Tout renverser

Nino a dix-sept ans et vient de commettre un acte terrible, il est caché dans une ancienne école à l'abandon et attend l'arrivée des gendarmes. Il y a dix ans, sa famille a quitté la ville de Nantes pour s'installer sur l'île d'Oléron, à Saint-Trojan les Bains, dans une jolie maison, la Villa Rose. le père de Nino, fasciné par le phare Chassiron, a alors travaillé sur un projet de photographies des marins tandis que sa femme, Sonia, avait un projet littéraire. Quand le père de Nino a disparu en mer, Sonia et Nino, ont été bligés de retourner sur le continent dans une cité ; Nino s'est alors mis à la pratique du tennis et il a commencé un entraînement intensif avec Frédéric, un homme qui a pris peu à peu de plus en plus de place dans la vie quotidienne de l'enfant et de sa mère.

Arnaud Tiercelin s'est lancé en littérature pour la jeunesse grâce à Arnaud Cathrine et Olivier Adam et il a été repéré par Geneviève Brisac dans cette équipe de jeunes auteurs français publiant principalement des textes pour la jeunesse décrivant le réel et abordant de nouvelles problématiques dans les romans pour la jeunesse. Arnaud Tiercelin a publié 26 textes depuis 2009.

C'est un long cri de douleur que propose Arnaud Tiercelin, le héros narrateur hurle sa souffrance après avoir commis un acte grave et nous le suivons durant une nuit dans sa tentative d'échapper à la gendarmerie et ses cachettes successives. A cette occasion, il se souvient de sa vie depuis le déménagement avec ses parents sur l'île d'Oléron puis le début des drames, la mort de son père, le nouveau déménagement avec sa mère dans une cité, la pauvreté, la dépression de sa mère et l'emprise de l'entraîneur de tennis sur son quotidien. La réalité du lien entre le héros et l'entraîneur est expliquée seulement à la fin du roman pour comprendre la douleur de cet adolescent, bien que le lecteur soupçonne dès le début le crime dont a été victime le héros : il a été abusé sexuellement durant des années par son entraîneur pédophile, qui a exercé une emprise sur sa vie et celle de sa mère. le roman dénonce ce crime et Arnaud Tiercelin a beaucoup travaillé sur le style littéraire avec des phrases hachées, des successions de mots sans construction grammaticale sophistiquée. le texte tient son originalité dans cette recherche stylistique et dans la description de la douleur du héros.

22h01. le téléphone de Nino, 17 ans, n'arrête pas de sonner. On le cherche. Sa copine, Julia, comme sa mère. Elles sont inquiètes, Julia un peu en colère, aussi. Mais Nino ne répond pas. Il ne peut pas. Cela fait cinq heures qu'il a trouvé refuge dans une école.

« Cinq heures que je griffe le carrelage avec mon ongles tout bouffés. Parce que j'ai déjà tout rongé. Tout ratatiné. Tout réduit à néant » (page 6).

Il a fait quelque chose de mal, qu'on découvrira à la fin du livre. Quelque chose de suffisamment grave puisqu'il craint à tout moment l'arrivée de la police.

Puis, le roman alterne entre les retours en arrière, à partir de 2011, dix ans plus tôt, et le présent, jusqu'à ce que les deux moments se rejoignent. En 2011, la famille a emménagé à Villa Rose sur l'ile d'Oléron, une maison louée face à la plage. Ils savent que la mère de Nino ne trouvera pas de travail ici, mais le salaire du père sera suffisant pour la famille… ça, c'était en théorie puisqu'un premier drame a tout fait capoter.

Un jour, en 2014, il fait la connaissance de Frédéric, un prof de tennis.

« Un grand gars aux yeux perçants, mal rasé, à la voix bouffé par la cigarette, brun aux cheveux courts« .

La mère de Nino veut que son fils fasse du sport. Petit à petit, Frédéric s'immisce dans la vie de l'adolescent… jusqu'à dépasser les limites.

ATTENTION, SPOILER !

Je n'ai pas mis l'intégralité de la présentation de l'éditeur, puisqu'elle dévoile le thème du roman, et que j'ai été déçue de la lire avant d'avoir fini le livre 😉 : les abus sexuels dans le sport. Je n'en dirai pas plus sur ce qui a conduit l'adolescent à se planquer, je trouve ça dommage de tout dévoiler. Mais rassurez-vous : si les faits sont là, réels et graves, la lumière et l'espoir sont là, eux aussi.

J'aime beaucoup l'alternance des époques qui nous fait entrer immédiatement dans l'action. L'auteur a su saisir son lecteur dès les premières lignes. On fronce les sourcils, on s'inquiète pour le jeune Nino, et pour sa maman aussi. Quant au sujet, il est, on le sait, d'actualité.

Un très bon roman, publié aux éditions Magnard !
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Qu'a donc fait Nino pour se cacher ainsi dans le présent ? Quelles sont les raisons du passé qui l'ont forcé à cet acte soudain ?

Le passé et le présent de Nino alternent et le lecteur découvre peu à peu les pièces d'un puzzle dont il ignore les contours. Au fil des pages, l'ensemble prend forme et l'écriture devient de plus en plus saisissante. On sent monter la colère, on commence à présentir le denouement, on est happé par l'alternance des temporalités... et puis, tout est renversé.
Arnaud Tiercelin livre ici un roman bref et diablement efficace qui scotche et se dévore d'une traite, en apnée du début à la fin.
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Nino est perdu, il fuit, il sait qu'il a fait une bêtise mais au fil du roman on retourne en arrière. On le voit heureux sur l'ile d'Oléron avec ses parents. La disparition en mer de son père bouleverse tout. Il se mets au tennis et lentement son professeur prend une emprise sur lui, c'est un prédateur sexuel, comment se sortir de ses griffes ?

Un roman court, écrit comme dans l'urgence de ce que ressent Nino. Des phrases courtes, denses qui montrent tout ce qui traverse Nino. Un ouvrage sensible et bouleversant.
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