'ai vraiment eu du mal avec ce style un peu alambiqué et assez froid au début, mais finalement je trouve qu'ici il sied parfaitement au propos : une mère qui échange par lettres avec son mari avec lequel elle ne vit plus, au sujet de leur fils Kevin. Un charmant ado de 18 ans qui a massacré deux ans auparavant neuf de ses petits camarades de classe et un employé de cafétéria passant malencontreusement dans le coin au mauvais moment. Pourquoi a-t-il commis cet acte monstrueux ? Parce que c'est un monstre justement ? Ou parce que c'est la mode à cette époque-là, en 1998 ? Effectivement au cours du roman on se souvient avec effarement de toutes ces tueries perpétrées par des adolescents, dont celle de Colombine...
Ou est-ce que sa mère est fautive, n'ayant jamais eu le fameux déclic censé se produire à la naissance de son enfant, provoquant l'amour maternel ? Tout au long du roman, elle s'interroge, se remémorant le long cheminement qui a abouti à ce fameux JEUDI 8 avril, le jour où la vie de la famille a basculé. Et pour commencer, l'avait-elle réellement désiré, cet enfant, ou n'a-t-il été qu'une concession au désir de son mari de fonder une famille ? Et ensuite, comment aurait-elle pu mieux aimer ce bébé braillard, aux apprentissages plus que laborieux (du moins en apparence), semblant se complaire dans la médiocrité mais d'une sournoiserie sans pareille ? Et osons le dire, profondément méchant et manipulateur, car oui, cela existe des gosses méchants de nature, même s'ils ne manquent de rien (à part peut-être d'un peu d'amour maternel, et encore, pas toujours) et n'ont aucune déficience visible.

Difficile d'éprouver de l'empathie envers un personnage, Eva, la mère et narratrice est extrêmement lucide sur son propre manque d'affect envers son fils, les seuls moments où elle se montre aimante c'est quand elle parle de sa relation avec Franklin, le mari auquel elle écrit. Même si elle elle semble avoir été bien plus maternelle avec sa fille Celia, j'ai été dérangée par le peu de protection qu'elle met en place après avoir vu ce dont Kevin était capable. Et ne parlons pas de Kevin, dont l'attitude est tellement abjecte, que ce soit avant ou après son crime, qu'elle en presque caricaturale. Il me semble quand même difficile à croire, après tous les signes avant-coureurs, qu'aucun proche ou médecin n'ait décelé le potentiel de nuisance de ce gosse. Mais aujourd'hui même, allumant ma radio, j'ai entendu une histoire tout aussi atroce, concernant aussi un jeune ayant déjà commis des actes criminels et soi-disant très surveillé (!)...donc plus grand-chose ne m'étonne, hélas.

J'ai été complètement fascinée par ce récit, plein de digressions (ce qui m'agace en général, mais pour le coup ça ne m'a pas gênée). Je n'avais pas du tout anticipé la fin, n'ayant pas vu le film ni lu beaucoup de critiques, j'ai abordé ce roman vierge de tout à-priori. Même si je n'ai pas du tout compati avec Eva, je n'ai pu m'empêcher de me demander comment j'aurais réagi à sa place, si par malheur j'avais eu un enfant comme Kevin. Qui sait, j'aurais peut-être eu un geste maladroit ? Ou je l'aurais vendu sur internet, entier ou en pièces détachées ? Mais non, je ne suis pas une psychopathe, moi ! Et mes enfants non plus, dieu merci !



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Est-ce bien utile d'ajouter une 101ème critique pour répéter ce qui a déjà été dit 101 fois, à savoir que ce livre est non seulement bouleversant, terriblement noir, dérangeant, toxique même, mais aussi intelligent, intransigeant, et encore que sa forme (le récit épistolaire) est admirable?

Non, si ce n'est pour moi qui viens de le refermer, de dire une 101ème fois à quel point il m'a remuée, et de lui donner une chance de plus de se faire découvrir.

Cette histoire poignante de carnage adolescent, de relation mère-fils toxique, sur fonds de valeurs personnelles, familiales et sociales troublées, au dénouement implacable, questionne en profondeur en faisant, comme l'écrit l'auteur, "osciller" tout un chacun, et pas seulement les mères, "entre exonération et expiation" autour d'une réflexion tout en nuances sur la culpabilité.

Je me demande lequel des personnages de Kevin ou de sa mère va le plus me hanter.
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Un coup de coeur et un coup au coeur ! Qu'est ce qui ne va pas chez Kevin ? 600 pages plus tard, impossible de rendre mon verdict. Coupable oui mais pourquoi ? le mal incarné ? la faute des parents ? de la société ?

Lire ce livre, c'était comme assister à un procès aux assises j'imagine. Un roman dense composé des lettres de la maman de Kevin, jeune tueur de masse qui a froidement tué 9 de ses camarades un après-midi d'avril.

Comme un procès fleuve, tout est disséqué jour après jour. On revient à l'origine du mal pour comprendre, expliquer l'inexcusable, faire peser les responsabilités, trouver des circonstances atténuantes peut être. Lire les lettres de cette maman d'un tueur c'est comme écouter le témoin à la barre en essayant de percevoir la Vérité à travers sa vérité et juger, juger sans cesse.

Pourtant je ne sais toujours pas quoi en penser de Kevin, de sa mère, de ce couple, de cette société américaine. Eva m'a tout raconté mais que j'aimerais savoir ce que Kevin aurait à en dire. Et son père qui ne répond pas.

Une lecture qui remue, qui interroge sur l'amour maternel et l'éducation. A lire absolument si un pavé bien dense ne vous fait pas peur.
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Trois jours avant l'anniversaire de ses 16 ans, Kevin Katchadourian exécute, avec son arbalète, neuf personnes au sein de son école, la Gladston High School. Les victimes ont été attirées et enfermées dans le gymnase de l'école, sont retrouvées criblées de flèches, vidées de leur sang alors que l'auteur attend tranquillement la police.

Voici un roman que je ne suis pas prête d'oublier. J'ai découvert "Il faut qu'on parle de Kevin" de Lionel Shriver via Babelio. Les critiques des babelionautes m'ont donné envie de le rechercher et de le lire. Ce n'est pas une histoire vraie mais elle colle tellement à la réalité qu'elle pourrait prétendre au documentaire.

Tout le récit est une correspondance à sens unique entre une maman et son mari. Eva relate les dix-huit années d'existence de leur fils, l'auteur de la fusillade du collège. Avec lucidité, elle relate l'enfance de Kevin, revit étape par étape l'évolution de leur relation jusqu'au terrible JEUDI, dans l'espoir de comprendre, de pardonner et peut-être de se pardonner. Elle écrit à Franklin, son mari, papa de Kevin et lui raconte sa version.

A l'époque, Eva partage sa vie avec Franklin, amoureux dévoué qui n'imagine pas son avenir sans progéniture. Elle, la trentaine, directrice d'une collection de guides de voyages à succès, ne se sent pas attirée par la maternité. L'idée même d'avoir un enfant la terrorise.

A la naissance de Kévin, le rejet est bilatéral.
Kevin est un étrange bébé apathique, aux yeux froids et absents, hermétique à l'amour maternel. Eva, troublée par le rejet dont elle fait l'objet, ne parvient pas à aimer ce petit garçon. Elle s'oblige dans ses moindres gestes et paroles avec lui, agit avec son fils de façon raisonnée, jamais par amour. En retour, elle a un enfant amorphe, passif, qui se transforme progressivement en un être sournois et malfaisant. Les répercussions sont subtiles, l'enfant attire par son comportement la froideur et le rejet tandis que la mère empêche de son côté la complicité et la confiance.

L'enfant devient un adolescent introverti, inconsciemment surprotégé par un père qui cherche à compenser le manque d'attention de la maman. Eva le voit comme un manipulateur machiavélique, s'inquiète de sa maturité implacable, s'angoisse de la rage froide, contrôlée, monstrueuse qu'elle sent poindre sous son aspect normal et est la seule à mesurer sa perversité, sa méchanceté.

Accrochez-vous… En première partie, Eve se mue en narratrice égocentrique, dissèque ses sentiments à n'en plus finir. J'ai été exaspérée, faute de comprendre où elle voulait en venir. Ensuite, la tendance s'inverse, j'ai assimilé sa lente incarcération, pourtant consentie, dans cette vie abhorrée. Sa recherche sincère de toute explication, son approche psychologique approfondie, cohérente et acide. Chaque comportement est décortiqué, chaque mot écrit est disséqué, dans un souci d'authenticité totale, quitte à choquer... C'est une analyse minutieuse de sa relation avec son fils, mais aussi par contrecoup, de ses relations avec son mari et sa fille. Les questions sont claires, les réponses le sont beaucoup moins.

Qui n'a jamais cherché le mode d'emploi de l' « enfant » ? le métier de maman est difficile. Je sais que l'enfant peut, ne ressembler en rien à ce que l'on a imaginé, rêvé. Toute maman peut s'identifier à Eva, quelques soient ses relations avec ses enfants.

Lionel Shriver pousse le lecteur à s'interroger. La mère est-elle fautive ? L'enfant est-il naturellement mauvais ? le récit accumule les sujets tabous, égratigne l'idéal familial, fait réfléchir sur la parentalité, la maltraitance au sein de la cellule familiale, la malveillance enfantine, l'inné et le vécu, la culpabilité.

Le pire est dit sans verser dans les scènes meurtrières, sans propos obscène, sans description glauque, le rythme est donné par les raisonnements implacables d'Eva.

Seulement en fin de livre, on comprend jusqu'où ira Kevin dans la recherche passionnée de l'amour de sa mère. C'est terrible.

C'est un livre « coup de poing » dont on ne sort pas indemne.


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Étrange garçon que ce Kevin. Il faut en parler. Absolument. Il faut qu'on parle de Kevin Khatchadourian. A l'aube de ses seize ans, il tue sept de ses camarades de collège, un employé de la cafétéria et un professeur. Bienvenue dans l'Amérique qui fait peut, celle des massacres de masse, tueries gratuites perpétrées par des enfants à peine adolescents.

Eva Khatchadourian, sa mère, se remet ainsi en cause. A travers des lettres adressées au père, devenu depuis « l'affaire » un mari « absent », elle fait le point, elle tente de retracer le chemin traversé par son fils, d'imaginer ses raisons. Entre des visites au parloir de la prison et de son intime chez-soi, elle veut comprendre ce qui a poussé Kevin à commettre cet acte et surtout elle essaye de savoir quelle est sa part de responsabilité, à elle en tant que mère génitrice d'un « monstre »…

Une façon économique de faire son auto-psychanalyse où la moleskine verte d'une thérapeute est simplement remplacée par des feuilles de papier. Eva, écrit, écrit, écrit. Au début, une fois par semaine, puis plus fréquemment, puis tous les deux jours. Elle écrit pour s'en sortir. Ça coutera moins chère à la Sécurité Sociale, d'autant plus que côté mutuelle, elle ne doit plus être très aidée, surtout depuis « l'affaire ». Qu'est-ce qu'elle raconte dans ses lettres, toutes adressées à son mari ?

Sa culpabilité ? Eva se souvient son peu d'entrain à devenir mère, ses difficultés à sacrifier sa brillante carrière pour s'occuper de sa famille. Elle ne croit avoir jamais eu la fibre maternelle et dès la naissance de Kevin, elle a eu peur, peur de ce petit bonhomme haut comme trois pommes, effrayée par ses yeux grands ouverts et absents. Il faut dire que Kevin, dès son plus jeune âge, a eu un comportement plus qu'ambigu. le regard solitaire et l'oeil méchant, ce rejeton donne de sacrés frissons dans le dos.

Plus de 600 pages de lettres sans réponses comme autant de bouteilles lancées à la mer. Je me suis demandé si cela n'allait pas user de ma patience, me lasser à la longue – lire cette correspondance à sens unique. Et au final, chaque missive (qu'elle fasse 5 pages ou 20 pages) passe comme une lettre à la Poste. Car à chaque fois, j'en découvre un peu plus sur Kevin, sur Eva, sur l'ambiance familiale et l'atmosphère pesante de cette maison. Je ne me suis jamais ennuyé, j'en voulais toujours et encore plus.

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Eva écrit à son mari l'histoire de sa vie pour mieux la comprendre et y déceler les failles. Kévin, son fils est l'auteur d'une tragédie monstrueuse dans son école et ne semble pas être pris de remords. Qu'est-ce qui peut justifier un tel acte? Au fil des pages nous découvrons cet enfant diabolique.
Je dois avouer que j'ai passé un temps terriblement long à lire ce roman épistolaire et que j'ai été forcée de lire des bandes dessinées entre temps tellement il m'a marquée!
J'ai l'impression de sortir d'un ring de boxe et d'avoir pris tellement de claques que j'en suis sonnée. Mais n'est-ce pas ce qu'on demande à un livre: de nous marquer et de nous laisser une trace? Pour sûre, elle sera indélébile !
Ce livre est une pépite d'horreur (inspiré d'histoires vraies) et déchirante dans laquelle les protagonistes sont tous détestables.
Si par moment on plaint la mère, on la blâme aussitôt. Quant au fils, c'est le démon incarné. A croire que la mère est une affabulatrice qui mériterait un oscar.
La vérité est que j'ai eu peur tout le long de croiser ces personnages, un jour, en rentrant chez moi ou encore pire comme fréquentation de mes enfants.
J'ai détesté ce livre d'une force indéfinissable autant que je l'ai aimé pour la force des sentiments que j'ai éprouvé. J'ai plusieurs fois hésité à l'abandonner tant la nausée me guettait mais je voulais connaître la suite. A croire que l'aveu des crimes et la sentence m'aiderait à me sentir mieux...
Ce livre est à la hauteur du film Elephant de Gus VAN Sant ou encore de Bowling for Columbine: un chef d'oeuvre teinté d'horreur.
Lire pour trembler et espérer que de telles histoires ne nous touchent jamais.
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Je n'avais jamais rien lu de Lionel Shriver, et là, quelle claque ! Je trouve ce roman particulièrement difficile à chroniquer : je ne sais pas sur quel pied danser, et je suppose que c'est exactement l'effet qu'a voulu produire l'autrice… de novembre 2000 à avril 2001, Eva Khatchadourian écrit des lettres à son mari, Franklin, et elle nous dit dès la deuxième ligne qu'ils sont séparés. Nous comprenons très vite que Kevin, leur fils, a fait quelque chose de grave qui suscite encore l'effroi, qui lui a valu un procès et qui attire sur sa mère des brimades. Nous l'apprendrons à la fin de la première lettre (13 pages) : Kevin, 16 ans à peine, a tué sept de ses camarades et deux adultes dans son école, moins de deux ans auparavant. Comment une telle horreur a-t-elle pu se produire ?
***
Dans ses lettres à Franklin, Eva se questionne sur sa responsabilité. Elle se ménage peu et semble faire preuve d'une totale franchise. Elle passe en revue ses réticences à être mère, ses carences, ses efforts pour aimer cet enfant difficile (très difficile !). Elle raconte comment elle abandonne son métier passionnant pour s'occuper de Kevin et parle souvent de ses regrets. Par moments, sans retenue ou presque, elle donne à voir une femme égoïste et désagréable. Eva tente aussi d'évaluer la responsabilité de Kevin, mais chaque question la ramène à sa culpabilité. Elle n'est pourtant pas la seule à être déstabilisée par cet enfant qu'elle nous décrit comme un petit monstre dès son plus jeune âge : les nounous fuient, les instits s'inquiètent, les voisins se plaignent… Seul Franklin, le père semble ne pas voir qu'il y a un problème. Plus le rythme des lettres s'accélère, plus Eva semble acquérir de certitudes sur le monde, et moins elle prend de précautions pour parler de sa relation avec Kevin et de la désagrégation de son couple, jusqu'au récit de ce JEUDI et du terrifiant final… J'ai mis longtemps à lire ce formidable, bouleversant et dérangeant roman qui touche tellement à l'intime et pose des questions auxquelles il est impossible de répondre. Si j'ai oscillé entre la sympathie et la détestation envers Eva, si Franklin m'a tantôt touchée, tantôt énervée, je n'ai jamais pu éprouver de l'empathie envers Kevin… J'ai beaucoup aimé l'écriture et le ton de Lionel Shriver qui pratique un humour noir glaçant parfaitement approprié au sujet. La dédicace me laisse perplexe : « Pour Terri, le scénario du pire, auquel nous avons tous les deux échappé ».
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Voici un roman qui décortique avec minutie une relation mère-fils pour le moins dysfonctionnelle. La mère s'exprime sans faux-semblants, ses ambiguïtés face à la maternité sont crûment dévoilées, et font voler en éclat le mythe de l'amour inné qu'est censé ressentir tout parent pour son enfant.

J'ai trouvé ce livre intense : chaque thème abordé l'est de façon puissante, chaque description touche au point sensible, rien n'est tu.

Sans amertume ni colère, la narratrice, et par-là l'auteure, nous demande : peut-on décider rationnellement d'avoir des enfants ? Cela permet-il vraiment de donner un sens à notre vie ? Est-on véritablement encore maîtresse de son propre corps lorsque l'on est enceinte, lorsque l'on porte un enfant conçu à deux ? Et bien sûr, puisqu'il est ici question d'un enfant qui commet une tuerie, quelle est notre part de responsabilité dans les actes de notre progéniture ?

Un livre difficile, difficile à oublier aussi.
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j'adore cette auteure. C'est le troisième roman d'elle que je lis et les écrivains capables de creuser leurs obsessions sans se parodier sont rares: Shriver est de ceux-là. Son roman est d'une intelligence inouïe et laisse le lecteur face à ses propres tâtonnements, et ressentant comme rarement que ce roman parle de lui (même s'il n'a aucun mass-murderer parmi ses enfants).
Donc, il faut qu'on parle de Kevin (et qui est ce "on" sinon vous et moi dans ce dialogue que nous ne pouvons pas ne pas entamer avec Eva Khatchadourian?): il faut en parler pour tenter de comprendre comment il en vient à commettre ce crime atroce. de nombreuses pistes nous sont données dans ce roman extrêmement maîtrisé, que nous suivrons - ou non - avec pour seul bréviaire la noirceur, ou la candeur, de notre âme.
Donc Kevin a tué:
- parce qu'il est un monstre, un monstre qu'il faut tenir caché au nom des mythes sur l'enfance: face à lui, Eva est seule. Personne ne lui propose d'aide (pas un seul psy dans cette histoire pourtant américaine! pas un médecin, pas un prof pour proposer un début de solution). Les enfants difficiles sont le problème des mères et d'elles seules. Qu'elles se débrouillent!
- parce que sa mère n'a pas réussi à l'aimer. Eva est un bon petit soldat de la maternité: elle fait tout ce qu'elle est censée faire. Elle refuse la péridurale, met sa carrière entre parenthèses, nourrit son fils de plats maison, veille sur lui du matin au soir... J'ai repensé au "Dieu caché" de Goldmann sur l'essence du tragique racinien: ses héros, loin d'être monstrueux, font de leur mieux mais Dieu se rit de leurs efforts et les condamne... Quoi qu'ils fassent, ils feront mal.
- parce qu'il est américain: pays des armes en vente libre, des psychotropes, des psychopathes adolescents, du laxisme éducatif et des écrans toujours allumés.
- parce qu'Eva est folle: elle s'est convaincue que son fils est un monstre sans le moindre commencement de preuve. L'histoire est racontée par Eva qui prend bien soin de dénigrer toutes les analyses données par son mari du comportement de Kevin. Mais si c'était Franklin qui avait raison? Si nous reprenons toutes les critiques proférées par Eva, il s'agit à chaque fois de reconstruction ou d'extrapolation. Par exemple, elle accuse Kevin d'avoir été l'instigateur de jets de briques en arguant qu'il ne peut avoir en l'occurrence simplement subi l'influence d'un copain, ce dernier étant trop niais pour pouvoir être un meneur. Or, quand Eva surprend une conversation entre Lenny et Kevin, celui-ci dit "Ce coup-là, tu vas le payer (...). Parce que ton numéro à la con aurait pu sérieusement nuire à ma réputation. J'ai des principes. Tout le monde a des principes (...)". Si je ne m'abuse, ces paroles montrent justement que la version donnée par Kevin à son père n'est pas qu'une excuse habile. Donc Eva a créé de toutes pièces ce personnage de monstre froid, n'aimant son fils que malade ou meurtrier (la fin du livre est particulièrement glaçante quand elle annonce qu'elle veut vivre avec Kevin, jeune adulte libéré après sept ans de prison et repartir avec lui sur de nouvelles bases. Après ce qu'il a fait? On se pince pour le croire.). La tuerie tient alors de la prophétie auto-réalisée: comme Sigismond, le héros de "La vie est un songe", enfermé pour ne pas devenir un assassin et le devenant à la minute où il est libéré, Kevin aime assez sa mère pour devenir celui qu'elle veut...
Quelle que soit la raison (et rien n'empêche qu'elles soient toutes justes concomitamment), Lionel Shriver est une moraliste à l'oeil perçant qui nous oblige à affronter notre malheureux tas de petits secrets intimes.
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Voilà qui est bien compliqué.... C'est un livre dont j'ai beaucoup entendu parler. En bien. J'avais donc envie de le découvrir.

Une mère qui raconte son fils qui a commis une tuerie de masse aux USA, la veille de ses 16 ans, franchement ça m'intriguait. Je m'attendais à ce que la psychologie du "héros" soit décortiquée, analysée....
En fait au début du livre la mère ne fait que se raconter, elle. Sa jeunesse, ses voyages.... Il nous faudra attendre un peu avant de voir arriver le fameux Kevin. Oui mais attention les premiers mois de Kevin, que dis-je ses premières semaines de vie même.... Et oui car manifestement ce Kevin a été un être maléfique dès sa naissance. Au début je pensais que cette description était censée symboliser une espèce de post-partum... Ah bin non c'est à prendre au 1er degré.
Là j'avoue j'étais perplexe : un bébé qui ne vise que l'un de ses parents à qui il ferait vivre un enfer pour les séparer.
Plus que perplexe, consternée.... Là on serait dans le gêne du Mal en fait.
J'ai quand même continué le livre espérant rapidement atteindre l'adolescence et donc comprendre le pourquoi du comment de la tuerie.
Alors je l'avoue ça m'a échappé.
Je suis désolée de ne pas avoir apprécié ce roman qui semble réunir tant de suffrages positifs. Manifestement je suis passée à côté. J'ai toujours, dans ce cas-là, l'impression que c'est moi qui ai raté quelque chose. Là franchement le livre complet m'a échappé.
Je vais de ce pas lire quelques critiques afin de comprendre mon désarroi...
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