Allah n'y est pour rien !

J'ai d'abord vu l'émission sur le site d'arrêt sur images (@si),le point de vue de Todd m'a semblé si novateur que j'ai souhaité lire cet entretien afin de reconsidérer les points avancés.
Le texte reprend ici le déroulement de l'émission. Il est facile et agréable à lire car il n'est pas "savant" et Todd assume pleinement ses positions parfois à contre-courant et ne s'embarrasse pas de plaire ou déplaire.
De son point de vue d'anthropologue et historien, il montre que certains facteurs (le taux d'alphabétisation, le taux de natalité) à la lumière des données historiques, peuvent permettre de "prédire" à coup sûr les conditions favorables à une révolution, quelle soit "islamiste" ou "communiste". D'où le titre "Allah n'y est pour rien !"
Un autre vecteur d'analyse auquel Todd fait fréquemment référence est la structure familiale (endo ou exogamie, patri ou matrilinéarité, égalité ou inégalité des droits de succession dans la famille ) qui explique l'histoire politique bien plus qu'on ne pourrait le supposer. La religion ne jouerait là qu'un rôle secondaire.
C'est un livre qui place le débat bien au-delà des jugements moraux et des peurs xénophobes, un livre véritablement intéressant non dénué d'humour.

« Ce livre inhabituel, entretien-confession d'Emmanuel Todd par l'équipe d'@rrêt sur images, est l'enfant hybride d'un précédent livre paru en 2007 « le rendez-vous des civilisations ».
E. Todd interviewé par @si, répond aux questions et développe sa vision d'ethnologue et d'historien sur les transformations du monde arabe. Un petit livre qui doit nous inciter à lire le précédent pour développer les connaissances qui y sont ici dévoilées. Une conception à contre courant des peurs « occidentales » quand on parle du monde arabe. E. Todd avait « prévu » les révolutions arabes leur pas vers la démocratie, je dirais même un pas après l'autre, car les événements plus récents nous laissent à penser que l'avancée se fera aussi de reculs inévitables… Une chose absolument intéressante est dite sur les émissions qui nous montrent d'emblée, l'orientation donnée par les intervieweurs, ici ce n'est pas le cas.
Pour montrer que les « révolutions arabes » étaient inévitables deux paramètres essentiels pour E. Todd : le taux d'alphabétisation et la maîtrise de la fécondité, par contre les mariages endogames ont été un frein à ces « révolutions », la société étant par le fait repliée sur le groupe interne et immédiat. E. Todd éloigne le spectre de l'islamisation, par un raisonnement scientifique, mais quel est le pourcentage de l'imprévu ? (A l'aube de l'Indépendance les femmes algériennes brûlaient leur voile, trente ans après, ils étaient remplacés par le hidjeb,….)
S'appuyant sur les autres révolutions, Chine, Russe, Iranienne, Allemande et Française, Todd reste optimiste quant à l'évolution de ces révolutions arabes. Excepté toutefois pour certains pays, où la rente pétrolière peut fausser les paramètres pris en compte. Je reste tout de même un peu septique quand il dit que la rapidité de l'évolution de certains de ces pays, amènera plus rapidement des résultats probants.
Un livre qui a l'avantage d'inciter les débats, autre que ceux animés par une peur latente du spectre islamique… Encore faut-il ne pas le sous-estimé…

Je l'ai mille fois entendu mais ne l'ai jamais lu. Et sans doute aurais-je dû me renseigner avant d'emprunter ce livre car il n'est que la retranscription écrite d'une participation à une émission présentée par Daniel Schneidermann sur le site Arrêt sur images. le format n'est donc pas très approprié pour découvrir les travaux de l'auteur que je ne parviens pas, ici, à saisir. Je sais qu'il considère les structures familiales, les taux de fécondité et d'alphabétisation comme décisifs dans l'évolution d'une société mais je ne saisis pas les liens qu'ils tissent entre les causes et les effets. Et ici, les explications ne sont pas suffisantes, disons plutôt qu'elles ne sont pas convaincantes. Elles sont intéressantes car elles expriment un point de vue original et inédit, mais l'originalité ne fait pas forcément l'analyse pertinente. Il me faut donc lire un de ses livres pour comprendre son approche et sa grille de lecture avant de juger la qualité de ses travaux car enfin je reste sceptique quant à la méthode employée. Les données chiffrées peuvent avoir leur utilité mais elles ne peuvent, à mon sens, suffire pour établir des vérités scientifiques. D'où viennent les statistiques étudiées? Comment sont-elles établies ? Par qui ? Les chiffres reflètent-ils toujours une réalité sociale ? Sont-ils fiables? Permettent-ils l'analyse anthropologique ? Je demande à être convaincue. Je lirai donc Emmanuel Todd pour comprendre la démarche scientifique et ne vous conseillerai pas cet ouvrage car il n'est pas très abouti.

Avec ce livre, Emmanuel Todd s'attaque à plusieurs débats. Je retiens surtout son analyse sur les causes des révolutions politiques, en France comme à l'étranger.

Pour lui, le grand moteur du développement est le taux d'alphabétisation. L'alphabétisation de masse a démarré en Europe à compter de la réforme protestante. La Révolution française s'est produite quand près de 50% des hommes du bassin parisien savaient écrire.

La séquence se répète en fait dans de nombreux pays : une montée de l'alphabétisation puis une révolution politique et enfin un baisse de la fécondité.

Deux premiers axes sont donc pris en compte. le premier est historique. Un taux d'alphabétisation élevé entraîne des bouleversements politiques et la baisse du taux de fécondité engendre des rebonds pouvant conduire à une désorientation et des violences.

Le deuxième axe est géographique comme anthropologique. Les valeurs de la Révolution française que sont l'autonomie, la liberté et l'égalité préexistaient au sein de la famille, elles passent simplement du substrat anthropologique familial à une expression idéologique. Ainsi donc, Emmanuel Todd ne semble pas croire au rôle des philosophes dans son déclenchement ...

C'est un essai passionnant, qui découle d'une "conversation" télévisuelle, suite aux divers Printemps Arabes, qui ont bien changé le visage du Maghreb et de l'Orent. Dans ce livre, Todd reprend, avec Daniel Schneiderman dans l'émission Arrêt sur Image, l'idée du rôle clé jouée par la démographie, l'alphabétisation, et les changements d'habitudes sociologiques que cela engendrent, pour expliquer le phénomène de Printemps Arabe. C'est l'histoire d'une ouverture intellectuelle et d'une soif de liberté, de changement, que les dictateurs ont de plus en plus de mal à contenir. Ouvrage passionnant et qui éclaire encore aujourd'hui la scène politique mondiale.