Mieux qu'un Kerouac pourtant devenu culte avec - Sur la route - ( avis qui n'engage que moi ) mais auquel il s'apparente par l'époque, le genre et pas mal de thèmes, bien " autre chose " qu'un simple road trip ; c'en est un pour partie mais vraiment pas que... - Ligne de fuite - n'a pas connu le même destin, la même notoriété, la même consécration que son " frère d'armes ", et pourtant, quel bouquin !
Certains spécialistes, critiques littéraires pour la plupart, font porter la responsabilité de cette absence de reconnaissance à la traduction qui aurait en quelque sorte " trahi " son auteur donnant raison à l'expression italienne " traduttore traditore "...
Il faut convenir que la langue de Robert Stone n'est certainement pas de celles qu'on apprivoise aisément, mais une fois " maîtrisée "... quel régal pour le lecteur !
Une syntaxe riche, singulière où Stone réussit à faire harmonieusement coexister le littéraire le plus pur avec le familier et l'argot ; le tout en conservant une réflexion, une créativité et un maniement du conceptuel absolument épatants... tout en faisant mieux que préserver ou entretenir l'action et un réalisme à vif...
Il ne fait pas de doute qu'en le lisant j'ai pensé à Kerouac, mais tout autant à Tim O'Brien et pour ceux qui ont lu -
Billy Summers -, à
Stephen King ( eh oui ! )... vous allez comprendre.
Mais comment ne pas avoir également à l'esprit quelques images de films comme - Apocalypse now -, - Good morning Vietnam -, - Platoon -, - Full metal jacket - ( avec la musique des Stones, ça colle parfaitement...), - Outrages -, - Entre ciel et terre -, - Voyage au bout de l'enfer -, - Né un 4 juillet – et même si certains " feront la fine bouche " à - Rambo - ( juste le 1, je tiens à vous rassurer ).
Nous sommes à la fin, pas encore tout à fait , de la guerre du Vietnam. À Saïgon, Converse, un journaleux américain de trente-cinq ans, être médiocre et peureux, est venu mettre le bout de son nez dans ce conflit pour écrire un roman. Ce gars qui n'a jusqu'
à présent réussi qu'à faire la pige et à accoucher d'une pièce de théâtre qui a connu un succès d'estime, est au final tombé dans la dope, les bars à filles, l'alcool, laissant en Californie sa femme Marge, une jolie jeune femme de trente ans qui, elle, s'occupe de sa fille Janey et carbure au Dilaudid, à l'herbe et autres substances addictives. Avant de quitter Saïgon, Converse s'est associé à Charmian, une riche intrigante interlope locale qu'il veut épater. Il va, grâce à son ami Hicks, un ancien Marine, faire passer trois kilos d'héroïne pure aux USA. Hicks doit remettre le colis à Marge, laquelle le remettra à son tour à Antheil, un flic véreux flanqué de Danskin et Smitty, deux frappadingues à la gâchette facile, deux ex-taulards totalement asociaux. Chacune des " mules " recevra une prime conséquente, un retour sur investissement... très loin de la valeur marchande du produit livré... Hélas pour Hiks et Marge, il va y avoir un contretenps qui va les obliger à fuir ( c'est là que l'on retrouve
Stephen King et -
Billy Summers -...) de retour chez lui, Converse, au lieu d'être accueilli par Marge, va faire la connaissance d'un comité de réception inattendu... les trois ripoux patibulaires déj
à présentés.
Commence alors une course-poursuite pour retrouver la schnouffe et un road trip pour la fourguer...
La quatrième de couverture ayant dévoilé l'issue tragique de ce road trip, polar noir, thriller, roman générationnel psychédélique, violent et sans concessions, je me contenterai d'ajouter que les 389 pages que nous offre Robert Stone sur la fin d'un rêve, d'une illusion, d'une utopie, d'une époque, " la descente de trip " qui s'ensuit avec une Amérique groggy debout, tout est parfaitement dans l'air de ce que fut ce temps.
Le tissu social brodé aux couleurs beatnik et hippies s'étiole.
Un pays s'est perdu en allant se frotter à un certain Hô Chi Minh, un ancien cuisinier... eh non, Putin et Prigojine n'ont rien inventé... l'interlude Carter et viendra un cow-boy hollywoodien pour remettre de l'ordre dans le corral. Tu parles d'un trauma post... civilisationnel !
Le feu d'artifice final et le baroud " d'honneur " de Hicks sont absolument " crazy "... du grand art.
Deux courts extraits pour essayer de donner le ton:
- "
Après la guerre, lança Converse, ils devraient survoler la vallée de la Drang et parachuter des comics et des sandwichs au rosbif pour tous les Ma G.I. Parce qu'ils doivent drôlement se faire chier "
- " Si tu penses que quelqu'un te fait du tort, ce n'est pas à toi de juger . Tue-le d'abord, et laisse à Dieu le soin de juger ."
Un des très grands livres sur le " Nam " !