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EAN : 9782493823083
230 pages
Tropismes (08/09/2023)
3.8/5   5 notes
Résumé :
C'est le récit d'un monde qui disparait pour céder la place à une nouvelle ère. Celui de la presse écrite, jugée jadis comme un refuge d'intellos et de journalistes intrépides, personnifiés dans le personnage de Metod, rédacteur-en-chef d'un quotidien à l'agonie, réduit à obéir aux désidératas d'une grande entreprise qui vient d'acheter son journal, sans vraiment en comprendre les ordres ni les raisons. Face à ce quinquagénaire désabusé, Ozbej, jeune millionnaire de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il est rare de tomber sur un ouvrage de littérature slovène contemporaine, alors lorsqu'on en trouve, c'est avec plaisir qu'on la lit : il s'agit d'un titre de la rentrée littéraire de Tropismes Éditions, d'une autrice qu'ils ont déjà publiée par le passé, Agata Tomažič et dont j'ai pu lire le titre précédemment traduit, publié sous l'ancien nom de la maison, Belleville Éditions, Ce que l'on ne peut confier à sa coiffeuse, qui réunissait 13 nouvelles. On retrouve l'autrice ici avec un roman à deux voix, dans lequel la Slovénie est toujours présente, au premier plan ou en arrière-plan, s'incarnant dans les racines des deux personnages, deux hommes séparés par une vingtaine d'année, et qui se partagent le récit.

Il y a d'abord Metod Devetak, la cinquantaine passée, rédacteur en chef d'un quotidien américain, totalement désabusé, surtout depuis que son journal a été racheté par une entreprise. Précisément celle de Ožbej, une vingtaine d'années plus jeune, qui a réussi dans la vie en tant que geek invétéré, développeur d'une application à succès. L'un et l'autre sont originaires de Slovénie et sont venus chercher un avenir à leur avenir professionnel aux Etats-Unis, l'un et l'autre vont se rencontrer pour la première fois à l'occasion de cet achat-vente, les deux hommes vont se remémorera leur passé, leur enfance, l'une comme l'autre, passée en l'absence de tout géniteur. Beaucoup de similitudes entre les deux hommes pourtant, ils se placent à l'opposé l'un de l'autre, l'aîné travaille à l'ancienne dans la rédaction de journaux imprimés, l'autre dans le numérique et ses nouvelles technologies. Deux représentants de deux mondes qui se succèdent l'un à l'autre, deux symboles puissants de ce qui se joue. Cette bataille fratricide se joue entre l'ancien et le nouveau monde, et également du point de vue géographie et temporel, la Slovénie, tout comme tant d'autres pays d'Europe, semble pour ces exilés n'avoir guère plus d'arguments pour un avenir à leur proposer : tout se joue aux Etats-Unis.

À travers Metod c'est le sentiment de l'exilé, qui sait qu'il n'est plus à la page et est sur le point d'être débarqué, mis au ban, au placard, cette peur saute aux yeux du lecteur en ouvrant le récit par la contemplation du Pakistanais qui vend les journaux pour les sans-abris. Ožbej, c'est l'exemple parfait du self-made man à l'américaine, le jeune informaticien brillant qui réussit par lui-même, un Mark Zuckerberg slave, forcément bien intégré puisqu'il apporte succès et argent, à la Silicon Valley, bien loin du « seul pays au monde où l'on réussirait à écrire son nom sans faute : Ožbej Ključevšek. ». À vrai dire, c'est aussi in fine une critique sur l'uniformisation, où les accents inhérents aux langues indo-européennes deviennent une chose désuète, une uniformisation progressive sociale qui va de paire avec les technologies qui évoluent et effacent peu à peu tout caractère, toute personnalité à la vie quotidienne, où les journaux papiers n'y ont plus leur place face à l'efficience du numérique, qui pixelise les images, la réalité, la réduisant en de petits carrés insignifiants et flous, et inconsistants. L'assaut d'une société pixelisée.

Deux conceptions du présent et de l'avenir se disputent ici à travers le face-à-face des deux hommes que le texte met en face, la perspective à la Robert Musil de Metod l'homme sans qualité face à l'homme qui pourrait être son fils, un ancien hacker, idéaliste, persuadé de pouvoir rétablir un équilibre entre dominants et dominés. L'une des choses qu'ils ont en commun, c'est du haut de leur tour, de son bureau au dernier étage pour l'un, de son isolement dans sa tour d'ivoire pour l'autre, d'avoir atteint le ciel, où il n'y a plus rien après, englué dans une inexistence solitaire, dénuée de tout sentiment et sensation, dans un nuage d'atonie rendue plus épaisse avec le temps. Avec un monde qui a tout poli, tout effacé, jusqu'aux accents des noms, tout impersonnalisé à l'extrême, depuis l'inanité des applications dématérialisées sur des serveurs fantômes, dont son journal va devenir partie prenante.

La narration est bien menée et vous surprendra probablement dans son dernier quart, donnant ainsi encore un peu plus de reliefs qu'à une simple critique sociétale plaquée sur l'histoire croisée de deux Slovènes exilés aux Etats-Unis : un retournement de situation qui permet de rétrospectivement considérer les deux récits d'un autre angle, et lui redonner un aspect plus humain, que je vous laisse découvrir.
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D'abord il y a Metod. Rédacteur en chef d'un quotidien Slovène, reclu dans le confort que lui offre son titre, il s'évertue à se tenir loin des émotions qui pourraient l'assaillir. Les mots il les aime comme il aime les gens. Ordonnés, dociles, justes, et surtout à distance. le journalisme, c'est les faits, le bon agencement, la bonne orthographe.
Mais dans son enceinte de certitudes, une fissure lézarde. le nouveau monde l'ébranle. La presse écrite crie son obsolescence. L'avenir ressemble à un trou noir prêt à l'aspirer jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui.

Et puis il y a Ožbej dont on découvre la jeunesse enragée. Pour lui, c'est le passé qui est obscur, l'avenir qui est plein de promesses. Les chiffres, les algorithmes, les nouvelles technologies, il s'en empare comme on s'accroche à une bouée. Ses angoisses semblent s'estomper au fur et à mesure qu'il s'éloigne de ce qu'il connaît : sa terre natale, la Slovénie, sa langue, qu'il délaisse pour l'anglais de la Silicon Valley... Seule ombre au tableau son nom, cet accent sur le z qui trahit tout ce qu'il a fuit.

C'est l'histoire d'un homme de lettres sans avenir et d'un homme de chiffres sans passé. D'une course à l'information qui va trop vite mais qui, peut-être, n'arrive nulle part. Et les mots dans tout ça ? Ils ironisent de ces silences, s'amusent de ces solitudes, à l'abri des protagonistes ils nous font des clins d'oeil malicieux et nous nous laissons prendre à cette comédie humaine où les héros ne sont pas forcément ceux que l'on voit.

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Après son brillant recueil de nouvelles, Ce que l'on ne peut confier à sa coiffeuse, les excellentes éditions Tropismes nous offrent un nouvel aspect du talent de l'écrivaine slovène Agata Tomažič avec un roman paru en 2016 dans son pays, Frapper le ciel. A travers deux personnages, dont on suit les faits et gestes, en parallèle, l'autrice décrit un monde qu'elle connaît d'expérience, celui des journaux écrits, dont l'influence ne cesse de se réduire comme peau de chagrin. Ces deux protagonistes semblent a priori très opposés dans leurs évolution professionnelles : l'un est le rédacteur en chef usé d'un support quotidien de Ljubljana à bout de souffle ; l'autre, également d'origine slovène, s'est adapté à la vie américaine et a construit sa fortune dans la Silicon Valley, Mais de fait, ils se ressemblent beaucoup, handicapés sur le plan des relations humaines et incapables d'aimer ou de se faire aimer. Agata Tomažič les décrit avec une précision d'entomologiste, perçant leurs pensées les plus intimes sans une once de bienveillance. le roman a un aspect de comédie noire mais sa structure est rigide et quelque peu austère, avec une quasi absence de dialogues et, en revanche, un excès de métaphores. le sentiment d'une petite déception après ses nouvelles est en partie gommé par l'impression que l'autrice est capable d'écrire dans des styles très différents, selon le sujet abordé. Rendez-vous est pris pour un prochain ouvrage.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Ožbej, sans père connu et une mère qui l'a laissé aux bons soins de ses grands-parents, réussit à la Silicon Valley et devient millionnaire.

Il décide de rentrer chez lui en Slovénie. 

Metod, rédacteur en chef, n'est plus à la page, vieillissant comme le quotidien pour lequel il travaille. Il ne comprend  les changements apportés par les nouvelles technologies et encore moins tous ces jeunes qui travaillent avec lui. Le journal perd de la vitesse,  les ventes baissent. 

Le jeune Ožbej se tourne vers l'avenir,  le vieux Metod regarde le passé.

Ožbej vient à la rencontre de ce rédacteur en chef.

Quelles sont ses réelles intentions en faisant un énorme donation au journal ?  Se venger de son père ? l'humilier ou le connaître enfin tout simplement ? 

En parcourant ce roman, on découvre parallèlement Ožbej et Metod, deux hommes bien différents  J'avoue que je n'ai pas vu tout de suite le lien entre eux. 

Au-delà de tout cela, ce sont les nouvelles technologies et la rapidité avec laquelle les habitudes ont changé face aux journaux et le journalisme lui-même qui sont pointés du doigt par l'auteur. Les médias ont perdu de vue leur mission première, l'information. 
Ils sont rachetés par des gens qui n'y connaissent rien. 

Tout se passe derrière un écran aujourd'hui et c'est regrettable de toujours regarder le monde par la fenêtre de son ordi, son mobile ou son ipad. C'est comme si on portait toujours des lunettes. 
Le monde avance, certains perdent de la vitesse, d'autres vivent avec leur temps. Mais ne perdons pas de vue l'essentiel. 



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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La région du monde d’où il venait l’enseignait également, après tout, c’était là-bas que les premiers Etats s’étaient formés et que l’on avait inventé des choses fondamentales comme le monothéisme, les systèmes d’irrigation ou les codes de lois ; désormais, cette partie du monde n’exportait plus que des mauvaises nouvelles. Voilà pourquoi la seule chose intelligente à faire était d’abandonner ces lieux.
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Les mots étaient pourtant toujours puissants, les mots étaient plus puissants que l’épée et que les chiffres. Les mots n’étaient pas des bitcoins.
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