ISBN : inconnu
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Autopsie d'un Viol" ou quand
Stanislas-André Steeman prend à bras le corps le roman noir américain humoristique, genre
Donald Westlake par exemple, et nous en donne sa vision très particulière. Ce roman est probablement l'un de ses meilleurs - comme l'un de ses moins connus, alors, si vous aimez, faites-le savoir ! du roman noir qui se déroule dans une petite ville de province américaine assez bouseuse, on retrouve tous les éléments : le shérif, Sean O'Hara, et son équipe (essentiellement familiale avec Dublin, son fils et assistant, qui a toujours l'air un peu coincé mais jouit incontestablement d'un plus grand sens de la diplomatie que son père, et sa fille, Deirdre, jolie, mignonne, rien dans la tête, à qui revient de taper les rapports et P.V. avec une orthographe qui devrait réjouir Mme Belkacem - si elle connaissait
Steeman, bien sûr ), les petits notables qui se compliquent la vie en se faisant leur propre cinéma, l'obsédé sexuel attardé que ses parents n'ont jamais cherché à soigner et qui va épier la fille du pasteur quand elle se déshabille, un juge qui ressemble à un hibou, un journaliste indépendant et insolent, un viol doublé d'un meurtre, un mari victime de l'assassin mais qui tient tout de même encore suffisamment debout pour venir témoigner au procès, un procès d'autant plus étonnant que l'on y voit la partie civile se mettre en tête de prouver l'innocence des trois accusés, et enfin un trio d'accusés volontaires, qui se sont dénoncés tout seuls, comme des grands, qui revendiquent "leur" crime avec une hargne qui tournerait vite au pugilat si on les laissait seuls en petit comité, et qui n'en démordent pas.
Du jamais vu.
Ni dans les romans policiers humoristiques que j'avais pu lire jusque là (et que j'ai lus depuis), ni à New Valley - tel est le nom de cette charmante quoique très étonnante petite ville américaine.
Une fois découvert le corps de Babs Lamont par son mari, George, à qui l'assassin en fuite a tiré une balle je ne sais trop où et l'a donc laissé sur le carreau, Sean O'Hara pense immédiatement que le coupable idéal, il le tient d'ores et déjà, en la personne, boutonneuse, maltraitante envers les animaux et, pour tout dire, peu sympathique, de Larry Bones (surnommé "Lazy [= paresseux]" Bones, savourez le jeu de mots), le jeune fils unique d'un couple de méthodistes eux-mêmes pas très ouverts d'esprit. Malgré les dénégations bégayantes et indignées de Larry, il l'embarque et le mène au poste de police pour interrogatoire. Bien entendu, Larry nie, nie, nie ... Jusqu'au moment où Marty Holland, le "grand reporter" du coin, parvient à s'introduire et à lui glisser que ses parents, qui l'attendent dans le couloir (ou pas trop loin dehors) seront bougrement heureux de le serrer à nouveau, innocent et plus pur que l'agneau qui vient de naître, dans leurs bras tremblotants.
Cette nouvelle, qui devrait pourtant le réjouir, a sur l'intéressé un effet pour le moins curieux : il avoue. Tout, tout et retout. Si on le poussait un peu, il avouerait même le meurtre de
John Fitzgerald Kennedy, c'est dire !
Un qui se frotte les mains, c'est le shérif. Mais il ne va pas se les frotter longtemps. Dès le lendemain il me semble, un certain Dorian Boyd, beau garçon qui vit encore avec sa soeur et écrivain dont les maisons d'édition refusent tous les manuscrits, s'en vient au poste accuser Larry de mensonge éhonté et se déclarer comme le seul assassin de Babs Lamont. Pour Kennedy par contre, pas question.
Caractère sanguin comme tout Irlandais qui se respecte, le shérif O'Hara sent comme qui dirait sous ses pieds une légère secousse souterraine ainsi qu'une bonne envie de s'enfiler un bon petit verre de whisky - venu de la verte Erin, cela va sans dire. Mais enfin, Boyd a fait des aveux très clairs, il semble prêt à tirer sur tous ceux qui en douteraient et puis, la loi reste la loi : direction la prison donc pour l'écrivain en devenir.
A peine remis de ses émotions et des sarcasmes de Marty Holland, voilà que notre malheureux shérif voit débarquer Arthur Fleming, un notable qui s'accuse à son tour d'avoir assassiné Barbara, pour laquelle, au temps du lycée, il avait eu un très fort béguin. Barbara reste pour lui "la femme de sa vie" et il n'a pu supporter qu'elle épouse ce George Lamont, qu'elle soit heureuse et que lui-même, ayant épousé la flamboyante et ardente Rhoda, goûte aux joies diverses (et surtout charnelles) du mariage.
Vous imaginez le chahut dans lequel s'ouvre un procès où
Steeman fait allègrement défiler ces silhouettes (médecins, domestiques, etc ...) qui vont dévider les dialogues qu'il leur a concoctés avec un amour dont nul ne doutera . L'interrogatoire du shérif O'Hara, qui a l'habitude d'appeler tout le monde "fils" au bout d'un moment, est l'un des plus savoureux qui soit. Wodehouse ou encore
Ed McBain auraient hurlé de bonheur devant cette partie de tennis ou de ping-pong littéraire qui ne connaît pratiquement aucune pause - sauf la traditionnelle suspension d'audience, au chapitre XIV.
La fin de l'affaire ? ... Les trois messieurs sont relaxés. Il est prouvé qu'ils ont menti. Certes, c'est la partie civile qui le prouve - et ceci au grand scandale de la Défense - mais enfin, elle le fait de manière indiscutable.
Quant à l'identité de l'assassin ... Ah ! vous voudriez bien la connaître, hein, petits curieux ? Eh ! bien, ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus. Procurez-vous "
Autopsie d'un Viol" et lisez. Lisez, souriez, riez, et prenez bien garde de vous étouffer devant le cynisme des deux derniers chapitres ... Pour moi, j'espère simplement que vous en sortirez enfin convaincus du profond talent qui fut celui de
Stanislas-André Steeman. ;o)