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Anouk Neuhoff (Traducteur)
EAN : 9782709614573
397 pages
J.-C. Lattès (01/04/1995)
3.89/5   103 notes
Résumé :
Quatrième de couverture:

Dans un petit port de la Nouvelle-Angleterre,
Ethan Allen Hawley travaille comme employé
dans une épicerie qui appartenait autrefois
à sa famille, aujourd'hui ruinée. Sa femme
et ses enfants lui reprochent de ne pouvoir
leur assurer le confort matériel qu'ils sont
en droit d'attendre. Il met alors au point un plan
qui va à l'encontre de tous ses principes moraux.
Mais que... >Voir plus
Que lire après Une saison amèreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Une Saison Amère, c'est le titre imbécile de la traduction extraordinairement médiocre d'un livre pourtant sublime. Aussi comprendrez vous que mes seulement quatre étoiles se réfèrent à la piètre qualité de cette traduction car, en soi, l'oeuvre de Steinbeck en vaut, cinq, six, sept voire huit.

" Une Saison Amère ", quel titre débile ! L'original est un vers du Richard III de Shakespeare totalement effacé dans cette traduction. Mais il n'y a pas que le titre ; Anouk Neuhoff a tout gâché dans cette traduction du style de Steinbeck.

Il existe pourtant une vraie traduction de ce dernier roman de John Steinbeck mais qui ne circule plus que sur le marché de l'occasion et qui était l'oeuvre du traducteur Jean Rosenthal (le traducteur, notamment, de Ken Follett). En somme, si vous en avez l'occasion, évitez à tout prix cette traduction minable et jetez-vous sur l'autre qui s'intitule " L'Hiver de Notre Déplaisir ", qui colle parfaitement à l'original " The Winter Of Our Discontent ".

Outre ce problème de traduction, c'est un chef d'oeuvre de plus à mettre au compte de l'épicier Steinbeck, qui, encore une fois, nous sert un roman plein d'intelligence et d'humour, riche, profond, fin, subtil, complexe et qui suscite la réflexion bien au-delà du domaine qu'il explore.

« Now is the winter of our discontent
Made glorious summer by this sun of York ;
And all the clouds that lour'd upon our house
In the deep bosom of the ocean buried. »
Cette première tirade de Richard III colle à merveille au propos que souhaite véhiculer l'auteur. Voilà un homme, John Steinbeck, qui est né, qui a grandi et vécu une bonne partie de sa vie en Californie du début du XXe jusqu'après la seconde guerre mondiale. La tragédie, pour lui, c'est qu'entre temps, son pays est devenu la première puissance mondiale, sa population a explosé et son mode de vie s'est métamorphosé du tout au tout. La Californie agricole de son enfance n'est plus qu'un très lointain souvenir ; désormais, c'est le temple du high tech, du business et de la superficialité.

Il ne s'y reconnaît probablement plus beaucoup au début des années 1960 (voir à ce propos des mutations survenues en Californie durant l'entre-deux-guerres le roman graphique d'Emmanuel Guibert, L'Enfance D'Alan) de sorte qu'il finit même par s'installer sur la côte Est, celle des origines de son pays.

Il ne faut donc probablement pas s'étonner si l'auteur choisit pour établissement de son dernier grand roman une ville imaginaire, New Baytown, mais qu'il est aisé de situer sur Long Island, en tant qu'ancienne ville baleinière, une ville de pionniers totalement dépassée par le mouvement des années 1960. Au passage, l'auteur fait très certainement un clin d'oeil à Moby Dick, un type d'ouvrage qui lui aussi appartient au passé, du temps des glorieux pionniers de l'Amérique.

Le narrateur et personnage principal, Ethan Hawley, est issu d'une des anciennes grandes familles de la ville. Son père a perdu toute la fortune de la famille ; ne subsiste que le nom (mais ce qui est déjà mieux que rien). Ce faisant, Ethan est désormais garçon d'épicerie au service d'un émigré italien de première génération, ce qui est une sorte de relégation sociale indéniable.

Ethan s'en accommoderait assez bien s'il ne tenait qu'à lui. C'est un employé modèle, honnête et travailleur, qui fait l'ébahissement de son patron italien qui se demande toujours, avec son regard suspicieux qu'est-ce qui peut bien se cacher derrière une telle incompréhensible honnêteté.

Ethan, homme de la quarantaine, est marié avec une femme qu'il aime et qui le lui rend bien. Ils ont deux grands enfants de l'âge de l'adolescence. Malgré tous les sentiments qui unissent Ethan à sa famille, il sent bien dans leur regard qu'un peu d'argent supplémentaire et une situation professionnelle et sociale supérieure leur conviendrait mieux et le grandiraient à leurs yeux.

Le problème d'Ethan, c'est qu'il est à la fois intelligent, lucide et moral. le sang Hawley qui coule dans ses veines vient souvent lui rappeler qu'il est issu de fiers marins besogneux : des gens francs avec des valeurs. Derrière son comptoir, Ethan observe tout, comprend tout, et comprend surtout qu'il n'a pas l'âme d'un homme d'affaire.

Les compromissions, les entourloupes, les coups bas pour arriver à tirer son épingle du jeu le révulsent. Pourtant, il voit tout, il sent tout, il est capable comme Gloucester de devenir Richard III, mais que va-t-il devoir abandonner ou trahir pour se hisser sur le trône qui lui ouvre les bras ?

John Steinbeck nous offre en guise de testament littéraire une sensationnelle réflexion sur la réussite, économique et sociale, sur la notoriété, sur la possession et l'argent. Pour lui, comme pour Georges Brassens, les trompettes de la renommée sont vraiment très mal embouchées. Pourtant, c'est le visage de son Amérique : la réussite à tout prix, quel qu'en soit le prix ; quitte à tricher, quitte à tuer discrètement, quitte à écraser autrui, quitte à voler mais en conservant toujours la face en se réfugiant derrière un joli tampon officiel de légalité.

Voici l'argent, voici le trésor, voici la récompense, elle ne vous appartient pas mais vous pourriez aisément mettre la main dessus discrètement en toute dignité. Pour cela, il suffit juste d'aider un mourant à rejoindre rapidement sa tombe, ou de passer un petit coup de fil aux services de répression pour attirer l'attention sur les affaires d'untel ou d'untel. Que dit votre âme ?

L'auteur, avec son sens de l'humour et de la facétie, utilise la parabole, et même la parabole dans la parabole, au travers d'un jeu-concours comme seule l'Amérique des années 1960 peut en organiser : faire un texte sur « Combien j'aime l'Amérique », une compétition à laquelle les deux enfants d'Ethan vont participer et dont les résultats sont très certainement à l'image de ce que l'auteur pense de son pays, du moins de ce qu'il est devenu.

En somme, un livre à ne pas rater (mais à ne pas lire dans cette traduction bidon Une Saison Amère), assurément l'un de mes coups de coeur de l'année. Bien entendu, tout ceci n'est que mon avis, en espérant qu'il ne fera pas votre déplaisir en cette saison qui vient de voir finir l'hiver, car, tout bien pesé, il ne représente pas grand-chose.
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Un steinbeck,pioché dans une caisse de livres voyageurs dans une asso's de ma ville ,et qui m'a reposé après la lecture très dure du : manufacturier de M. Köping.
Un style ,une atmosphère et une ambiance qui m'a replongée quelques années en arrière lorsque je lisais du Steinbeck,É.Caldwell ,R Wright, Pearl Buck etc.....Mes années collège et lycée...
Au travers notre personnage Ethan tout en humour décalé et caustique qui se glorifie de son honnêteté : je ne suis qu'un petit vendeur honnête qui me contente de ce que j'ai,à la " botte" d'un patron italien ,eh bien rira bien qui rira le dernier ,car sous son apparence bon enfant Ethan cache bien son jeu, et entre les lignes nous voyons une critique habilement dissimulée de l'Amérique des années 60.
Beaucoup de tendresse ,d'humour et aussi un certain sarcasme car la société américaine en prend " plein son grade" .
Un retour en arrière,pour moi ,quelque peu nostalgique,mais de temps en temps cela fait du bien de retrouver ces écrivains qui nous ont marqués dans notre jeunesse .
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quel talent !! à lire d'urgence
intrigue très bien ficelée, humour, tendresse, lutte entre honnêteté et corruption, tout y est !
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De très nombreux atouts pour ce roman. Bien sûr (mais c'est enfoncer une porte ouverte pour qui connaît Steinbeck), le style qui brosse une ambiance, des personnages et des sensations avec raffinement. S'y ajoute un petit bijou d'humour qui amène fréquemment à vos lèvres un sourire attendri. le choix de narrer l'histoire du point de vue quasi unique du héros est mené de main de maître: on s'intéresse autant aux débats intérieurs d'Ethan qu'à ses rencontres et activités. Enfin, l'histoire est originale, malicieuse mais également puissante, "à suspens" tout en étant banale. La lecture de ce roman est donc un moment étonnant et fort: il continue à vous suivre la dernière page refermée, car il reste des pans à explorer en soi-même.
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La famille d'Ethan Allen Hawley possédait autrefois une grande partie de la ville de New Baytown. Désormais, Ethan est commis dans l'épicerie qui appartenait à son père. Son épouse Mary et ses enfants Allen et Ellen savent plus ou moins subtilement lui reprocher leur pauvreté et la perte de leur niveau social. « L'argent effacerait les sourires méprisants sur les visages de tous ces affreux bêcheurs. / Personne ne méprise les Hawleys. / C'est ce que tu crois ! Tu ne le vois pas, c'est tout. / Peut-être parce que je ne cherche pas à le voir. » (p. 50) Alors, et bien qu'il s'enorgueillisse d'être un homme de valeur, Ethan met en place un plan retors pour rendre aux siens le confort matériel dont ils rêvent. du week-end de Pâques au week-end du 4 juillet de l'année 1960 se noue un drame patient aux conséquences nombreuses.

Difficile de trop en dire sans détailler le plan complexe d'Ethan. « Je voudrais bien connaître le secret des affaires. / Je peux vous dire tout ce que je sais en une phrase. L'argent attire l'argent. / Voilà qui ne m'aide pas beaucoup. » (p. 77) Tout commence avec un tirage de tarots, s'agrémente d'une proposition de pot de vin et d'un héritage de 5 000 dollars, et repose sur un projet plus ou moins secret porté par la municipalité. Si Ethan met de côté ses principes, allant jusqu'à envisager le pire, il ne peut se départir d'un remords profond. « Et si j'oubliais les règles un moment, je savais que j'en conserverais des cicatrices, mais celles-ci seraient-elles pires que les stigmates de l'échec que je portais ? Être vivant, de toute façon, c'est avoir des cicatrices. » (p. 122) Dans les monologues qu'il adresse aux objets ou aux disparus, il pèse le bien-fondé de sa démarche tout en repoussant les avances de Margie Young-Hunt. « Dans les affaires comme en politique, un homme doit tailler son chemin à grands coups de machette à travers la foule pour devenir Roi de la Montagne. Une fois arrivé là-haut, il se montrer grand et magnanime, mais il doit d'abord arriver là-haut. » (p. 198)

J'avoue ne pas comprendre pourquoi la narration passe en un chapitre de la troisième à la première personne, mais j'ai apprécié ce roman qui ne ressemble pas aux Raisins de la colère ou À l'est d'Eden. John Steinbeck démontre une nouvelle fois à quel point il aime dépeindre les petites gens et leurs tourments moraux. S'il le fait ici avec un cynisme nouveau, ce dernier reste imprégné de tendresse et de commisération. À l'instar d'Hamlet qui ne sait pas s'il doit vraiment embrasser le destin qu'on lui a tracé, Ethan s'engage avec réticence sur le chemin escarpé de la richesse et rien n'assure qu'il atteindra sa destination. Un grand roman très humain, comme toujours avec Steinbeck.
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Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
En juin la graine joyeuse de l'été commence à germer. "Où irons-nous pour le Quatre Juillet ?... Il est temps d'organiser nos vacances." Juin est un mois gros de promesses, les canetons nagent vaillamment, peut-être en direction des implacables mâchoires sous-marines des tortues, les laitues s'acheminent vers la sécheresse, les tomates dressent leurs tiges provocantes vers les chenilles, et les familles comparent les mérites du sable et des coups de soleil à ceux de la montagne dont les nuits résonnent des concerts de moustiques : "Cette année, je vais me reposer. Je ne me fatiguerai pas autant. Cette année, je ne laisserai pas les gosses me bousiller mes deux semaines de liberté. Je travaille toute l'année." L'organisation des vacances triomphe de la mémoire et tout va bien dans le meilleur des mondes.
New Baytown dormait depuis longtemps. Les hommes qui gouvernaient la ville, politiquement, moralement, économiquement, le faisaient depuis si longtemps que leurs principes faisaient loi. Le maire, le conseil municipal, les juges, la police étaient éternels. Le maire vendait de l'équipement à la municipalité, et les juges faisaient sauter les contraventions depuis tellement longtemps qu'ils ne se souvenaient plus que c'était une pratique illégale - du moins à ce que prétendait le Code. Etant des hommes normaux, ils ne considéraient assurément pas la chose comme immorale. Tous les hommes ont de la moralité. Seul le voisin en est dépourvu.
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— Je veux vous parler, Ethan. Cet argent que votre femme a hérité de son frère… Ça fait plus de cinq mille dollars ?
— Six mille cinq cents, impôts déduits, dit Ethan.
— Eh bien ! cet argent dort à la banque. Il faudrait le placer. J'aimerais vous parler de ça. Il faut faire travailler votre argent.
— Six mille cinq cents dollars, ça ne peut pas faire beaucoup de travail, monsieur. Ça ne peut qu'être là en cas d'urgence.
— Je ne crois pas à l'argent qui dort, Ethan.
— Bah ! celui-là sert aussi : il est là en attente.
La voix du banquier se fit glaciale :
— Je ne comprends pas.
Son ton indiquait qu'il comprenait fort bien et qu'il trouvait cela stupide. Cela provoqua chez Ethan une certaine amertume, et cette amertume à son tour l'amena à mentir.
Le balai traça une courbe délicate sur le trottoir.
— Voilà comme c'est, monsieur. L'argent est provisoirement à la disposition de Mary au cas où il m'arriverait quelque chose.
— Alors vous devriez en retirer une partie pour prendre une assurance sur la vie.
— Mais ça n'est qu'à titre provisoire, monsieur. Cet argent appartenait au frère de Mary. Sa mère vit encore. Elle va peut-être vivre des années.
— Je comprends. Les vieilles gens sont parfois un fardeau.
— Ils peuvent aussi rester assis sur leur tas d'or. (Ethan jeta un coup d'œil au visage de Mr Baker tout en énonçant ce mensonge, et il vit un soupçon de rougeur émerger du col du banquier.) Vous comprenez, monsieur, si je plaçais l'argent de Mary, je risquerais de le perdre, comme j'ai perdu le mien, comme mon père à perdu toute sa fortune.
— C'est du passé, tout ça, Ethan… Il a coulé de l'eau sous les ponts depuis. Je sais que vous avez été échaudé. Mais les temps changent, de nouvelles occasions se présentent.

Première partie, Chapitre I.
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Un jour, un jour en son entier, n'est pas une chose simple mais multiple. Il change non seulement dans sa lumière, qui croît jusqu'au zénith pour de nouveau décliner, mais dans sa texture et son ambiance, dans son ton et sa signification, altéré par mille paramètres saisonniers, de chaleur ou de froid, de vents paisibles ou changeants, faussé par les odeurs, les goûts, et la contexture de la glace ou de l'herbe, des bourgeons, des feuilles ou des branches noires dénudée. Et de même que le jour change, de même ses sujets changent, les insectes et les oiseaux, les chats, les chiens, les papillons, et les gens.
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Margie Young-Hunt entra, la poitrine mutine dans un pull-over rose saumon. Sa jupe de tweed s'insinuait affectueusement entre ses cuisses et remontait sous on orgueilleux arrière-train, mais c'était dans ses yeux, ses yeux marron de myope, qu'Ethan vit cette lueur que sa femme ne verrait jamais, pour la bonne raison qu'elle disparaissait en présence des épouses. Margie était une prédatrice, une chasseresse, une Artémis en chaleur. Le vieux Cap'taine Hawley appelait ça un "oeil baladeur". Sa voix possédait la même qualité : c'était un grognement velouté qui, pour les épouses, prenait un mélodieux accent confidentiel.
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Lundi, le perfide printemps fit un brusque retour vers l'hiver avec une pluie froide et d'âpres bourrasques qui déchiquetèrent les feuilles tendres des arbres trop confiants. Sur les pelouses, pleins d'ardeur sensuelle, les moineaux audacieux et concupiscents roulaient en tous sens comme des chiffons ; déviés de leur trajectoire et de leurs cibles, ils pépiaient furieusement contre le temps capricieux.
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