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EAN : 9782290210833
160 pages
J'ai lu (19/06/2019)
3.94/5   32 notes
Résumé :
Après la chute de l'URSS, d'importantes réserves de gaz et de pétrole ont été découvertes dans le Nord caspien et dans le fond asséché de la mer d'Aral. Alors que la consommation mondiale ne cesse d'augmenter, que les ressources décroissent et que le Moyen-Orient paraît de plus en plus instable, la Caspienne, jusque-là délaissée, revêt le visage d'un nouvel Eldorado et se trouve au cœur des enjeux énergétiques. Du sud de l'Aral à la Turquie orientale, Sylvain Tesson... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans une vie antérieure, je me suis intéressé de très près aux ressources énergétiques nouvellement découvertes en Asie centrale et dans le Caucase. [Jeune homme sous l'emprise de ses hormones, je ne sus résister aux charmes d'une employée à la longue chevelure de chez Total, invitée sur notre campus, qui obtint trop facilement mon manuscrit, alors que le mien, de charme, ne me suffit pas à me faire embaucher par et en sa compagnie ; c'est ainsi que je sauvai mon âme mais me sentis longtemps dépité...]
L'anecdote sert pour rappeler qu'à l'époque, la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan n'était qu'une des possibles routes alternatives de désenclavement des hydrocarbures des républiques indépendantes récemment issues de la dissolution de l'URSS, et que l'enjeu de ces tracés était surtout géopolitique. La Russie allait-elle se réapproprier les ressources en les acheminant de façon centralisée dans son réseau existant, puis par tanker à travers la Mer Noire et les Dardanelles ? La Chine aurait-elle l'audace de se les accaparer par un pipeline qui retracerait le segment oriental de la Route de la soie ? L'Occident, par le truchement de la Turquie, saurait-il faire valoir ses raisons à elle, entre autres environnementales, en interdisant le transit par le Bosphore et imposant au contraire un trajet par l'Anatolie jusqu'au littoral méditerranéen oriental, à proximité de la Syrie ? Au niveau systémique, les visées des grandes puissances étaient en jeu, et au niveau local, les conflits armés : la guerre Arméno-Azérie prétextant les enclaves du Haut-Karabagh (et du Nakhitchevan), les multiples foyers de conflit au Sud-Caucase, dont on ne se rappelle plus que de la Tchétchénie, et peut-être des révoltes géorgiennes contre la Russie, la reviviscence des rébellions kurdes dans l'Est anatolien, le refroidissement temporaire du fameux axe Moscou-Erevan-Teheran contre Washington-Ankara-Bakou... Et accessoirement, la question de savoir si les despotes des nouveaux pays indépendants, tous des apparatchiks soviétiques, sauraient à la fois s'émanciper de la Russie, à la fois défendre leurs propres intérêts et ceux des consortiums pétroliers occidentaux, et se défendre des courants islamistes radicaux gagnant rapidement de l'envergure depuis la Vallée de Ferghana autant que des contreforts caucasiens. Enfin, comment transformer la convoitise énergétique génératrice de tensions internationales en instrument de pacification ? Comment convaincre les régions parcourues par le tuyau qu'elles pourraient bénéficier d'une aide au développement, sinon d'une rente pétrolière, à condition de ne pas y puiser frauduleusement ni de ne menacer d'en fermer les robinets, ou pire, de le faire sauter pour exercer le chantage à l'aval ? Voilà ce sur quoi nous nous interrogions jadis.
Depuis juillet 2006, l'oléoduc occidental (sous l'égide de British Petroleum) Bakou-Tbilissi-Ceyhan est ouvert et fonctionne à plein régime. L'Occident a gagné. Beaucoup de ces conflits se sont apaisés, d'autres se sont enflammés pour d'autres raisons, ou plutôt pour d'autres gisements plus ou moins éloignés de là...
Aussi, lorsque nos deux pèlerins, Sylvain Tesson, l'écrivain voyageur à pied et à bicyclette, et Thomas Goisque, le photographe, en jeep, prennent la route du flux de pétrole, depuis les steppes ouzbèkes, par la Mer d'Aral quasi asséchée, puis à travers la Caspienne, et enfin suivant le tracé du pipeline BTC jusqu'à la Méditerranée, en quatre mois passés à longer les oléoducs, leurs méditations ne sont-elles plus d'ordre géopolitique mais bien plus environnementales. Ils se concentrent tout particulièrement sur le caractère éphémère des ressources en hydrocarbures et sur la fragilité du système productiviste tout entier, qui les dévore à un rythme proprement insoutenable.
Je vais avouer d'emblée : je ne me suis pas retrouvé dans le texte, bien que, abstraitement, je me trouve d'accord avec Tesson ; peut-être aussi parce que les informations sur les lieux et les faits ne m'étaient pas inconnues. Par contre, les photos, qui ont une importance quand même prépondérante dans ce livre, m'ont semblé absolument magnifiques : je suis stupéfait que l'on puisse, à partir d'un thème apparemment aussi aride que des installations pétrolières sur fond désertique ou aquatique, dégager autant de poésie, d'intelligence de l'esprit des lieux, de sensibilité aux paysages géographiques et humains, de beauté épurée des lieux communs.
Dans l'écrit, j'ai regretté la discordance avec les images, l'exiguïté des descriptions de géographie physique, là où ces endroits sont à la fois très éloignés de nos horizons et chargés d'un imaginaire mythique – les steppes, la Route de la soie, la mer d'hydrocarbures au large de la ville de Nobel, le port de Jason et des Argonautes... - ; je me suis encore plus langui de récits sur les gens, ces hommes et femmes pourtant si bien portraiturés. Comment la construction s'est-elle déroulée ? Les habitants ont-ils « adopté » l'oléoduc, sont-ils satisfaits par les actions de développement mises en place par BP le long de son tracé ? Qu'est il advenu des dizaines de milliers d'ouvriers qui ont travaillé sur le chantier ? Y a-t-il des changements visibles dans les régions traversées, dès lors que les tubes sont enterrés et ne restent que des patrouilles à cheval et des travailleurs dans derricks soviétiques vétustes et sur les îles artificielles et aux centres de pompage ultra-modernes et hyper-sécurisés des consortiums ?
Cela aurait valu beaucoup plus que des considérations relativement consensuelles (en France) dans le style COP 21...
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Je reviens avec un autre périple de Sylvain Tesson et Thomas Goisque, toujours chez les Éditions J'ai Lu, cette fois aux pays de l'or noir. Même édition, même présentation, même photos, même s'il faut l'avouer les images de stations gazières et pétrolières recèlent un charme plus confidentiel que celui de la route de la Soie et de ses paysages âprement authentiques de l'Asie centrale. Cette fois-ci, ses projets leur font traverser les steppes asiatiques du sud au nord, de gazoduc en oléoduc afin de comprendre les enjeux écologiques mais surtout humains qui entourent l'exploitation du pétrole et son exploitation irraisonnée par l'occident, les États-Unis, l'Europe sans oublier les pays émergeants, et densément peuplés, qui réclament leur part. Rappelons d'abord que Sylvain Tesson et Thomas ont effectué le périple il y a maintenant quinze ans, entre juin et septembre 2006, les chiffres sont donc dépassés, mais les réalités écologiques sont les mêmes, sinon pires.

L‘intervention de Thomas Goisque est ici particulièrement essentielle et bienvenue, le photographe restitue toutes les installations, qui n'ont pourtant rien de bien glamour, avec une beauté insoupçonnée que lui confère l'oeil de l'artiste : telle la photo des compresseurs de gaz sur une exploitation Ouzbèke, qui prend des reflets étrangement rosés à la lumière du soleil couchant ou celle de la traite d'une chamelle. Sans oublier les images de ces travailleurs, qui suent de chaleur et de fatigue sous le soleil tapant. Si les bagnes ont disparu, ces installations ne sont pas loin d'en être un parfait ersatz pour ces ouvriers surexploités. C'est une poésie visuelle qui adoucie la rudesse de ces installations métallifères, en particulier les rangées de derricks, qui plombent tristement les paysages asiatiques tout comme les foreuses vident leur sous-sol.

Le ton de Sylvain Tesson est bien différent de celui qu'il emploie Sous l'étoile de la liberté, c'est en quelque sorte une mise en accusation du comportement irresponsable de l'Homme vis-à-vis de la Terre son hôte, puisque la découverte de visu des (sur-)exploitations pétrolifères entraînent chez l'auteur un sentiment de gâchis, pour rester modérée. Passant outre le fait que ces installations de fer dénaturent des paysages et habitats, Sylvain Tesson insiste à de multiples reprises le fait que ces foreuses pompent le sang de la Terre jusqu'à épuisement. Sylvain Tesson pointe du doigt l'importance géostratégique des énergies pour la Russie même qui tient sous son joug toutes les anciennes républiques soviétiques, exerçant sa domination comme un vrai despote comme au bon vieux temps de l'union soviétique. Il ne se prive jamais d'une bonne pique assassine à l'égard de ces nouveaux riches, nouveaux russes ou nouveaux Kazakhs, qui profitent de l'explosion de leur richesse pour se faire grassement plaisir.

Beaucoup de détails géopolitiques émaillent ce récit, sur les stratégies énergétiques des pays d'Asie centrale, qui ne m'ont pas forcément passionnée il est vrai, dans cet ouvrage-là j'ai trouvé les photos beaucoup plus percutantes que le texte : celui-ci énumère beaucoup de détails techniques, des poncifs sur la situation écologique de la Terre, que l'on entend plusieurs fois par jour maintenant que les présidentielles sont proches. le véritable coup de poing de ce livre ce sont les photos qui montrent des installations vieillissantes, fuyantes, rouillées, sordides qui hantent la mer Caspienne et tout autre territoire riche en gaz et pétrole. C'est l'occasion d'évoquer ces pays qui sont en train d'émerger, dont l'Azerbaïdjan, avec ces villes, Bakou, où se côtoient une population hétéroclite, qui se partage entre conservatisme religieux et modernité ostentatoire, et ce groupe de favorisés qui s'épanouissent à la faveur des réserves de l'or noir exploitées et dont les fruits sont jalousement gardés par le cercle du feu président Aliev.

Malgré des explications qui parfois peinent à attirer mon attention, c'est un livre qui a son utilité : Sylvain Tesson rend compte du décalage entre cette Asie centrale, bien plus exploitée par un occident avide et insatiable alors qu'elle même, dans sa globalité, ne profite que peu du retour de cette richesse. Les images de ces paysans qui cultivent leurs champs de courges à grande peine, tandis que les oléoducs traversèrent leurs champs, enfouis à 1,50 m du sol, sont saisissantes. le texte commence à dater, il faut en tenir compte lorsqu'on le lit, il a en effet publié en première édition en 2007, cela se ressent puisque l'auteur évoque avec sarcasme le refus de Bush Junior de transiger sur la consommation énergétique des Américains. Il me semble que le texte aurait pris une dimension autrement plus mordante s'il l'avait écris sous l'ère Trump, ou même actuellement.

Un des plus beaux moments du livre pour moi reste celui qui évoque le monastère d'Oliangi, et ses religieux, qui appartiennent à l'Eglise autocéphale géorgienne, dont le mode de vie autosuffisant contraste de plein fouet avec la surconsommation énergétique du reste de la société, usant et abusant du transport, de l'extraction, du raffinage du pétrole. le mot de la fin, pas vraiment d'un optimisme forcené – on me pardonnera – je le laisserai à Sylvain Tesson et sur le constat quelque peu amer ressenti à la fermeture de ce titre.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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c'est le meilleur livre de sylvain Tesson. Un vrai récit de voyage, pur, concentré, affûté, descriptif et précis. On n'y perçoit pas d'ambition littéraire ou artistique, pas de commentaire sur l'actualité, pas de de digression introspective, mais seulement un texte sobre et parfait, l'histoire d'un périple, l'explication et la description de la géographie des lieux et des hommes et des femmes rencontrées. C'est ce que fait le mieux Sylvain tesson et c'est une grande réussite. On voyage nous aussi à lire ça.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Devant l’or noir, nous sommes ignorants, ingrats et blasés.

Je suis parti aux sources de l’énergie pour me corriger.

Mon idée était aussi simple que le tracé d’un oléoduc : cheminer doucement aux côtés du brut. Retracer le trajet parcouru d’une goutte d’huile de roche de son lieu d’extraction jusqu’aux ventres des supertankers. Décrire la saga de l’or noir. Camper ses décors, ses acteurs, ses enjeux, sa grandeur et ses servitudes.

Restait à choisir un lieu.

La région caspienne est le théâtre de nouveaux appétits pétroliers, depuis que les gisements de cette mer fermée ont été reconsidérés à la hausse après l’effondrement de l’Union soviétique. La mer fermée s’est ouverte aux appétits mondiaux à partir de 1991. La fièvre d’un nouveau Grand Jeu énergétique (à l’image du Great Game politique de la fin du XIXe siècle) s’est emparée des pourtours caspiens. Russes, Chinois, Américains, Azéris et Kazakhs mènent autour de la mer la danse de la convoitise. Là-bas, dans les steppes de l’Asie centrale, des compagnies internationales construisent des plates-formes pour puiser l’or noir. Des oléoducs strient la peau des déserts pour conduire le pétrole vers l’Etat le plus habile dans les négociations de partage.

Ces pipelines m’invitaient à de mythiques trajets, à travers des géographies tourmentées et des pays explosifs : steppes peuplées de nomades, littoraux caspiens oubliés du monde, montagnes caucasiennes, plateaux anatoliens, rivages de la Méditerranée orientale.
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"Les services de protection de l'environnement de la BOTAS (compagnie pétrolière turque) réintroduisent des tortues sur le littoral de Yumurtalik. Les élues vivront cent ans. Elles connaîtront le temps de la pénurie pétrolière !" (p. 156)
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En un peu plus d’un siècle, l’humanité a consommé l’équivalent de mille milliards de barils de pétrole. Il en resterait en réserve à peu près l’équivalent. C’est-à-dire quarante ans de consommation au rythme actuel. En 2004, on utilisait six barils, pour un seul que l’on découvrait !
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Quiquonque s’intéresse aux enjeux énergétiques de la planète ne peut faire l’économie d’une visite sur les rivages de la mer d’Aral. L’endroit manifeste l’avidité des hommes, cette propension à tenir la nature pour un garde-manger.
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abattre le même trajet que celui d’une larme d’or noir de la haute Asie convoyée à travers steppes et monts pour que le monde poursuive sa marche folle
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Vidéo de Sylvain Tesson
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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