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Nicole Tisserand (Traducteur)
EAN : 9782869309159
219 pages
Payot et Rivages (10/05/1995)
4.08/5   13 notes
Résumé :
C'est sous les couleurs de l'ordinaire des jours que sont placées ces nouvelles d'Elizabeth Taylor, petites chroniques de ce quotidien dont elle sait, mieux que personne, extraire l'inattendu, l'original. Les enfants occupent une place de choix - drôles, vifs et plus vrais que nature. Le thème du voyage raté - lune de miel calamiteuse, excursion à l'issue fatale, désastre d'une escapade coquine - permet à Elizabeth Taylor de glisser dans les bagages de ses personnag... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Devastating Boys
Traduction : Nicole Tisserand

Ce recueil de onze nouvelles réserve sans doute moins de "chutes" que "Cher Edmund." Pour autant, il ne lui est en rien inférieur.

"Irrésistibles Vandales", première histoire du lot, qui donne son titre à l'édition anglaise, est le récit, tout en suggestions et en délicatesse, du séjour de deux petits Noirs, Sep et Benny, issus des quartiers difficiles de Londres, chez un couple de notables ruraux dont le mari a des opinions nettement "labour." C'est surtout l'épouse, Laura, qui va s'occuper d'eux tout au long de la quinzaine qu'ils passent dans la paisible campagne anglaise. D'abord maladroits, tantôt se voulant supérieurs parce que "urbains", tantôt feignant l'indifférence aux joies qu'ils découvrent, Sep (pour Septimus) et Benny finiront, à la fin de l'histoire, par se révéler de simples enfants en mal d'affection et d'attention. Et Laura, tout d'abord parniquée par leur arrivée, les verra la quitter avec nostalgie.

La troisième nouvelle, "La Grande Perche", met aussi en scène un personnage de couleur, Jasper, qui a trouvé un modeste emploi à Londres et envoie régulièrement une grande partie de son salaire à sa mère, restée au pays avec ses deux petites soeurs. Simple et sans malice, Jasper est aussi de ces gens qui, sous n'importe quelle latitude et dans n'importe quelle circonstance, sont heureux de vivre. Les pages qui lui sont consacrées reflètent admirablement cet art de la vie qu'il cultive avec naturel, sans même s'en rendre compte.

Nostalgie encore avec "Eloges", où la première vendeuse du rayon de vêtements pour dames d'un grand magasin londonien, Miss Smythe, arrive au jour de sa retraite. Une retraite qu'elle attend évidemment avec impatience. Mais sur le chemin du retour, le soir, chez elle, dans le train de banlieue, elle réalise que c'est aujourd'hui pour la dernière fois qu'elle croisera tel voyageur ou tel autre que, peu à peu, au fil de toutes ces années, elle avait appris à connaître. Qu'importe ! Après un bref moment d'abattement, Miss Smythe redressera la tête et partira vers sa retraite ...

"Oeuvre de Chair" est un petit bijou de tendresse et de sensualité dont les héros, Phyl, épouse en vacances d'un propriétaire de pub londonien, et Stanley, un homme seul, se rencontrent et sympathisent lors d'un voyage organisé. Ce sont des gens tout ce qu'il y a de plus ordinaires, tous deux gros buveurs et gros mangeurs, tous deux sur le retour, tous deux bruts de décoffrage si l'on peut dire (quoique Phyl soit plus raffinée) et c'est sans doute pour cela qu'ils nous touchent. Leur romance n'aura peut-être pas la fin souhaitée par Stanley mais il se dégage de ce récit une telle douceur et une telle authenticité que le lecteur ne s'en plaindra pas. Pas plus que Phyl d'ailleurs.

"Miss A. et Miss M." prouve, avec élégance et cruauté, que dans un couple, fût-ce celui de deux êtres du même sexe, l'un aime toujours plus que l'autre et risque son coeur et parfois sa vie au jeu de la passion. le tout est raconté par une adolescente qui, sans trop l'analyser, a, selon l'expression consacrée, "le béguin" pour un professeur qu'elle admire bien à tort, Miss A.

"Crêpes Flambées" se déroule dans un pays maghrébin où deux touristes anglais, de retour pour les vacances, recherchent en vain un groupe d'Arabes avec lesquels ils avaient sympathisé l'année précédente. Finalement, ils tombent sur le chef du groupe, Habib, qui leur affirme être devenu chef-cuisinier dans un hôtel-restaurant de luxe. Mais quand nos deux héros s'y pointent pour lui faire une surprise, pas d'Habib à l'horizon ... Empreinte de tristesse malgré les couchers de soleil radieux qu'elle dépeint en parallèle, cette nouvelle révèle que son auteur avait pris le temps d'étudier la société patriarcale maghrébine.

Viennent ensuite les nouvelles "à chute" :

1) "L'Excursion à la Source", où deux Anglaises en vacances en France finissent par trouver ce qu'elles cherchaient l'une et l'autre, la première, Gwenda, autoritaire et intéressée, la seconde, la lumineuse Polly, avide d'absolu.

2) "D'une Maison A L'Autre", de loin la plus drôle, la plus ironique du lot, où une petite concierge en herbe, la jeune Kitty, actuellement en vacances, va d'une maison à une autre dans le petit village qu'elle habite, colportant les rumeurs les plus exactes comme les plus exagérées et jouant ainsi le rôle d'une gazette locale vivante.

3) "Soeurs" révèle la regrettable histoire familiale de Mrs Mason, femme discrète et plutôt collet monté, qui a eu la malchance d'avoir pour soeur une extravertie de quelque talent, devenue romancière célèbre. Dans son oeuvre, la romancière n'a cessé de modifier le profil général de la famille qui était la sienne, mentant et déformant sans vergogne et prêtant notamment au personnage de Mrs Mason des comportements et des paroles d'une incorrection effarante - comportements et paroles qu'elle n'a évidemment jamais eus ni tenues.

4) "Hôtel du Commerce" voit deux jeunes Anglais en voyage de noces prendre pension pour un soir dans un hôtel où leurs voisins de chambre vont leur servir durant la nuit une sérénade d'insultes et de reproches conjugaux avant, au matin, de ... mais chut !

5) et enfin l'inquiétant et accablant "Papier Tue-Mouches" dont on comprend vite pourquoi l'éditeur français a choisi de lui donner l'honneur du titre principal. Pour le résumer, disons simplement que, si les victimes de Michel Fourniret et de son horrible compagne avaient lu cette nouvelle glaçante et glacée, elles seraient peut-être toujours en vie.

Elizabeth Taylor était un grand écrivain, croyez-moi. ;o)
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le recueil de nouvelles, le papier tue-mouche, de Élisabeth Taylor
Ce recueil est un mélange de tendresse et de cruauté.
La nouvelle Irrésistibles vandales : un couple marié depuis longtemps, les enfants sont grands, comment fait-on pour être ensemble ? Comment se respecte t on l'un l'autre ? Comment le mari t il respecte la pusillanimité , la timidité , le retrait , la discrétion de sa femme ? Comment la femme réussit à s'ouvrir (à aller vers des enfants) grâce à son mari ?
L'ouverture ici est apportée par les enfants des autres , des enfants défavorisés, qui m'ont fait rire par leur réflexion par le réalisme de leurs attitudes par leur incongruité ils sont loin d'être des enfants modèles.

Mais la douceur est rare . le recueil est surtout tissé d'une douleur discrète et aiguë.

De la violence presque dans la nouvelle Soeurs . L'une est âgée , l'autre décédée. La soeur décédée fut un écrivain connu . La soeur âgée est conventionnelle. Elle n'a jamais rien compris jamais rien compris à celle qui fut écrivain. Mais celle qui fut écrivain fut-elle si délicate ?

De la cruauté, intense, dans la nouvelle Hôtel du commerce.
Une femme est fortunée mais un peu « simple » pour gérer , seule, sa vie . Elle a une tutrice , une femme plus âgée dont le fond de l'âme est autoritaire. le drame interviendra . Il fondra sur celle qui est discrete et humble . Et l'amour des gens « simples », justement, et si bien décrit. Cette nouvelle est celle de la violence des plus forts , des plus grossiers, des moins subtils, au quotidien.

Oeuvre de chair : un couple , en vacances , tous deux sur le retour d'âge. La femme est mariée, son époux est resté à la maison. L'homme est veuf. Chez lui il vit seul. Cette nouvelle est le récit d'un bon caractère , celui de la femme , qui vivra bien l'idylle de ses vacances. L'homme, lui, la vivra moins bien . Il retrouvera sa solitude . C'est la vie. Elizabeth Taylor raconte la vie dans sa réalité banale, et profonde.

Crêpes flambées, une nouvelle qui se situe en Tunisie. Un jeune couple londonien y passe ses vacances. La difficulté de vivre à deux nous y est contée. le désir de vivre à deux , la subtilité, la délicatesse nécessaire pour y parvenir, le bon caractère qu'il faut déployer… le regard de l'auteur est fin , réaliste , sur ce type d'existence. La nouvelle raconte la désillusion : on ne retrouve pas le pays tel qu'on l'avait vu et vécu la première fois. Mais de façon sous-jacente n'est-ce pas aussi la désillusion du couple qui est présent ? La désillusion relative à l'histoire que l'on se raconte sur son propre couple sur sa propre vie ? de la compassion aussi de la part de l'auteur pour l'autochtone , qui lui aussi raconte des histoires, se raconte des histoires, de façon plus maladroite, moins subtile, plus triste apparemment. Mais les deux tristesses, celle du couple anglais , celle du Tunisien , se rejoignent. Elles sont mêlées.

La nouvelle Miss A et Miss M décrit l'enfance, sa sensibilité les réactions d'une petite fille élevée seule avec sa mère . Elle décrit ce que représente la période des vacances dans un calme village d'Angleterre. La nouvelle est aussi presque insoutenable de cruauté. Tout comme la dernière , le papier tue-mouche dont la chute cingle le lecteur par sa noirceur réaliste.

D'une maison à l'autre : un village d'Angleterre, encore. Les récits d'Élisabeth Taylor sont « baignés » d'Angleterre. Une écolière s'y promène, à l'âge où l'on est encore original, direct, transparent, où l'on donne , on parle, on communique, pendant le temps des vacances scolaires. La petite écolière crée du lien entre les villageois . Elle passe dans les cuisines de chacun. Elle s'intéresse à la cuisine. Et elle parle. Et elle raconte. La vie des autres. Et chacun s'intéresse. Mais l'intermède ne durera pas. À long terme, l'enfant va grandir. À court terme, elle reprend l'école. La vie… dans son quotidien…

Dans ce recueil, Elizabeth Taylor raconte l'injustice de l'existence . Ne pas se fier à la finesse , à la dentelle , de son écriture. C'est bien la cruauté discrète , celle qui ne fait pas de vagues , qu'elle nous décrit, parsemée de-ci delà de compassion, aussi…

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Soeurs :

[...] ... De son enfance, [Mrs Mason] avait gardé essentiellement, comme tout le monde, les après-midi silencieux et chauds, les bleuets, les chardons et les mourons rouges, les herbes qui éraflaient ses jambes nues lorsqu'elle descendait à la plage avec ses soeurs. De façon moins nette, elle se souvenait des soirées durant lesquelles les ombres s'allongeaient, et des voix lointaines qui s'interpellaient dans le jardin. Elle revoyait l'image de la maison aux fenêtres ouvertes, des serviettes et des maillots de bain qui séchaient sur les appuis des fenêtres d'en-haut et des sandales en toile, fraîchement blanchies, qui séchaient elles aussi pour la partie de tennis du lendemain. Tout était familier et apaisant : mais sa soeur, Marion, qui trouvait cela ennuyeux, avait été assez ingrate pour s'en irriter, faire des scènes et se révolter - en se servant toutefois de l'ensemble (non sans le déformer), dans les années qui suivirent, afin de se faire un nom. Rien n'avait jamais été tel qu'elle l'avait décrit - jamais. Quant à Mrs Mason, la petite Cassie de ses livres, elle n'avait jamais été non plus une enfant de ce genre. Plus de quarante ans plus tard, elle se cabrait encore devant le passage qui la décrivait s'accroupissant pour faire pipi dans une flaque d'eau entre deux rochers sous le regard d'un petit garçon que Marion avait inventé. "Cassie ! Cassie !" s'étaient écriées ses soeurs, apparemment consternées. Mais c'était Marion elle-même qui s'était conduite ainsi, fort probablement. Mrs Mason songea sombrement qu'elle aussi aurait pu raconter bien des histoires au sujet de Marion, si elle n'avait pas répugné à exposer la famille à la honte. L'épisode de la flaque dans les rochers était vraiment mineur, comparé à d'autres inventions de sa soeur - les "expériences sexuelles", comme les qualifiaient les critiques dans les journaux de l'époque. On aurait dit que Marion avait été contrainte de situer ses élucubrations malsaines dans un environnement qu'elle connaissait.

Le visage de Mrs Mason vira lentement à un pourpre qui se confondit avec son rouge à joues, et le jeune homme (= une sorte de journaliste en peine d'un article savoureux à écrire), nonchalamment adossé au fauteuil, sentit qu'il avait assez attendu. De toute évidence, quelques souvenirs venaient d'être réveillés. Il interrogea d'une voix douce, afin qu'elle eût l'impression que ses paroles venaient habiller ses propres pensées : "Quelques détails, à présent, s'il vous plaît. Etait-ce une enfance heureuse ?

- Oui. Non. Une enfance ordinaire, c'est tout.

- Avec un tel génie parmi vous ? Voilà qui paraît formidablement intéressant !

- Elle n'avait rien de différent de nous."

Elle était pourtant différente, et de façon déplaisante, comme l'avenir l'avait montré. ... [...]
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Le Papier Tue-Mouches :

[...] ... Il était très propre et bien mis mais sa voix nasillarde avait un son nerveux. Depuis qu'elle était montée dans le bus, il tenait une cigarette à la main, qu'il agitait en parlant, sans avoir une seule fois tenté de l'allumer.

- "Je parie qu'à l'école, tu chantes "Qui est Sylvia ?" Pas vrai ? Une belle chanson."

Elle acquiesça sans le regarder et, à sa grande horreur, il entonna, d'une voix chevrotante : "Qui est Sylvia ? Qui est-el...le ?"

Une dame, assise un peu plus loin, se retourna et lui lança un regard sévère.

Il est fou, se dit Sylvia. Elle était gênée mais pas inquiète, pas inquiète du tout dans ce bus rempli de voyageurs, malgré les recommandations de sa grand-mère qui lui avait répété si souvent de ne pas adresser la parole à des inconnus.

Il chantait toujours, marquant la mesure de sa cigarette.

La dame se retourna de nouveau et le foudroya du regard. Une femme toute simple, décida Sylvia, malgré les racines noires qui perçaient sous ses cheveux blonds. Elle se comportait de façon protectrice, rassurante, comme si elle surveillait la situation dans l'intérêt de Sylvia.

L'homme cessa soudain de chanter et la dévisagea à son tour. "J'ai l'impression, madame, que vous n'appréciez pas de m'entendre," déclara-t-il brusquement.

- "Le lieu ne s'y prête guère, c'est tout", remarqua-t-elle d'un ton sec. Et elle détourna la tête.

- "Le lieu ne s'y prête guère !" répéta-t-il à mi-voix, avec un étonnement feint. "Par un bel après-midi d'été, tandis que nous roulons joyeusement sur les chemins. Le lieu ne s'y prête guère - pour exprimer sa joie de vivre ! Je suis navré," dit-il à Sylvia d'une voix plus forte. "Je ne m'étais pas rendu compte que nous allions à un enterrement."

Sylvia, soulagée, constata qu'ils approchaient des faubourgs de la ville. C'était une petite ville et les faubourgs étaient très paisibles.

- "Ca ne t'ennuie pas que je te parle, j'espère ?" dit l'homme à Sylvia. "J'aime beaucoup les enfants. On dit que je sais m'y prendre avec eux. Tout le monde le dit. Je les traite d'égal à égal, je trouve ça normal." ... [...]
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